Eugenie Bouchard avait dit avant le début de la Coupe Rogers qu'elle souhaitait faire oublier le cauchemar d'il y a deux ans, et même si elle a offert de belles prestations cette semaine avant de s'incliner au troisième tour jeudi contre Kristina Kucova, ce cauchemar n'a pas été tout à fait exorcisé.

Au lendemain de son élimination, le capitaine de la formation canadienne en Coupe Fed Sylvain Bruneau s'est dit d'accord avec la Québécoise sur le fait que la pression avait probablement eu raison d'elle.

« Je n'ai pas bien géré la pression »

« Ç'a eu une grande influence. Elle a bien commencé mais n'a pas été capable de maintenir la cadence quand ça s'est un peu compliqué. Je crois qu'elle a raté plusieurs belles chances, et les problèmes se sont mis à s'accumuler. À un certain point, elle est devenue extrêmement frustrée. »

« Elle sait que c'est un match qu'elle aurait dû gagner, mais quand vous commencez à être envahi par ces émotions négatives, ce n'est pas toujours une bonne chose. Puis elle est devenue tendue. Tout le monde l'a remarqué. Elle était un peu plus crispée, elle a commencé à rater davantage. Je la connais bien, j'ai remarqué la vitesse de son service, même ses mouvements, tout a diminué d'un cran, alors que son adversaire prenait du galon. Nous avons vu le vent tourner. »

Il faut toutefois donner le crédit à l'adversaire quand il le mérite. Selon Bruneau, en tant que négligée, Kucova aurait pu s'écraser après avoir perdu le premier set comme plusieurs l'auraient fait, mais ce fut tout le contraire pour la Slovaque, 121e au monde.

« Elle est restée solide, elle s'est accrochée. Genie l'a ressenti, nous l'avons ressenti aux abords du terrain. Ce n'était pas fini, même quand elle (Eugenie) était en bonne posture. Elle n'a pas su capitaliser sur plusieurs de ses chances. »

« Sur papier, elle aurait dû gagner. Sa rivale connaît ses meilleurs moments. Elle est moins expérimentée, mais en réalité, j'ai vu tellement de tennis, et je l'ai vu chez les meilleurs joueurs que rien n'est acquis. C'est dommage que ce soit arrivé à Montréal. »

Un peu comme P.K. Subban, Eugenie Bouchard suscite toutes sortes de réactions vivement opposées de la part des amateurs et, selon Bruneau, les médias ne donnent pas non plus toujours l'heure juste. 

« Je crois que les médias en général sont très durs envers elle. C'est biaisé. Je la connais très, très bien, je l'aime beaucoup. Je crois qu'elle est une fille exceptionnelle. Elle est drôle, charismatique et intelligente. »

« Je sais que parfois les gens s'acharnent sur elle en raison de certaines choses qu'elle dit en conférence de presse. Je pense que parfois elle est traitée un peu injustement. »

Bruneau fait entre autres référence à une décision de Bouchard de se retirer de la Coupe Fed, ce qui a déjà été critiqué même si elle avait des raisons justifiées de le faire et qu'elle a déjà rendu de fiers services à l'équipe canadienne.

« Eugenie a ressenti la pression »

« Je suis le capitaine de la Coupe Fed. De toutes les personnes, c'est bien moi qui devrait être le plus déçu parce que je sais que quand elle n'est pas là, notre équipe n'est pas aussi bonne. Quand je lis dans les journaux les réactions de tout le monde, je me dis que pourtant elle a fait des choses exceptionnelles. Elle nous a permis de faire partie du top-8. Elle s'est présentée et a joué avec coeur, elle a tout donné, elle a gagné de gros matchs. Je l'ai vue en Ukraine, aucun d'entre vous n'y était, c'était en barrages de Coupe Fed. Elle s'est foulé la cheville et elle voulait quand même jouer son match le lendemain, mais notre physiothérapeute a jugé que c'était dangereux. Elle a finalement joué le match de double décisif et elle a gagné. Je trouve qu'elle ne reçoit pas le mérite qui lui revient pour ça. Quand elle prend une décision ou qu'elle dit quelque chose, les gens sont sur son cas. Je crois que nous devons faire attention à ça. »

Malgré tout, Bruneau constate du positif dans cette expérience à Montréal.

« Elle a seulement 22 ans. Elle doit apprendre de ces défaites et s'améliorer. Je suis certain qu'elle va retirer quelque chose de cette rencontre, même si c'est douloureux. On va s'assurer en tout cas qu'elle retienne des choses de ses deux premiers matchs, parce qu'il y a beaucoup de positif là-dedans. [...] Ç'a été une belle bataille contre (Lucie) Safarova, elle a montré beaucoup de courage pour gagner. Puis elle a disputé un match extraordinaire contre sa deuxième adversaire (Dominika Cibulkova). Tout a fonctionné pour elle. »

Bouchard vivra une expérience d'autant plus unique aux Jeux olympiques de Rio, qui s'amorcent dans une semaine.

« Vous avez la chance de représenter votre pays, c'est la fièvre des Olympiques. Est-ce que je crois qu'elle peut rebondir? Absolument. Le tournoi olympique est difficile, elle risque d'avoir un tableau très compliqué car elle ne sera pas tête de série. Je suis toutefois convaincu qu'elle va se présenter là-bas en ayant oublié son dernier match, qu'elle aura digéré la défaite et qu'elle sera prête à aller de l'avant. »

Wozniak et Abanda sur la bonne voie

Bruneau est aussi revenu sur les performances des deux autres Canadiennes qui étaient en action en simple. Aleksandra Wozniak a perdu au premier tour contre Sara Errani alors que Françoise Abanda s'est inclinée au deuxième tour contre Elina Svitolina dans un match ultra serré.

« Pour ce qui est d'Aleksandra, je crois que son match est en quelque sorte une victoire pour elle même si elle a perdu. C'est remarquable de voir l'amour qu'elle a pour son sport et de voir à quel point elle travaille fort pour revenir au plus haut niveau. Elle a tout donné. Ça va l'aider dans l'avenir. Je crois qu'elle a besoin de jouer beaucoup de matchs maintenant, de bâtir sa confiance, d'avoir quelques victoires en banque. »

« Quant à Françoise, les gens l'ont vue comme une révélation, mais nous fondons des espoirs en elle depuis longtemps. Elle a un grand potentiel, un grand talent. Elle l'a prouvé. Elle possède une qualité que les meilleurs joueurs possèdent : plus le défi est grand, plus le match est important, mieux elle joue. Svitolina est l'une des meilleures joueuses sur le circuit, ç'a été une bonne bataille. Elle a démontré qu'elle était capable de jouer à ce niveau. Maintenant, elle doit apprendre à faire ça sur une année complète. »

« Eugenie a gaspillé trop d'énergie »