Quand Karen Khachanov a éliminé Félix Auger-Aliassime jeudi en huitièmes de finale à la Coupe Rogers, le public québécois était bien évidemment déçu.

 

Les amateurs ont encouragé fortement la jeune sensation qui célébrait ses 19 ans ce jour-là, un peu trop même, diront certains.

 

À quelques reprises durant la rencontre, on a senti l’impatience de Khachanov se manifester quand des individus criaient à des moments inopportuns alors qu’il s’apprêtait à servir ou pendant un point pour signaler à l’extérieur une balle qui ne l’était pourtant pas. Peut-être à force de frustrations accumulées au bris d’égalité du premier set, le Russe a même propulsé une balle dans les gradins, s’attirant des huées.

 

Au final, cela ne l’aura pas dérangé au point de causer de sa perte, mais cela l’a bel et bien dérangé.

 

« Je ne peux pas nier que j’ai un peu perdu la tête à cause de la foule, a admis Khachanov. Je suis un peu déçu. Je n’ai rien contre le fait d’encourager Félix, c’est normal, il est le favori local surtout à Montréal. Même que j’aimerais bien qu’on me supporte autant que ça en Russie. Cela dit, c’est différent lorsqu'on célèbre quand je rate un point ou lorsqu'on crie durant le jeu pour me faire rater mon coup. Je pense que c’est irrespectueux, donc je suis devenu un peu fou. En même temps, j’ai provoqué la foule et ça m’a donné de l’énergie en quelque sorte. Je ne sais pas… c’est vrai que ce que j’ai fait était nul. »

 

Même si Auger-Aliassime s’est montré très compréhensif et a assuré ne l’avoir pris aucunement personnel, Khachanov a tenu à s’excuser ainsi.

 

« Ce n’était pas contre lui. Je lui ai dit que j’étais désolé s’il s’était senti visé, si je n’ai pas été poli envers lui. Je lui ai expliqué que j’en avais plus eu après la foule. Parfois c’est difficile de contrôler ses émotions, mais je crois aussi que les gens doivent apprendre quand c’est le bon moment d’être vocal pendant un match. C’est encourageant pour lui, mais de l’autre côté, ça peut déranger les joueurs. On n’est pas au soccer, on est au tennis. Ça peut devenir difficile à gérer. Ç’a été compliqué, mais heureusement j’ai quand même gagné. Ç’a été un match chaudement disputé. »

 

Auger-Aliassime a reçu plus d’attention que quiconque cette semaine et Khachanov s’est également mêlé à la discussion concernant le jeune talent, qui a reçu bien des éloges d’autres joueurs.

 

« Félix est un excellent joueur. Je lui souhaite bonne chance pour l’avenir et je lui souhaite d’atteindre le top-10 le plus rapidement possible. Cela étant dit, c’est encore tôt, il doit y aller étape par étape. Son éclosion est assez rapide, un peu comme ç’a été le cas pour Rafa (Nadal). C’est très impressionnant. Voyons comment il développera son jeu. Si tout va bien, je pense qu’il pourrait rejoindre le top-10 plus tôt que tard. »

 

La montée de Khachanov

 

Khachanov y est déjà lui. Huitième joueur mondial à l’âge de 23 ans, il a davantage commencé à faire jaser en 2018.

 

Il considère d’ailleurs son affrontement contre Rafael Nadal aux derniers Internationaux des États-Unis comme un moment marquant malgré sa défaite (7-5, 5-7, 6-7 (7), 6-7 (3) en troisième ronde puisqu’il a prouvé qu’il était de calibre, comme il l’avait fait quelques semaines plus tôt à Toronto dans un autre revers contre ce même adversaire. À la fin de l’année, il est ensuite arrivé à vaincre Novak Djokovic pour mettre la main sur le titre du Masters 1000 de Paris.

 

Une semaine enrichissante pour Auger-Aliassime

« Ç’a été une belle révélation à Toronto. C’était la première fois que je me suis prouvé à moi-même que j’avais ma place dans les plus gros évènements et que j’étais capable de me rendre loin. Au US Open, quand j’ai à nouveau affronté Nadal, il y avait de tout dans ce match. J’étais déçu du résultat, mais en même temps, j’ai réalisé que je pouvais jouer à ce niveau. Ç’a été un moment déterminant et positif pour la suite.

 

« Je pense que physiquement je suis en bonne condition. Après presque 5 heures de jeu contre Nadal, je composais bien avec l’intensité même si bien sûr je n’étais pas totalement frais et dispo. Contre Nadal, l’intensité augmente toujours de 50 %. C’est surtout au niveau mental que c’est important : de croire que tu peux vraiment battre un des meilleurs. Avant ce match, j’avais une fiche négative contre les membres du top-10, mais rendu à Paris, j’avais soudainement enchaîné quatre victoires de suite contre eux. »

 

Ensuite, en 2019, Khachanov a atteint son premier quart de finale d’un tournoi majeur à Roland-Garros, où il s’est incliné contre Dominic Thiem. Il a ainsi atteint son meilleur classement en carrière le 15 juillet, soit la huitième place, même s’il n’a pas encore acquis de trophée cette année après les trois de la saison précédente, incluant un précieux titre à la Coupe Kremlin à Moscou. À ce moment, il n’y avait plus eu de champion russe là-bas depuis neuf ans.

 

Quand son compatriote Daniil Medvedev l’a rejoint un peu plus tard dans le top-10 après Wimbledon, c’était la première fois qu’on y retrouvait deux Russes depuis octobre 2010, à l’époque de Mikhail Youzhny et Nikolay Davydenko.

 

« J’étais déjà aux portes du top-10 avant de franchir le cap après Roland-Garros, donc ce n’est pas une si grande différence, mais c’est quand même un plateau important pour moi », indique le géant de 6 pi 6. « Ma mentalité n’a pas changé. Ma mentalité est juste de vouloir m’améliorer et d’avoir des résultats plus constants au cours de l’année pour atteindre mes buts. Le début d’année n’a pas été aussi bon que je l’espérais, mais j’y vais une étape à la fois. Quand tu ne joues pas comme tu veux, que quelque chose ne marche pas, il faut quand même essayer de trouver une façon de gagner. C’est ce que le trio de tête fait tout le temps. »

 

Maintenant, ce même Davydenko s’est joint officieusement à Vedran Martic dans son groupe d’entraîneurs. L’ancien no 3 mondial n’est toutefois pas à Montréal actuellement.

 

« On s’est entraîné à Moscou pendant 10 jours, puis il est venu avec moi à Washington une semaine de plus », explique Khachanov, qui se rappelle avoir également écouté des matchs d’autres célèbres joueurs russes comme Yevgeny Kafelnikov étant plus jeune. « Je voulais l’avoir à mes côtés et profiter de son expérience. C’est bien de passer du temps avec lui. On a de bonnes semaines de pratique devant nous. »

 

« Pour l’instant, j’aime bien comment ça se déroule avec lui. Il est un bon conseiller au sein de mon équipe. On verra pour le futur, on va prendre une décision sur la durée de notre association éventuellement, car rien n’est coulé dans le béton. »

Khachanov affrontera en quarts de finale de la Coupe Rogers la troisième tête de série Alexander Zverev vendredi après-midi.