MONTRÉAL – L’Hôpital Shriners soigne des milliers d’enfants par année. Les journées ne sont pas toujours faciles pour ces jeunes qui réussissent tout de même à trouver une façon d’être heureux à travers ces éprouvantes souffrances.

Mercredi, dans le cadre de la 30e édition du Shrine Bowl, les joueurs des Gaiters et des Stingers rendaient visite aux enfants malades de ce centre hospitalier montréalais dans le but de mettre un peu de soleil dans leur journée.

Cela a entre autres donné droit à une scène où Chase Zaman, un enfant hospitalisé pour l’allongement d’un membre, et Benjamin Pouliot, un demi défensif de l’Université Bishop’s, étaient côte à côte pour jouer ensemble à la console Wii.

Pendant qu’il servait une correction à Pouliot au jeu Mario Super Sluggers, Chase ne pouvait pas se douter que le jeune homme à sa droite partageait un point en commun avec lui. Pouliot, même s’il était alors rendu un adulte, a lui aussi dû recourir aux soins de médecins d’un centre hospitalier pour enfants. Et dans son cas, c’était pour subir une opération à cœur ouvert pour un problème dont le pronostic était de six mois à vivre si rien n’était fait.

Il a été opéré dans un centre hospitalier pour enfants de Québec puisqu’un cœur n’est pas considéré adulte avant l’âge de 25 ans.

Heureusement pour lui, l’intervention s’est déroulée à merveille et il est aujourd’hui en pleine santé en plus d’être dans la meilleure forme physique de sa vie. N’étant pas le genre de personne à vouloir prendre toute la place, il s’est contenté de faire rire les enfants sans partager sa propre histoire.

Shayne Cowan-Cholette, le jeune Chase Zaman et Benjamin Pouliot« Je trouvais ça exceptionnel. D‘avoir la chance de voir ces enfants et comment le système de santé leur donne l’opportunité de bien se rétablir. Je trouvais ça beau. De nous voir ici, ça leur donne un sourire. Ces enfants se battent contre la souffrance. Tu le vois qu’ils sont forts à travers cela », a-t-il mentionné dans un généreux entretien avec le RDS.ca à la suite de la visite dans le centre hospitalier montréalais.

« C’est une des raisons pourquoi nous l’avons amené pour cette visite, a révélé son entraîneur-chef, Kevin Mackey. C’est parce qu’il l’a vécu. Il a eu ça quand il avait 21 ans. C’est quand même jeune pour passer à travers cela. C’était une bonne expérience pour lui de voir l’autre côté. De voir ce qu’il a vécu d’un autre angle. »

« Je dis toujours aux gars que c’est un privilège de jouer au football. Ce n’est pas un droit. Ça prend juste des petits moments comme ça (pour leur faire réaliser). [...] C’était bon pour eux de redonner un petit peu », a indiqué Mackey en parlant de la visite de ses joueurs auprès des enfants malades.

D’un contrôle de routine à la table d’opération

En 2010, un examen de routine avant la saison de football avait permis au médecin de Benjamin Pouliot de déceler un son bizarre lorsqu’il avait apposé son stéthoscope sur la poitrine du cégépien de 19 ans. Des examens plus poussés en cardiologie ont révélé que le joueur des Titans de Limoilou avait un souffle au cœur. Dans son cas, il s’agissait d’un trou au niveau de sa valve aortique, ce qui l’a empêché de fouler les terrains hachurés en 2010.  

Le problème avait été contrôlé par une médication ce qui lui a permis de disputer sa dernière saison avec les Titans en 2011. Mais à l’issue de cette dernière campagne collégiale, sa situation s’était détériorée.

Alors âgé de 21 ans, le natif de Beauport a reçu un pronostic épeurant : s’il n’avait pas une opération au cœur, il ne lui restait que six mois à vivre.

« Quand j’ai joué une autre saison à Limoilou en 2011, ça en fait en sorte que mon aorte n’a jamais gonflée en raison de la médication qu’ils m’ont donnée. À cause de cela, ma valve aortique était en train de complètement déchirer. Elle avait triplé de grosseur en une saison », a raconté celui qui joue actuellement sa dernière année d’admissibilité avec les Gaiters.

