MONTRÉAL – On dit que le temps finit toujours par arranger les choses. Pour Harry Shipp, les derniers mois auront suffi pour cicatriser les plaies qui avaient été ouvertes par l’annonce de la transaction qui l’avait fait passer à l’Impact en provenance du Fire de Chicago, en février dernier.

« J’ai eu quelques matchs pour m’habituer à ma nouvelle équipe, alors ça ne sera pas trop bizarre de retourner là-bas », anticipait le jeune milieu de terrain à la veille du départ de l’Impact pour sa ville natale, où il affrontera pour la première fois, samedi, l’équipe au sein de laquelle il a grandi.

« J’ai hâte d’y être, de revoir tous les visages qui me sont devenus familiers pendant les quelques années que j’ai passées là-bas. Ça va être le fun et ça sera encore mieux si on parvient à remporter le match. »

Natif de Lake Forrest, en banlieue nord de Chicago, Shipp a été recruté à l’Académie du Fire en 2009, alors qu’il était âgé de 17 ans. Il a signé son premier contrat professionnel cinq ans plus tard et en 2014, a été finaliste au titre de recrue de l’année en MLS. L’année suivante, il a été le meneur du Fire au chapitre des passes décisives avec huit.

Ces accomplissements n’ont toutefois pas impressionné les nouveaux hommes de football arrivés en poste à la fin de la désastreuse saison 2015 du Fire. Le directeur général Nelson Rodriguez et l’entraîneur-chef Veljko Paunovic ont jugé que le style de Shipp ne cadrait pas dans leur vision et l’ont envoyé à Montréal en retour d’un montant d’allocation.

La nouvelle a ébranlé Shipp, qui a réagi en publiant un touchant message d’adieu aux partisans de l’équipe dans les heures suivant la transaction.

« Ça fait partie du métier, le poste de personne n’est garanti, réalise aujourd’hui le jeune homme de 24 ans. Aussi bon que tu sois, il y a toujours une certaine valeur rattachée à ton nom. C’est comme ça que les choses fonctionnent dans cette ligue. J’ai trouvé ça très difficile au début, honnêtement, mais je suis passé à autre chose maintenant. »

Le visage du Fire avait commencé à changer bien avant que Shipp ne soit sacrifié. Quincy Amarikwa a été échangé aux Earthquakes de San Jose au milieu de la saison dernière. Au terme de celle-ci, Jeff Larentowicz a quitté pour Los Angeles via le marché des joueurs autonomes, Patrick Nyarko a été échangé à D.C. United et Shaun Maloney est retourné en Europe. Deux défenseurs réguliers – Joevin Jones et Lovel Palmer – évoluent aussi aujourd’hui sous d’autres cieux.

« Au niveau du personnel, c’est une équipe complètement différente, acquiesce Shipp, qui a été titulaire pour les cinq matchs de l’équipe cette saison. Il y a plusieurs gars au sein de l’équipe que je ne connais pas vraiment et j’ai travaillé avec l’entraîneur pendant seulement quelques semaines au camp d’entraînement. »

Malgré tout, Shipp a gardé des notes de son passage à Chicago et il ne se gêne pas pour dire qu’il les a ressorties cette semaine à la demande de l’entraîneur-chef Mauro Biello.

« J’ai essayé d’aider du mieux que je peux, confesse-t-il en riant. Je ne peux pas savoir exactement ce qu’ils vont faire parce que je ne leur parle évidemment pas sur une base quotidienne, mais j’ai quand même conservé quelques petits trucs de mes dernières semaines là-bas, quelques tendances qui pourraient ressortir pendant le match. C’est une équipe de cols bleus qui travaille très fort en milieu de terrain. Ils vont nous rendre la vie très difficile. »

« J’espère qu’il pourra montrer qu’ils ont eu tort »

Biello pouvait très bien comprendre comment se sentait Shipp lorsque ce dernier a rejoint le Bleu-blanc-noir au milieu du camp d’entraînement. En 1999, à l’âge de 26 ans, le jeune attaquant avait dû se résoudre à porter l’uniforme des Rhinos de Rochester, les ennemis jurés de l’Impact, alors que le onze montréalais avait décidé de faire l’impasse sur sa saison estivale.

« Ce n’est pas facile pour un joueur de grandir avec une équipe et de changer, réalise l’entraîneur. Mais Harry est un bon professionnel, son approche est toujours excellente et je suis sûr qu’il va être prêt à jouer un bon match contre Chicago. »

« Je pense que ça va lui faire de plaisir de retourner là-bas, prévoyait Laurent Ciman, qui a lui-même récemment vécu, à sa manière, une séparation avec un club qui lui était cher. Il n’avait pas envie de partir non plus spécialement, mais il nous aide beaucoup dans le registre qui est le sien et j’espère qu’il pourra montrer qu’ils ont eu tort de l’échanger. »

Samedi, une section du Toyota Park sera occupée par des nouveaux partisans de l’Impact qui porteront fièrement le maillot numéro 14 aux couleurs de l’équipe visiteuse. Devant les membres de sa famille et des amis qu’il n’a plus l’occasion de voir aussi souvent qu’auparavant, dans la ville qu’il décrit toujours comme son endroit préféré au monde, Shipp tentera de vaincre l’équipe qu’il a encouragée pendant toute sa jeunesse.

Sur le terrain où il a marqué cinq de ses dix buts en MLS, le moment serait idéal pour inscrire son premier avec sa nouvelle équipe.

« J’espère bien qu’on ne me huera pas, même si je marque. Mais sincèrement, si on joue bien et qu’on peut sortir de là avec une victoire convaincante, je serai comblé peu importe ce que je fais sur le terrain. »