Lillehammer. 1994. Les Jeux olympiques d'hiver. À l'instar des Jeux d'été de Sydney en 2000, les Jeux de Lillehammer sont entrés dans l'imaginaire comme étant une des plus belles réussites olympiques de l'histoire récente. Une petite ville d'à peine 20 000 âmes, à l'époque, qui accueille le monde et qui réussit son pari. Des Jeux magiques pour plusieurs.

Mais 16 ans après la fin des Jeux de Lillehammer, la magie a fait un peu place à la désillusion chez certains. Des bénéfices qui ne se seraient jamais matérialisés. Des argents dans un fonds pour dédié à l'héritage olympique qui auraient fondu un peu plus tôt que prévu.

Gerhard Heiberg est un membre norvégien du Comité International Olympique. M. Heiberg a vécu les Jeux de l'intérieur puisqu'il était le président directeur-général du Comité d'organisation. Il a vu ce que Lillehammer a fait de bien et a fait de mal avant, pendant et, surtout, après les Jeux.

Pour lui, il est clair que Lillehammer n'a pas su bien profiter du passage des Jeux à Lillehammer.

"Nous ne savions pas ce que nous aurions dû savoir. Notre erreur a été de ne pas assez capitaliser sur la publicité que procure le passage des Jeux olympiques. Vous devez profiter des Jeux pour faire la promotion de vos forces, de vos attraits. Nous avons perdu beaucoup en ne le faisant pas."
M. Heiberg avait notamment fortement proposé à des élus locaux de construire un aéroport reliant Oslo, la capitale, à Lillehammer. M. Heiberg était convaincu que l'aéroport permettrait à des dizaines de milliers de gens de plus par année de se rendre à Lillehammer. Mais l'aéroport n'a jamais été construit, avec les résultats que l'on observe aujourd'hui, diront certains.

Malgré tout, M. Heiberg croit que la venue des Jeux à Lillehammer aura eu un impact positif sur la ville.

"Les Jeux olympiques offrent une chance rare à une ville de restaurer les communautés dans un laps de temps accéléré. Les Jeux ont permis à Lillehammer d'améliorer nos infrastructures: routes, chemin de fer reliant Oslo et Lillehammer, les systèmes de télécommunications locaux, l'aqueduc et les systèmes de traitements des eaux usées. Tout ça s'est fait en quelques années. Sans les Jeux, de telles améliorations auraient nécessité au moins deux décennies."

M. Heiberg connaît très bien la candidature de Vancouver, lui qui a occupé le poste de président de la Commission d'évaluation du CIO lors du processus de candidature des Jeux olympiques d'hiver de 2010. Et il n'est pas inquiet outre-mesure quant à l'héritage olympique des Jeux à Vancouver.

"Je ne suis pas certain que les organisateurs à Vancouver ont besoin de mon avis sur la question. Organiser des Jeux en 2010 et en 1994, ce sont deux choses complètements différentes. L'héritage est devenu partie intégrante du processus olympique et le CIO encourage chaque ville candidate à identifier leurs stratégies à cet égard dès leur campagne de candidature pour maximiser les bénéfices que vont créer l'organisation des Jeux. Vancouver est donc très bien préparée grâce à l'incroyable quantité d'information et à la collaboration des villes qui ont accueilli les Jeux auparavant."

"Les Jeux ne sont toutefois pas la panacée aux problèmes sociaux dont le COVAN n'est pas responsable. Mais je crois que la plupart des gens voient que les Jeux ont pu aider les autorités locales à faire des progrès dans certains secteurs pour améliorer la vie de la population locale."

Que suggère donc M. Heiberg à Vancouver? Selon lui, qu'est-ce que Vancouver doit faire et doit éviter pour s'assurer de bénéficier positivement du passage des Jeux à long terme?

"La chose la plus importante est d'avoir une vision claire. Savoir ce qu'ils veulent retirer des Jeux avant, pendant et après est d'une importance capitale. Quand on connaît ses objectifs, on donne à chacun des acteurs impliqués une cible claire. On sait donc quand on vise juste et quand on rate la cible. Grâce notamment à la mise sur pied de 2010 Legacies Now, une organisation à but non lucratif, Vancouver a identifié une vision claire de ses objectifs. Tous peuvent travailler dans la même direction pour réaliser cet objectif", de poursuivre Heiberg, membre du CIO depuis 1994.

"Je répète, grâce aux connaissances des anciennes villes olympique, le comité d'organisation sait ce qu'il doit faire et ce qu'il doit éviter. Mais pour bénéficier positivement de l'effet des Jeux pendant longtemps, les organisateurs doivent trouver un moyen pour maintenir le sentiment de fierté, la passion et le dévouement que les citoyens auront démontré pendant les Jeux. Le bénévolat et l'implication communautaire sont deux des clés permettant de créer un héritage durable."

"Vancouver doit protéger et faire la promotion de ce qu'elle a. Particulièrement dans l'économie moderne. Vous devez dire au monde qu'il y a de belles choses chez vous, le crier sur tous les toits. Sinon, vous aurez les mêmes problèmes que nous", déclare Heiberg.

Avec la fin des Jeux qui approche à grands pas, est-ce que l'ancien grand manitou des Jeux de Lillehammer croit que Vancouver saura éviter les "erreurs" commises en Norvège il y a maintenant 16 ans?

"L'héritage des Jeux de Vancouver a déjà commencé à se faire sentir et cet héritage se fera sentir sur la région et le pays pendant plusieurs années encore. Vous n'avez qu'à regarder l'Atelier de fabrication RONA, qui facilite l'intégration sur le marché du travail à ceux qui éprouvent des ennuis à le faire, la Building Opportunities with Business Inner-City Society, une autre mise en œuvre communautaire, l'implication significative des populations autochtones, le programme Buy Smart, la prise de conscience environnementale et sur d'autres enjeux sociaux, et j'en passe."

"Les yeux du monde sont rivés sur Vancouver. Les Jeux de Vancouver seront magnifiques et l'on s'en souviendra longtemps. Est-ce que Vancouver sera en mesure de profiter de cette fenêtre exceptionnelle? Sans aucun doute. Le monde va découvrir à quel point cette ville est magnifique, vibrante et accueillante!"