BOISBRIAND – Le 24 août 2019, Jonathan Sénécal a cru que la prochaine étape de sa fabuleuse histoire s’était effondrée quand son genou gauche a cédé au tout premier match de sa dernière saison en sol québécois. Ses parents aussi; ils étaient en larmes après la partie en songeant à l’engagement de leur fils avec l’Université du Connecticut qui pouvait s’être envolé en fumée sur un jeu anodin.

 

Considéré par plusieurs comme LE meilleur joueur en provenance du Québec depuis des lunes et des lunes, Sénécal devait profiter de son tour de piste final avec les Phénix du CÉGEP André-Grasset pour pulvériser les records qui ne lui appartenaient pas déjà.

 

Quand on sait que les programmes universitaires américains courtisent très rarement avec autant d’intérêt les quarts-arrières québécois – et même canadiens –, on peut comprendre Sénécal d’avoir craint le pire.

 

« C’est sûr que, sur le coup, dans ma tête, j’allais la perdre. J’avais peur qu’il me l’enlève parce que j’étais blessé », a admis Sénécal en parlant de sa précieuse bourse.

 

« C’est l’un des matchs les plus difficiles que j’ai eu à coacher. Il s’est blessé après six minutes au premier quart. Je n’arrêtais pas de penser au jeune et tout le monde pensait à la même affaire "Est-ce qu’il vient de perdre sa chance d’avoir une bourse ?" », a raconté Tony Iadeluca, son entraîneur avec les Phénix.

 

Sauf qu’on parle ici d’un talent exceptionnel du style « ça fait quand même 30 ans que je suis coach au football et c’est le meilleur que j’ai vu » pour citer Iadeluca (voici un aperçu de ses faits saillants).

 

Preuve que ce dernier ne parle pas à travers son chapeau, Sénécal a reçu un appel fort réconfortant de l’un des entraîneurs des Huskies du Connecticut.

 

« Ils m’ont tout de suite appelé pour me dire que je n’avais pas besoin de stresser avec ça, que ça ne faisait pas de moi un mauvais joueur et qu’ils m’attendaient encore. J’ai vraiment aimé cette attention de la part des coachs et de l’équipe », a-t-il exposé avec un visage révélateur.

 

Par contre, Sénécal n’était pas au bout de ses peines. Puisqu’il a été en mesure de marcher après s’être blessé, il s’imaginait que le diagnostic n’était qu’une blessure ligamentaire mineure le privant de jouer pendant trois ou quatre semaines. La journée où il devait recevoir le résultat des ses tests d'imagerie par résonance magnétique, Sénécal commençait à déplier sa jambe et il se voyait courir dans deux semaines.

 

Le diagnostic a été brutal : le ligament croisé antérieur (ACL) était sectionné en plus de dommages au ménisque et au ligament collatéral interne (MCL).

 

« Ça, ce fut un choc, cette nouvelle-là a été dure », s’est rappelé Sénécal, qui a subi l’opération requise il y a trois mois maintenant.

 

De nouveau, le réconfort a été au rendez-vous puisque l’entraîneur-chef, Randy Edsall, a pris le temps de le contacter cette fois. Le soulagement a également été ressenti par Iadeluca, qui redoutait depuis quelques mois le scénario dévastateur d’une blessure.

 

« Dans ma tête, j’avais toujours la peur d’une grosse blessure avec le risque de perdre sa bourse. Quand on a visité UConn ensemble en juin (avant la saison 2019), je lui ai dit qu’il n’avait pas besoin de son diplôme collégial pour aller à cette université. Il m’a dit "Non Coach, j’aimerais finir ma dernière saison avec vous". Bref, quand c’est arrivé, c’est la première chose qui m’est revenue en tête », a raconté Iadeluca.

 

Jonathan Sénécal se remet d'une déchirure du ligament croisé antérieur.Un vol pour l’Université du Connecticut ?

 

Lorsqu’on entend parler d’un talent « générationnel », d’un athlète avec un bras canon doté d'une fabuleuse agilité (un chrono de 4,58 secondes sur 40 verges) et d'une grande intelligence sportive, on ne peut que s’imaginer un jeune homme débordant de confiance. Pourtant, Sénécal est tout sauf le quart-arrière typique qui parle fort et qui prend beaucoup – ou trop – de place.

