Prédictions des experts

Inutile de le cacher, les Canadiens de Montréal volent la vedette dans la sphère sportive québécoise depuis plusieurs semaines maintenant. Et avec raison. Combinons ceci à l’absence des Raptors de Toronto lors des séries 2021 et je vous comprendrais à 100 % si vous commencez à peine à vous intéresser au dernier droit de la saison NBA.

Je me porte donc volontaire pour vous mettre au parfum car je crois que le tout en vaudra votre attention lors des quatre prochaines semaines. 

Le script des éliminatoires en cours est fort simple : le club qui soulèvera le trophée ultime en juillet le fera pour la première fois de son histoire. Ou presque. Suns, Clippers, Bucks et Hawks... un quatuor final tout à fait inattendu en début de saison. Les gros marchés et les prétendants habituels ont tous péris en cours de route. La fatigue et les blessures ont eu un gros rôle à jouer là-dedans, je le concède. Mais personne n’a volé sa place dans le carré d’as actuel.

Pour bien comprendre l’engouement ayant enseveli les quatre métropoles qui y rêvent toujours, voici un peu de contexte historique...

Milwaukee : pour l’honneur des petits marchés

L’état du Wisconsin adore son sport, que ce soit professionnel ou amateur. Les Packers de Green Bay arrivent en tête de liste, suivis des Badgers de l’université du Wisconsin. Les Brewers de Milwaukee ont connu certains moments de gloire aussi. Quant aux Bucks, ils ont vu le jour en 1968 tout en goûtant rapidement aux succès dans la NBA. La clé? La possibilité de pouvoir sélectionner Lew Alcindor dès leur deuxième saison. Le nom ne vous dit rien? C’est normal. Le gentil géant s’est rebaptisé Kareem Abdul-Jabbar avant sa troisième année pro. Les Bucks ont ainsi raflé leur premier titre, et seul à ce jour, en 1971. Bien que la frénésie du ballon rond s’était officiellement emparé du Wisconsin, l’euphorie allait être de courte durée. Kareem demanda à être échangé après sa sixième campagne et son vœu fut exaucé. C’est le lot des petits marchés. Tôt ou tard, les vedettes souhaitent presque toujours briller sous les projecteurs d’une métropole.

On ne peut pas dire que la situation fut éternellement catastrophique suite au départ du futur meilleur joueur de centre de tous les temps. Les années 80 furent relativement payantes à Milwaukee, avec huit séries remportées en sept saisons. Mais les participations à la grande finale étaient choses du passé. Il manquait toujours un petit quelque chose. Ce n’est qu’à l’arrivée d’un autre gentil géant du nom de Giannis Antetokounmpo en 2013 qu’une vraie renaissance était envisageable. Son talent brut était incontournable, mais son progrès fut néanmoins inespéré. Le 15 décembre dernier, le ‘Greek Freak’ décida même de prolonger son séjour dans le Midwest de cinq saisons. Tous les petits/moyens marchés de l’Amérique ont célébré ce soir-là.

En 2019, en avance 2-0 en finale de l’Est face aux Raptors, les Bucks auraient probablement dû l’emporter. Mais le destin en décida autrement et la chute fut douloureuse. Voici donc Mike Budenholzer et ses hommes de retour à un pas du tour ultime. Ils se doivent de venir à bout des Hawks cette fois. Pour leur santé mentale, et au nom de toutes les « petites » villes sportives qui y rêvent mais n’y parviendront peut-être jamais.

Atlanta : au diable Luka, vive Trae!

Le 21 juin 2018 représente une date importante dans l’histoire récente de la NBA. À quelques heures du repêchage amateur, le portrait demeurait flou. Deandre Ayton allait probablement être choisi au premier rang par les Suns de Phoenix et sa sélection ne faisait pas l’unanimité. La majorité des experts croyaient que le Slovène Luka Doncic, ayant déjà prouvé sa valeur dans la réputée ligue senior espagnole, représentait en fait le meilleur espoir. Il fut non seulement ignoré par les Suns et les Kings (criminel de la part de Sacramento), mais Atlanta décida ensuite de le sélectionner dans le but de l’échanger aux Mavericks de Dallas. Les Hawks clamaient haut et fort que Trae Young, garde de l’Université Oklahoma, fragile mais électrisant à ses heures, serait leur version de Steph Curry.

Je faisais partie des médias incrédules devant ce dénouement. À mes yeux, Dallas venait de commettre un vol et celui-ci paru instantanément légitime lors de la saison recrue des deux jeunes hommes. Doncic était épatant, aguerri comme un vétéran, traînait ses coéquipiers vers le haut. Young semblait un peu dépassé, tirait trop souvent et de trop loin, réussissait un faible pourcentage de tentatives. Il semblait vouloir épater la galerie en premier et remporter des matchs en second. Je n’y croyais pas à long terme.

