"Je n'oublierai jamais la fameuse randonnée en autobus entre l'aéroport de Philadelphie et l'hôtel des Expos, du temps où j'étais secrétaire de route ou directeur des voyages.

Une randonnée d'environ 20 ou 30 minutes, en temps normal. Après un parcours de deux heures, le gérant Dick Williams, occupant le premier siège en avant, réalisa que le chauffeur s'était égaré et perdit patience. Le scotch faisant effet, il sauta sur le conducteur pour lui faire un mauvais parti tout en s'adressant à tous les saints du paradis. C'est alors, que n'écoutant que mon courage malgré mes cinq pieds et un, mettons, j'ai décidé d'intervenir entre les deux belligérants, sans quoi on prenait le fossé. Ce fut une expérience inoubliable. De nos jours, j'aurais perdu mon job. On ne touche pas aux joueurs. Encore moins aux gérants. Les temps ont bien changé ".

C'est en ces termes que Rodger Brulotte, commentateur de baseball à RDS depuis 1990, un an après sa fondation, raconte quelques souvenirs qui ont marqué sa brillante carrière, même si elle devait prendre son envol sur le tard. C'est au début des années 2002 que Bernard Brisset, ancien directeur des communications du Canadien et alors directeur des sports au "Journal de Montréal", l'a embauché.

"Je tiens à préciser que je ne suis pas un potineux, mais que je rédige une page axée sur des activités sociales, sportives et culturelles. En 1989, à la fondation de RDS, j'ai été approché par Messieurs Gérard Jeanneteau et Jacques Boucher et j'entrais en fonction en 1990 avec Denis Casavant, un type travaillant et à la fois fin connaisseur, avec lequel c'est un charme de travailler", dit-il.

Un long parcours

Rodger est donc loin du temps où il enseignait le primaire et le secondaire à la Commission des écoles catholiques de Montréal. De l'époque où il fréquentait le parc Frontenac; où il jouait au baseball pour les loisirs St-Eusèbe; tenait le restaurant Michel Bar-B-Q avec son ami André Bonenfant dans l'Est de Montréal; ou encore qu'il exploitait une bijouterie.

La vie de Rodger Brulotte, né d'une mère anglaise, Hazel, originaire de Liverpool, décédée en novembre 2003, et d'un père Canadien-francais de Cartierville, Jean-Paul Brulotte, a pris une nouvelle tournure quand il s'est joint aux Expos en permanence en 1970.

"C'est feu Richard Bélec, de Baseball Québec, qui m'avait recommandé à André Pratte des Expos et j'ai rempli diverses fonctions dans l'organisation durant plus de 30 ans. Ma première d'importance fut de devenir l'adjoint administratif du directeur du développement , Mel Didier, pour qui j'ai toujours eu beaucoup de respect. J'aurais pu gravir les échelons dans le domaine du baseball chez les Expos, mais j'ai abandonné quand j'ai constaté que les chances des Québécois de monter dans l'organisation des Expos, tant sur le plan baseball que du coté administratif, étaient nulles. John McHale n'a jamais fait confiance aux Canadiens-français. Ni Claude Brochu par ailleurs, quelques années plus tard.

C'est cependant au marketing et au micro des Expos que Rodger a eu le plus de satisfaction. "Au marketing, j'ai été l'adjoint de Roger D. Landry et de René Guimoind et les Expos ont été louangés par les dirigeants du baseball majeur pour leur initiative, leur créativité et leurs idées nouvelles. "En 1979" se rappelle Rodger "les Expos ont lancé l'idée du meilleur deuxième, dans la course au championnat. Ils en avaient marre de toujours finir deuxièmes en arrière des Phillies ou des Pirates. Malgré tout, ils attiraient plus d'un million de spectateurs et même deux. En 1979, ils furent choisis l'organisation par excellence en marketing par le baseball majeur. Quelle satisfaction. Faut le faire", dit-il.

Au micro des Expos, Rodger a connu 20 années formidables avec Jacques Doucet comme compagnon de travail.

"Jacques est un professionnel comme j'en ai rarement vus. Je me suis bien amusé. Un soir j'avais dit au micro que Marquis Grissom avait marqué le point gagnant, en glissant tête première dans la poussière au marbre. J'avais oublié que le match était télévisé. Grissom avait marqué en marchant. J'avais beurré un peu trop épais ce soir-là. Quant à l'expression "Bonsoir, elle est partie", elle a pris naissance lors d'un match présenté en matinée à San Diego. Je le répète. En matinée. Un joueur a bouclé le circuit et j'ai crié: "Bonsoir elle est partie". Je suis resté identifié à ça." Ceux qui l'ont le plus aidé chez les Expos sont Marc Cloutier, Richard Bélec, Mel Didier, Roger D. Landry, René Guimoind et Richard Morency.

-Et Claude Brochu, "Rodger"? Certains pensent que tu as déguerpi après le départ de Brochu, de crainte que le navire ne sombre.

-C'est faux, Jaypee. J'ai abandonné en 2002, parce que j'en avais marre de voyager. Quant à Brochu, il a été correct, même formidable....sauf la dernière année. Il ne savait plus ce qu'il voulait faire. Partir ou rester. Son message ne reflétait plus ses intentions. Mais je crois encore qu'il n'a pas été reconnu à sa juste valeur, de façon générale.

-Et le départ des Expos ?

-Jaypee, les actionnaires québécois ont leurs responsabilités à prendre dans ce dossier. Ils ont manqué de vision. Un stade au centre-ville aurait attiré deux millions de spectateurs. Le gouvernement provincial n'a pas aidé. Bernard Landry voulait aider l'équipe afin d'éviter son départ. Lucien Bouchard, premier ministre, était contre. On disait, à l'époque, qu'on devrait donner cent millions aux hôpitaux, au lieu de sauver les Expos. Les Expos n'ont pas eu d'aide et sont partis. Et le service dans les hôpitaux s'est-il amélioré depuis?

Rodger ne se creuse pas la tête un seul instant, quand on lui demande quels ont été ses meilleurs et ses pires souvenirs en carrière.

"La naissance des Expos contre toute attente et leur mort", conclut-il.