Après vous avoir parlé récemment de Luguentz Dort, un espoir québécois émergent sur la scène nord-américaine, et d’Olivier Hanlan, Québécois qui cogne à la porte de la NBA après avoir mangé ses croûtes un peu partout sur la planète basket, je tourne cette semaine mon attention vers un autre produit de notre province qui n’arrête devant rien pour accéder à son but suprême.

Les obstacles de taille ont eu beau s’accumuler au fil des ans pour cet athlète de 25 ans, la NBA n’a qu’à bien se tenir quand il y foulera un terrain pour la toute première fois.

En janvier 2017, je vous relatais l’histoire plutôt improbable d’un jeune joueur de basket québécois du nom de Chris Boucher. Si vous n’êtes pas familier avec son récit, prenez dix minutes pour vous mettre au parfum et revenez à l’article présent tout de suite après.

Impossible de ne pas être inspiré par son parcours, et excité par la suite des événements à cette époque. Son équipe universitaire, les Ducks d’Oregon, filait alors à vive allure vers le tournoi du March Madness, en bonne position pour faire un bon bout de chemin. Et malgré une dernière saison en dents de scie sur une base personnelle, les dépisteurs de la NBA demeuraient intrigués par son grand potentiel. Il semblait voué à être repêché en fin de première ronde. Ou sinon assurément lors du deuxième tour.

Mais voilà que le 10 mars 2017 à Las Vegas, moins de deux mois après la parution de cet article, le ciel est essentiellement tombé sur la tête de notre ami Chris. Il se blesse de façon plutôt anodine et ressent de plus en plus d’instabilité au niveau de son genou plus la rencontre avance. Le verdict des médecins après quelques tests fut celui que tout joueur de basket redoute : déchirure ligamentaire, arthroscopie inévitable, à 12 mois de remise en forme. Sa saison était donc terminée. Et son rêve de retourner au March Madness, avec dans sa mire le Final Four, venait de prendre le large également.

Et tout cela, c’était sans parler de l’impact sur sa carrière professionnelle. Les dépisteurs furent refroidis par la tournure des événements et devinrent craintifs. C’était prévisible. Son nom ne fut pas appelé le soir du repêchage et son parcours venait d’emprunter un virage un peu plus sinueux et plus compliqué.

Mais les défis et les embûches, Chris Boucher connaît bien ça. Et ça ne l’effraie pas vraiment.

Près d’un an plus tard, il me semblait grand temps de prendre de ses nouvelles et de voir où il était rendu. C’est donc à Salt Lake City, tout récemment, que j’ai réussi à l’intercepter pendant une quinzaine de minutes au téléphone. Voici ce qu’il avait à raconter :

Tout d’abord, qu’est-ce que tu retiens de ton passage dans la NCAA à l’Université Oregon?

Ce sera toujours comme ma deuxième maison. C’est là que le rêve d’accéder à la NBA a commencé à prendre forme pour moi. Les entraîneurs m’ont préparé à plusieurs niveaux pour la prochaine étape de ma vie et ma carrière. J’ai développé des liens forts avec des gars que je n’oublierai jamais.

Revenons maintenant sur le fameux soir de ta blessure au genou. Tu as dit avoir ressenti quelque chose de bizarre sur un jeu en première demie, mais tu as quand même réussi à terminer le match. Que s’est-il passé par la suite?

Je savais que quelque chose n’était pas tout à fait normal, mais je n’y pensais pas trop. Je ressentais un peu d’instabilité alors j’ai demandé un bandage à la demie et j’ai fini la soirée. Mais le lendemain matin, ma jambe était engourdie et j’avais de la misère à bouger. J’ai dû me rendre à l’évidence que c’était peut-être plus sérieux que prévu. L’examen de résonance magnétique a ensuite confirmé le cauchemar d’une déchirure au ligament croisé.

Et quelle fut ta première réaction quand les médecins t’ont confirmé ce diagnostic?

J’étais choqué. Je ne voulais pas y croire. Je ne répondais pas aux médecins et tout ce que je voulais c’était une deuxième opinion. Mais j’ai été obligé d’accepter mon sort. Quand j’étais assis sur le banc lors du match suivant, la réalité a commencé à me frapper. Ma carrière universitaire était terminée.

Tu ne pensais donc pas à ce moment aux répercussions sur ta future carrière professionnelle?

Non, j’étais dans le moment présent. J’aurais juste voulu aider mon équipe à progresser dans le tournoi parce que je savais qu’on avait de bonnes chances. J’étais revenu à l’école une dernière saison en grande partie parce que je voulais aller au Final Four. Et même si j’étais blessé, c’est justement là que l’équipe s’est rendue. Pour la première fois depuis 1939! J’ai réussi à apprécier l’aventure parce que je savais avoir contribué aux succès pendant la saison. Mais j’étais déchiré à l’intérieur. Surtout quand on a perdu en demi-finale. Je ne pouvais m’empêcher de penser que ma présence aurait pu faire une différence.

La saison se termine et tu peux commencer à envisager l’étape suivante de ton cheminement. Est-ce que tu t’es dit que ton rêve de jouer dans la NBA serait plus difficile à atteindre que prévu? Ou tu voyais ça comme un obstacle additionnel à surmonter, rien de plus?

