Un ambassadeur de luxe
Impact jeudi, 16 mai 2013. 18:49 jeudi, 12 déc. 2024. 07:43C’est une grande page de la petite histoire du foot qui sera tournée lorsque David Beckham quittera le sport qui l’a rendu célèbre à la fin de la saison du Paris Saint-Germain.
Comme joueur, Beckham sera toujours reconnu pour ses coups francs. Sa patte droite était magistrale, peut-être l’une des plus précises de l’histoire. Il pouvait mettre un centre sur la tête de n’importe quel joueur, placer des frappes en pleine lucarne ou compléter des passes magiques sur 40 ou 50 mètres.
Mais sa renommée, on le sait, s’étend bien au-delà des cadres de son sport, sa gloire déborde des limites du terrain. Beckham est une figure mondiale, une vedette planétaire, la rock star du monde du soccer. Il est vu comme une icône au même titre que Michael Jordan. Et en raison de son alliance avec une célèbre chanteuse pop, des gens qui ne connaissent absolument rien au soccer le connaissent lui. On l’a constaté l’année dernière au Stade olympique, alors que plusieurs spectateurs avaient acheté un billet sans trop savoir quelle équipe était en ville pour affronter l’Impact!
Le joueur qu’a été Beckham méritait-il que son image prenne une telle ampleur? Honnêtement, en ne prenant en considération que son talent pur, il faut avouer que d’autres joueurs de sa génération ont été beaucoup plus électrisants. Pensez à Zidane et Ronaldo, ou encore Messi et Cristiano Ronaldo... Mais Beckham, lui, est devenu Hollywood.
Il faut toutefois rendre à César ce qui lui revient. En 1999, Beckham est arrivé deuxième derrière Ronaldo au scrutin visant à déterminer le joueur de l’année de la FIFA. Cette année-là, il avait aidé Manchester United à gagner la finale de la Ligue des champions en préparant deux buts décisifs dans les arrêts de jeu. Si je ne me trompe pas, il avait terminé la saison avec une trentaine d’aides décisives. À son apogée, il faisait sans contredit partie de la crème de la crème. On ne parle pas ici d’un joueur moyen devenu célèbre parce qu’il a marié une Spice Girl.
L’un des moments charnières de la carrière de Beckham est survenu en 2001, lorsqu’il a qualifié l’Angleterre pour le Mondial en battant la Grèce avec un coup franc de 35 mètres dans la lucarne. Pour les moins bonnes raisons, on n’oubliera jamais son carton rouge fatidique au Mondial de 1998.
Et puis un bon jour, grâce à lui, le reste du monde a commencé à parler de la MLS. Je jouais au Danemark quand Beckham a quitté le Real Madrid pour joindre les rangs du Galaxy de Los Angeles. À l’époque, tout le monde disait cyniquement qu’il s’en allait directement à la retraite. Alors au début de la trentaine, on lui reprochait de mettre son pays de côté pour aller faire des millions en Amérique. L’avenir allait toutefois lui permettre de prouver à tout le monde qu’il avait encore quelque chose à offrir.
Tout à coup, les amateurs de sport de l’autre côté de l’Atlantique ont commencé à se demander c’était quoi au juste, la MLS. Ils se disaient que si Beckham avait décidé d’y aller, ça devait bien valoir le coup d’œil. Tranquillement, les Anglais ont commencé à y porter attention et les mordus du ballon rond du reste de l’Europe ont emboîté le pas. D’une certaine façon, c’est un peu lui qui m’a aidé à me connecter au plus important championnat nord-américain parce qu’au Danemark, c’est pour Beckham qu’on a commencé à diffuser les matchs de MLS qui pouvaient être montrés à des heures raisonnables.
Sans cet ambassadeur de luxe, je ne crois vraiment pas que la MLS serait allée conquérir ce marché. C’est ça, l’effet Beckham.
Jadis, on disait des joueurs de la MLS qu’ils n’étaient pas de calibre pour jouer en Europe. Maintenant, des jeunes Américains et Canadiens jouissent d’une plus grande visibilité et sont recrutés pour jouer sur le Vieux Continent.
Un mal pour un bien
Une fois, en match présaison, j’ai eu la chance de jouer contre Beckham. J’étais toutefois sur le banc pour sa visite à Montréal au début de mon retour avec l’Impact.
C’est comique, parce que le fait de ne pas avoir joué ce jour-là m’a permis d’observer avec une attention particulière le facteur Beckham. Bien sûr, je l’avais vu à l’œuvre maintes et maintes fois à la télévision, mais de mon point de vue privilégié, j’ai pu apprécier la finesse de son art comme jamais auparavant. Son flair pour repérer un coéquipier démarqué, la qualité de ses relais... Il ne jouait peut-être plus pour Manchester ou Madrid, mais je savais que j’avais devant mes yeux un joueur très spécial.
