On n’irait pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une révolution, et il est encore tôt pour parler d’équipe Cendrillon, mais ce que le Canada vient d’accomplir à la Gold Cup représente un pas - ou même deux - dans la bonne direction. Après la victoire 4-2 contre la Guyane française d’entrée de jeu, le match nul 1-1 décroché à Houston contre le Costa Rica - 26e mondial - est un résultat encourageant pour un programme qui a bien souffert depuis une décennie. Coup de chance ou véritable changement de cap? Voici quelques observations sur ce que le Canada présente en cette Gold Cup.

Effet Zambrano sur le tableau

Deux matchs, c’est encore bien peu pour analyser le travail du sélectionneur Octavio Zambrano. Or, on doit souligner le cran qui accompagne certaines de ces décisions jusqu’à présent. À commencer par l’idée d’aligner un jeune de 16 ans comme partant, Alphonso Davies, lequel est présentement meilleur marqueur du tournoi avec trois buts. On peut aussi penser à l’idée de faire jouer un ailier, Michael Petrasso, en tant que latéral droit. Si la manoeuvre n’a pas convaincu entièrement, il reste que le Canada est toujours invaincu et que Petrasso était à l’origine de l’action du but contre le Costa Rica. 

Autrement, on aura aussi remarqué l’usage inattendu du marquage individuel strict en milieu de terrain, à savoir Mark-Anthony Kaye sur le Tico Guzman, une tactique plutôt rare en cette ère où prévaut généralement la défense de zone. Le sacrifice dont aura fait preuve Kaye dès la première minute du match contre le Costa Rica aura relativement bien fonctionné. Outre un tir dangereux lors des arrêts de jeux de la première mi-temps, Guzman aura eu bien peu d’influence sur le match. En revanche, l’espace accordé à ses partenaires défenseurs centraux aurait pu causer plus d’ennuis à des arrières canadiens souvent mis en difficulté sur les longs ballons. Le match aurait pu avoir une tournure bien différente n’eut été du brio du gardien canadien Milan Borjan.

Possession et circulation

Évidemment, on parle beaucoup - et avec raison - des exploits du jeune Davies depuis le début du tournoi. Ce qu’on mentionne un peu moins, c’est la volonté claire des Canadiens de jouer en possession du ballon sans nécessairement se précipiter vers l’avant. On a déjà vu ça auparavant. L’équipe de la Gold Cup 2007 dirigée par Stephen Hart misait sur le beau jeu avec un milieu de terrain composé de Bernier, Hutchinson, Nash et De Guzman et une attaque comptant sur De Rosario et Ali Gerba. 

Le groupe de Zambrano n’est pas encore là en terme de renommée, mais il y a une certaine parenté dans l’approche avec le ballon. Le Canada a tenu son bout en possession contre le Costa Rica (42 %) et il s’en est plutôt bien sorti avec 87 % de précision sur ses passes. À ce chapitre, le Québécois Samuel Piette, qui se sera aussi fait remarquer par ses tacles, aura été le meneur des siens avec 39 passes décochées (34 réussies). Autant de réussite dans un match disputé à Houston face à un adversaire de qualité, voilà de quoi attirer l’attention d’un club de soccer montréalais, si ce n’est pas déjà fait... 

Scott Arfield en est un autre qui se sera bien tiré d’affaire (29/33). Le joueur de Burnley connaît un bon tournoi et paraît bien s’amuser. Tout comme lors de son but marqué contre la Guyane française, sa capacité à recevoir le ballon dans le dos des milieux adverses aura mené à la réalisation canadienne contre le Costa Rica, son centre-tir étant habilement dévié habilement par Davies. 

Cependant, tout n’est pas entièrement rose du côté canadien. Junior Hoilett, par exemple, doit savoir faire passer le collectif devant les solutions individuelles. L’idée n’est surtout pas de l’empêcher de dribler, une de ses façons de se distinguer. Mais il y a certainement une manière de mettre ce talent particulier au service de l’équipe. Hoilett est souvent isolé, ce qui accentue sa tendance à s’enfermer. Il y a toutefois de quoi harmoniser tout ça et composer une attaque équilibrée.

Jeux arrêtés

Zambrano doit maintenant préparer son équipe pour le Honduras, véritable bête noire du soccer canadien. Là où des ajustements urgents ont besoin d’être apportés, c’est sur les jeux arrêtés. Déjà surpris sur un corner au premier poteau contre la Guyane, les Canadiens ont eu toutes les misères du monde à contenir Francisco Calvo lors des coups de pied de coin du match contre le Costa Rica. 

Auteur du but égalisateur, il ne faudrait pas oublier que par trois fois, le latéral gauche Tico s’est retrouvé en position de marquer sur ces phases de jeu. Si le marquage de Sam Adekugbe a parfois laissé à désirer, il reste que toute l’équipe a sa part de responsabilité. Les défenseurs centraux Jakovic et Vitoria ont été solides jusqu’à présent, mais ils auraient intérêt à se garder d’abuser des talonnades et des ailes de pigeon. N’est pas David Luiz qui veut, et on est en droit de se demander si c’est le modèle qu’on veut imiter. Au final, on sent néanmoins que tous ces garçons ont retrouvé un réel plaisir à jouer.

Reste qu'une défense bien organisée et alerte, voilà bien l’élément qui pourrait permettre au Canada d’atteindre les quarts en Gold Cup pour la première fois depuis 2007. Rendez-vous pour la suite vendredi à 21 h 55 sur les ondes de RDS2.