Après l’opération, je ne pensais pas à la NBA. Je voulais seulement voir si j’allais être en mesure de revenir aussi fort qu’avant. Alors que mes coéquipiers à Oregon se préparaient pour le repêchage, je n’étais même pas en mesure de marcher normalement. La NBA semblait très loin. Je me posais beaucoup de questions. J’espérais qu’une équipe me choisisse quand même, mais je ne me faisais pas d’illusions.

Finalement, aucune des 30 équipes n’a osé te sélectionner.  Mais rapidement, ton agent a reçu un appel des champions en titre. Les Warriors de Golden State voulaient t’avoir en t’offrant un contrat à deux volets. Quelle a été ta réaction à ce moment?

Ça m’a fait beaucoup de bien. C’était comme une dose instantanée de motivation pour revenir fort et rapidement. Si les Warriors étaient intéressés malgré ma blessure, c’est qu’ils voyaient clairement un beau potentiel chez moi. C’est une chose de sentir qu’on a peut-être sa place dans la NBA. Mais c’est encore plus fort quand une équipe te lance le même message.

Même si tu n’étais pas encore à 100 %, tu as pu passer tout le camp d’entraînement avec les Warriors cet automne. De côtoyer Stephen Curry, Kevin Durant, Klay Thompson, Draymond Green et Steve Kerr tous les jours, ça devait être incroyable?

J’ai adoré l’expérience! Ils m’encadraient et me donnaient beaucoup de conseils. J’ai développé une belle amitié avec Kevin Durant en particulier. Il m’appuyait comme un mentor en m’encourageant et en s’assurant que je connaisse les différents jeux. Quand j’y repense, c’était comme un cadeau du ciel. Je suis allé d’un extrême à l’autre : de me remettre d’une blessure majeure à passer des semaines à regarder Steph Curry jouer et à devenir ami avec KD.

En plus, tu possèdes des aptitudes semblables à celles de Durant. Tu es très athlétique pour ta taille, à l’aise en contre-attaque, avec une bonne touche de l’extérieur. Avoir KD comme modèle m’apparaît idéal, non?

C’est certain. Je pense qu’il se voyait un peu en moi et sentait peut-être une chance de me transmettre son expérience. C’est vraiment un bon gars. On prenait plein de tirs de trois points ensemble à l’entraînement et ça me donnait un objectif clair du niveau que je voulais atteindre.

Et comment s’est déroulé ta convalescence dans son ensemble?

Tout le processus a été plus difficile que je pensais. Il y a eu des jours où je croyais ne jamais pouvoir revenir à 100 %. C’était long et je traversais des hauts et des bas, avec des degrés de douleur très variables. Maintenant je me sens bien et la douleur se fait de plus en plus rare. Je suis capable de courir et sauter comme avant. Toute cette période de remise en forme m’a fait réaliser à quel point j’allais devoir m’occuper de mon corps si je voulais avoir une carrière chez les pros. Si tu ne guéris pas complètement de n’importe quelle blessure avant de revenir au jeu, ça peut te suivre pour le reste de tes jours.

Dix mois après ta blessure, tu as récemment fait ton retour officiel avec les Warriors de Santa Cruz dans la G-League. Comment est-ce que ça s’est déroulé?

Ça se passe bien. C’est un retour graduel. Les médecins et thérapeutes de Golden State donnent des consignes claires aux gens ici sur mon utilisation. Ils ne veulent pas que je joue trop. Ils ont déjà investi du temps et de l’argent sur moi et veulent tout faire pour que je revienne à 100 % sans brûler les étapes. Ils me permettent de prendre mon temps. Je jouais 15 à 20 minutes par match au départ. Ça va probablement augmenter petit à petit. Je n’ai pas fait de rechute pour l’instant. C’est encourageant.

As-tu eu la chance de croiser Olivier Hanlan dans la G-League?

Oui, on s’est affrontés à la fin janvier en Californie. Je ne l’avais jamais rencontré en personne avant mais je suis allé le voir avant le match. Il n’y a pas des tonnes de Canadiens qui cognent à la porte de la NBA, encore moins de Québécois. C’est une petite confrérie. Ça m’a fait plaisir de lui parler un peu et on s’est souhaité bonne chance.

En conclusion, on te souhaite quoi pour le reste de la saison?

C’était entendu que j’allais devoir passer un minimum de 45 jours de réhabilitation dans la G-League. Donc au moins jusqu’à la pause du Match d’étoiles. Maintenant, je prends ça au jour le jour. Les Warriors ne m’ont pas promis d’être rappelé cette saison. Ma priorité c’est vraiment de retrouver la forme, de continuer à prendre de la force et redevenir le joueur que j’étais. Ensuite, ce sera hors de mon contrôle et les dirigeants à Golden State décideront de mon sort.

Au nom de tous les partisans de basket du Québec, on a bien hâte de te voir obtenir ta chance dans la NBA. Merci d’avoir pris le temps et bonne chance!

J’apprécie. Merci beaucoup.

Note : En date du 24 février, Chris Boucher a disputé 10 matchs avec les Warriors de Santa Cruz. Il joue en moyenne 17 minutes par rencontre. Il présente des moyennes de 8 points, 5 rebonds et 2 blocs par soir.