Certains joueurs peuvent dribbler, éliminer deux ou trois gars et trouver le fond du filet les yeux fermés. Beckham pouvait causer ce genre de dommage avec un seul ballon bien placé. Il pouvait envoyer un joueur en échappée ou secouer les cordages avec un coup franc parfait. C’est d’ailleurs comme ça qu’il avait inscrit le but égalisateur lors de son passage à Montréal. Avec le Galaxy, il était l’aimant qui faisait fonctionner l’attaque. C’est vrai que l’effectif californien débordait de talent, mais les Donovan, Keane et Magee pouvaient tous se retrouver à la porte de ton but avec une seule passe de Beckham.
Effectuer et recevoir une passe, c’est la base du soccer. Mais peu de joueurs dans l’histoire ont pu réaliser ces actions banales avec la même aisance que Beck.
Un gars comme les autres
Beckham a laissé derrière lui une réputation favorable lorsqu’il a quitté les États-Unis.
Son arrivée à L.A. avait pourtant fait bien des jaloux. Dans un championnat où les dépenses des équipes sont limitées, son salaire « galactique » était à des années lumières de celui de ses coéquipiers et rivaux.
Mais j’en ai déjà parlé avec notre ancien gardien Donovan Ricketts, qui a joué avec lui à Los Angeles, et il me l’a décrit comme un joueur exemplaire et très professionnel. Malgré toute la bulle qui l’entoure, il apparaît semble-t-il comme un gars comme les autres.
Peut-être, c’est vrai, qu’il était parfois protégé par la Ligue et les arbitres. Mais moi, j’ai toujours vu en lui un vrai pro. Jamais je n’ai entendu dire qu’il ratait des rendez-vous, qu’il se prenait le derrière, qu’il s’entraînait en solitaire ou qu’il jouait à la star. C’était un gars d’équipe, même plus que certaines autres vedettes américaines, selon Donovan.
Bref, son départ nous affecte tous. Beckham, c’est un gros nom. Il a marqué le sport en Europe et en raison de son passage ici, on a développé un certain attachement envers ce personnage. Mais c’est ça, le monde du sport. Il y en aura d’autres, des Beckham, mais on entendra toujours parler du vrai, du seul et unique.
Jeb le guerrier
Mes coéquipiers de l’Impact et moi profiterons d’une fin de semaine complète de congé après avoir traversé une séquence de sept matchs en 22 jours. Disons que ce n’est pas de refus à un moment où tout le monde a besoin de se ressourcer et de se changer les idées.
Le moment se prête bien à une petite retraite du monde du soccer qui nous permettra de revenir frais d’esprit et de corps pour attaquer la suite du calendrier. On affrontera l’Union de Philadelphie le 25 mai, puis ce sera ensuite le temps d’aller chercher la coupe des Voyageurs.
D’un côté, on est déçu du résultat obtenu mercredi soir dans notre premier duel contre les Whitecaps de Vancouver. On aurait bien évidemment aimé sortir du match avec un élan favorable, un coussin qui aurait été bien pratique pour le retour à l’étranger. Mais on se console en se disant qu’on n’a rien donné à l’adversaire. À 0-0, tout va maintenant se jouer sur un seul match. On sera loin de chez nous, mais un but à l’extérieur peut valoir double dans ces circonstances.
On évalue notre plus récente performance d’un œil réaliste. Un nul sans but, c’est le résultat que Vancouver recherchait en formant une muraille devant leur filet en deuxième demie. S’ils sont à l’aise avec ça, tant mieux. Pour nous, c’est loin d’être la fin du monde considérant qu’on a comblé un retard de 0-2 contre Toronto au tour précédent. Et on sait que lors du match ultime, devant leurs partisans, ils vont probablement devoir se porter davantage à l’attaque et ouvrir le jeu, une stratégie qui devrait aussi être plus propice à l’imposition de notre jeu.
Un des nôtres est ressorti amoché du match contre Vancouver. Si vous suivez les activités de l’équipe de près, vous avez probablement déjà vu les photos du visage ensanglanté de Jeb Brovsky, qui s’est fracturé le nez à six endroits après avoir encaissé la tête d’un défenseur en toute fin de rencontre.
Jeb est un gars que j’ai toujours apprécié. De sa position de défenseur, il offre du jeu solide, ses performances sont constantes. Je sais qu’il a été critiqué depuis son arrivée à Montréal. On dirait que les gens voudraient voir un Daniel Alves qui monte avec le ballon, fait des centres, crée des chances en attaque. Mais ce n’est son rôle avec nous.
Jeb va au charbon, comme on dit en bon québécois. Il se jette devant les tirs, il en bloque plus souvent qu’à son tour. S’il se fait battre, il faut le battre une deuxième fois parce qu’il est toujours là. Il n’abandonne jamais, se donne toujours à fond et n’a pas manqué une seule minute en championnat cette saison!
Le fait qu’il ait insisté pour rester dans le match avec un nez cassé démontre toute l’ardeur au travail et la volonté de ce gars-là. Le mot clé, c’est « guerrier ». Et dites-vous qu’il est aussi intense à l’entraînement.
Une équipe, c’est un amalgame de styles. La grande vedette offensive va peut-être récolter une bonne partie de la gloire, mais dans le vestiaire, on sait qu’on a autant besoin de Jeb Brovsky que de Marco Di Vaio.
*Propos recueillis par Nicolas Landry.