« Quand on a refait les tests après la saison, c’était une situation assez critique. Il me restait environ six mois à vivre parce qu’elle allait déchirer », a-t-il ajouté.

Il n’y avait donc qu’une solution pour remédier à cette condition médicale : une opération à cœur ouvert pour remplacer sa valve aortique. « Tu te poses beaucoup de questions quand ça l’arrive, a confié Pouliot. J’avais demandé au médecin ce qui allait arriver si on ne faisait pas l’opération. À ce moment-là, on m’avait dit que je fasse du sport ou non, dans six mois, il allait y avoir une déchirure et elle pourrait être fatale. »

« Je suis une personne très positive. Je me suis dit que je n’avais pas une autre décision à prendre que celle-là. À un certain point, tu te dis que tu ne peux pas vraiment contrôler ce qui arrive. Ces personnes sont des professionnels et savent ce qu’ils font. C’était mieux d’avoir des pensées positives. Quand tu commences à penser aux risques, c’est là que ça peut arriver. C’est sûr que j’étais un peu anxieux, mais je ne voulais pas que ça paraisse pour mes parents. Tu le sais qu’il y a des risques que l’opération ne marche pas. Tu as conscience de ça aussi », a-t-il relaté, lui qui a eu beaucoup de soutien de sa famille et de ses amis durant cette épreuve.

Pouliot a passé plus de huit heures sur la table d’opération de l’Hôpital Laval de Québec, le 4 mai 2012.

Le chirurgien cardiaque pédiatrique Jean Perron a donc effectué la délicate procédure de Ross, aussi connue sous le nom d’« autogreffe pulmonaire » puisqu’elle consiste à remplacer la valve aortique défectueuse par l’appareil valvulaire de l’artère pulmonaire.

L’opération a été un succès. La convalescence a été longue puisqu’une intervention à cœur ouvert signifie une période de trois mois sans pouvoir lever le moindre poids pour permettre à la cage thoracique de se souder. Il a aussi dû patienter pendant près de 10 mois avant de ne plus sentir aucune douleur.

Finalement un Gaiter

Après son intervention, il n’était pas acquis que Pouliot pourrait reprendre la pratique du sport qui le passionnait depuis l’école secondaire, ce qui était une crainte pour un sportif actif comme lui.

Son chirurgien Jean Perron était toutefois très confiant que la procédure qu’il allait effectuer permettrait à l’étudiant-athlète de jouer au football après sa convalescence. La route a été longue, mais Pouliot a finalement entrepris sa carrière universitaire en 2013 avec les Gaiters, une année plus tard que prévu.

« Il aime tellement le football. Il a tellement une belle attitude. C’est le fun de le diriger, a décrit Mackey. De l’empêcher  de faire quelque chose qu’il aime, ce serait triste. »

« Il est toujours content. Il est heureux de s’entraîner. Il est positif. Il aime agacer les autres joueurs. C’est vraiment un bon joueur à avoir dans une équipe », a convenu Mackey.

Pouliot a été frappé par une autre malchance en 2014, celle-ci beaucoup moins grave pour sa vie. Au camp printanier des Gaiters, il s’est déchiré le tendon d’Achille, ce qui lui a fait rater la moitié de la saison. Ce n’est qu’en 2015 qu’il a finalement pu avoir un poste de partant et qu’il a grandement contribué à la défense des Mauves.

Maintenant âgé de 25 ans, Pouliot a dû recevoir une dérogation pour pouvoir jouer cette saison. Ayant raté près deux ans et demi de football, et aussi d’école, le Sport interuniversitaire canadien a donné son approbation pour qu’il puisse revêtir l’uniforme des Gaiters pour une dernière saison.

Il disputera le premier et dernier Shrine Bowl de sa carrière samedi. Et ce match, dont les profits seront versés à l’Hôpital Shriners, sera encore plus spécial pour lui étant donné son passé.