 

« Il y a des quarts-arrières de division III qui n’étaient même pas capables d’attacher leurs souliers et qui se pensaient bien plus gros que lui! », a réagi Iadeluca avec une remarque imagée pour confirmer notre constat.

 

L’athlète originaire de Mirabel dégage plutôt, au premier contact, une personnalité réservée.

 

« C’est un jeune à son affaire et ça explique un peu pourquoi il a tout de suite pris la décision d’aller à UConn. Ils lui ont donné beaucoup d’amour, beaucoup de confiance et il sentait qu’il serait bien avec eux », a déterminé Iadeluca à propos de cette association rapide.

 

Au lieu de se laisser courtiser par d’autres équipes – dont quelques programmes plus prestigieux – il s’est lié de fidélité sans tarder avec les Huskies et ceux-ci ne cachent pas leur satisfaction.

 

« UConn, ce n’est pas le plus gros programme de football et ils pensent vraiment qu’ils viennent de réaliser un vol. Il a pris une décision tellement rapidement que d’autres programmes plus importants n’ont pas eu le temps de réagir », a confié Iadeluca.

 

En fait, Sénécal a accepté l’offre des Huskies au début juin, mais il ne pouvait pas signer une entente officielle avant le 18 décembre, si bien qu’il aurait pu changer son fusil d’épaule.

 

« Ce n’est pas son style. Il veut bien se sentir, il veut être apprécié et le reste c’est "Donnez-moi la chance et je vais le faire" », a décrit Iadeluca.

 

S’il est confiant avec un ballon dans les mains, Sénécal a eu besoin de beaucoup de temps pour réaliser et accepter qu’il était convoité à ce point. Ce n’est qu’en février ou en mars qu’il a franchi cette étape et il y a quelque chose de vraiment charmant dans cette modestie.

 

« Avant ça, c’est plus moi qui le poussais. Je lui demandais s’il voulait que je l’inscrive à des camps et il avait toujours une raison pour refuser », a témoigné Iadeluca, qui a dû s’ajuster en conséquence.

 

« Jo est très proche de sa famille, de ses parents et de son petit frère. Il n’a jamais été totalement indépendant, c’est un jeune très familial donc ça ne me surprend pas que ce fut difficile pour lui d’aller faire des camps aux États-Unis et de sortir de sa zone de confort », a commenté Gabriel Cousineau, qui a joué un rôle clé dans son développement au Collège Laval.

 

Au printemps, l’intérêt de plusieurs entraîneurs américains a fini par convaincre Sénécal de l’engouement à son endroit. Ainsi, il s’est laissé tenter par des camps en sol américain et Iadeluca a bâti l’horaire pour en dénicher quatre.

 

À ce moment, les Huskies ont eu peur de le perdre et ils contactaient Iadeluca très souvent pour ne pas « l’échapper ».  

 

La balle est maintenant dans le camp de Sénécal. Depuis quelques jours, il a fait son arrivée sur son nouveau campus afin de s’y intégrer progressivement. Il pourra s’adapter au milieu anglophone et à sa nouvelle réalité scolaire avant de fouler le terrain.

 

La prudence semble indiquer qu’il héritera d’un statut de « redshirt » en 2020. Ainsi, il ne perdrait pas une année d’admissibilité sans être rétabli à 100%. Cependant, Sénécal s'accroche à la possibilité de renouer avec l’action à temps pour éviter cette option.

 

Jonathan SénécalQue ce soit en 2020 ou 2021, son ajout devrait permettre de rehausser la notoriété des Huskies qui font surtout tourner les têtes pour leurs performances au basketball.

 

« C’est un programme en développement présentement. Si je suis capable de monter ce programme, de l’aider à gagner plus de matchs, d’avoir une renommée plus grande, ça pourrait me donner une certaine crédibilité », a souhaité le sympathique jeune homme qui a rencontré RDS chez Myologik où il effectue sa remise en forme.

 

Pendant qu’il était confiné aux lignes de côté, Sénécal en a profité pour se concentrer davantage sur ses études et il a été en mesure de faire grimper ses notes qui n’étaient déjà pas mauvaises. Pour son bulletin football, l'étude se poursuivra à un niveau supérieur.

 

*Vendredi, on vous propose un deuxième texte axé sur le talent hors du commun de Sénécal et sa décision d'opter pour une université américaine.