Si tout se déroule comme prévu, Luce Mongrain sera assise dans les gradins du stade Saputo, mardi, pour voir à l'oeuvre une équipe qui lui a fait vivre un pur bonheur au cours de l'été. Et peut-être, occasionnellement, laissera-t-elle circuler dans son esprit certains des plus beaux moments de sa propre carrière avec l'équipe nationale de soccer féminin, où elle a été une pionnière il y a plus de 30 ans.

Mongrain parle encore avec ferveur de la médaille d'or de l'équipe féminine du Canada aux Jeux olympiques de Tokyo, remportée le 6 août dernier. Un triomphe qui lui a procuré des émotions comme elle en ressent rarement, de son propre aveu.

« En fait, je pleurais de joie. C'est rare que je devienne émotive comme personne, mais là, c'était un pur bonheur de voir ces filles-là atteindre leur objectif, de la façon qu'elles l'ont fait », a relaté la Trifluvienne, à quelques jours du match amical du Canada face à la Nouvelle-Zélande, mardi, dans le cadre de la « Tournée de célébration » organisée par Canada Soccer.

Si l'amateur moyen se souviendra des fameux tirs de pénalité décisifs contre la Suède lors du match ultime, Mongrain, qui oeuvre dans le monde de l'éducation, s'attarde à l'ensemble du processus et à l'attitude que les Canadiennes ont affichée pour atteindre le but ultime. Le tout dans un contexte bien précis.

« On se souvient de la médaille de bronze de 2012, on se souvient de la médaille de bronze de 2016. (Cette année), il y avait un objectif réaliste qui était `Change the color of the medal' (Changer la couleur de la médaille). Et elles l'ont réussi », a rappelé Mongrain lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Aux yeux de Mongrain, l'élaboration aussi claire de cet objectif nécessitait du courage et une dose de confiance qui ne basculerait pas dans une forme d'arrogance.

« La ligne entre la confiance et l'arrogance est mince, souligne Mongrain. La façon qu'elles ont livré leur message, elles ont été courageuses d'être capables de nommer les choses, mais elles n'ont pas été arrogantes. C'est dans la façon de faire les choses. Dans leur système de valeurs, elles ont respecté leur identité mais elles ont quand même eu le courage de livrer leur conviction. »

Mongrain n'hésite pas, par ailleurs, à rendre hommage à Christine Sinclair et à ses qualités de meneuse.

« Elle exerce un leadership rassembleur. Chez ces filles-là, l'équipe venait avant tout. C'est vraiment la force du groupe qui a permis à cette équipe d'arriver à ses fins. Et en tête de liste, c'est le leadership de Sinclair. Elle avait compris que c'était la force du groupe. Juste elle, toute seule, ne pouvait pas gagner ce titre. »

Aujourd'hui responsable des programmes Sport-études à l'Académie les Estacades, dans la Mauricie, Mongrain a vécu les premiers pas de l'équipe nationale féminine de soccer du Canada, officiellement née en 1986.

Cette ancienne défenseuse a pris part à 30 matchs avec la formation canadienne de 1987, alors qu'elle n'avait que 16 ans, à 1995.

Elle n'a jamais participé aux Jeux olympiques, mais a fait partie de l'édition canadienne qui a joué, pour la première fois, à la Coupe du monde de soccer féminin, en 1995 en Suède.

Le soccer féminin a beaucoup avancé depuis qu'elle a accroché ses crampons, notamment au pays. Cependant, Mongrain ne passe pas son temps à déplorer le fait qu'elle ne soit pas née plus tard, pour pouvoir pratiquer le soccer dans un contexte encore plus stimulant.

« On avait peu d'activités. Il n'y avait pas de coupes internationales, il n'y avait pas beaucoup de matchs préparatoires, les camps d'entraînement, c'était à l'occasion. Mais on ne s'en plaignait pas. On était juste contentes de faire partie d'un processus et c'était très valorisant », raconte Mongrain, qui a été intronisée au Temple de la renommée de Canada Soccer en mai dernier.

« J'ai toujours eu comme philosophie de ne jamais avoir de regrets. Je suis allée au bout de mon aventure, je ne regrette rien. »

Une première en six ans

Ce n'est pas tous les jours que l'équipe féminine du Canada dispute des matchs à Montréal. Le dernier au Québec remonte au 15 juin 2015 lorsque le Canada a fait match nul 1-1 contre les Pays-Bas dans le cadre de la Coupe du monde, devant 45 420 spectateurs au Stade olympique. Celui de mardi sera le 10e à Montréal.

Évelyne Viens, l'une des médaillées d'or de Tokyo, n'a pas oublié ce que l'événement avait provoqué en elle. En principe, elle aura la chance de jouer face à la Nouvelle-Zélande mardi et ce, devant ses parents.

« Je me rappelle quand je suis allée voir la Coupe du monde à Montréal. Ça donne une piqûre, ça donne des émotions, tu te dis, `je veux être sur le terrain'. C'est une sorte de motivation pour les Québécoises qui vont être là au match puis qui vont dire 'moi aussi, je veux porter cet uniforme-là et aller jouer'. C'est sûr que quand j'ai vu que Montréal était sur la liste pour un des matchs, j'étais vraiment très contente de pouvoir jouer devant ma famille, mais aussi pour le public québécois », a récemment admis l'athlète originaire de L'Ancienne-Lorette, qui n'a encore jamais disputé un match en sol canadien dans l'uniforme canadien.

Ces deux parties amicales sont aussi l'occasion pour le Canada d'amorcer sa préparation afin de se qualifier à la Coupe du monde de 2023, qui aura lieu, conjointement, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Si l'équipe canadienne compte trois médailles olympiques, elle n'a encore jamais mis les pieds sur le podium en Coupe du monde. C'est une chose que le groupe veut changer, surtout après son exploit à Tokyo.

« C'est un peu comme quand tu manges un gâteau, compare Vanessa Gilles. Tu manges une part et tu en veux une deuxième, une troisième, une quatrième. Tu en veux toujours plus. »