Trois ans, plus tard, même si je choisirais encore Doncic au premier rang, je suis maintenant forcé de ravaler mes mots et faire mon mea culpa. Trae a maintenant mené ses Hawks à deux séries remportées, soient deux de plus que Luka. Il a amélioré son pourcentage du périmètre, son partage du ballon, ses aptitudes de leader. Et il démontre soir après soir que les grandes occasions de l’effraient pas. Au contraire. Il a connu ses meilleurs moments lorsque la soupe devenait de plus en plus chaude face aux Knicks puis aux Sixers. Chapeau jeune homme! Je fais maintenant partie des sceptiques confondus.

Los Angeles : le petit frère veut son respect

Parlez à n’importe quel résident de longue date de Los Angeles qui connait et apprécie son sport. Le constat est unanime. Les Clippers auraient beau remporté les quatre prochains titres de la NBA, la ville appartiendra toujours aux Lakers. Le riche patrimoine de succès de l’uniforme doré est trop puissant. C’est ce qui arrive quand un club remporte 12 titres en l’espace de 50 ans.

Les Clippers, quant à eux, ont déménagé de San Diego à Hollywood en 1984. Le fondement derrière cette décision : Los Angeles était en pleine éclosion et il y avait sans doute de la place pour deux équipes de basket. En termes de volume de population, c’était probablement vrai. Mais pour capter l’imaginaire du public et se tailler une place solide dans un écosystème sportif surchargé, c’était un choix en apparence naïf.

Alors pendant les 27 premières saisons, les Clippers se cherchaient hors du terrain... .et encore plus sur le terrain. Un exemple parfait de médiocrité. Quatre présences en séries, seulement deux saisons en haut de ,500 et une seule série éliminatoire remportée. En 27 ans. Pathétique.

Mais les dix dernières campagnes auront toutefois été beaucoup plus inspirantes. Dix fiches victorieuses, neuf participations aux séries, six rondes remportées. Et un nouveau propriétaire un peu excentrique mais uber-riche et complètement dévoué aux succès de son club. Ils arrivent souvent à cours en fin de parcours, mais plus personne ne rit jamais d’eux. Surtout quand ils attirent des vedettes comme Kawhi Leonard et Paul George dans leurs rangs.

Voici donc les Clippers en finale de l’Ouest pour la toute première fois de leur histoire, alors que leurs voisins dorés sont en congé. Ceci s’avère une grande réussite en soi. Le petit frère comprend qu’il ne surpassera jamais le grand aux yeux de ses parents. Mais il se bat d’arrache-pied pour obtenir une petite parcelle de reconnaissance.

Phoenix : se reprendre 28 ans plus tard

Le désert de l’Arizona a tendance à être sous-estimé historiquement en matière de brio dans l’univers du basketball. Les Suns ont joint les rangs de la NBA en 1968. Sept ans plus tard, le reste de la ligue devait déjà les prendre au sérieux alors qu’ils atteignaient contre toutes attentes la grande finale du circuit. Tenant tête même aux puissants Celtics lors d’une finale mémorable. Les 35 prochaines saisons furent synonymes de constance et de succès pour une concession qui naviguait en haut de la moyenne.

Bien que l’ère Steve Nash fut prometteuse par moments, la meilleure chance de tout rafler fut bousillée en 1993 à mon avis. Les puissants Bulls débarquaient dans le désert en quête d’un troisième titre consécutif, mais ils étaient de plus en plus fatigués. Et les Suns de Charles Barkley étaient alors aussi bons, sinon meilleurs à mes yeux. Et affamés. Phoenix avait mené la majorité du sixième match et semblait en voie d’en forcer un septième. À domicile de surcroit. Mais ce tir in extremis de John Paxson fit basculer le cours de l’histoire à tout jamais :

La gang à Barkley ne s’en remettra jamais, et la troupe de Nash frappa ensuite systématiquement un mur dans l’Ouest. Surtout face aux Spurs.

De 2010 à 2020, leur fiche fut de 306 victoires et 489 défaites. La sécheresse totale. Et c’est ce qui rend les succès actuels d’autant plus inespérés. Généralement, un club gagnant se construit sur quelques saisons positives. Les Suns tentent d’y arriver d’un coup sec à la vitesse grand V. Mais dans les faits, leurs partisans attendent patiemment (et impatiemment) depuis plus de 45 ans.

Prédictions finales

Pour revenir au présent, je ne passerai pas par quatre chemins pour vous offrir mes prédictions de finales d’Association. Je pense que la logique de classement sera respectée et que les Suns affronteront les Bucks en grande finale dès le 8 juillet.

Dans l’Est, j’ai l’impression que Milwaukee a franchi un gros mur psychologique en venant à bout des Nets après avoir été anéantis lors des deux premiers matchs. Le résultat aurait fort probablement été différent si Kyrie et Harden avaient été en santé, mais peu importe. Les Bucks pourront maintenant performer librement et bénéficieront de l’avantage du terrain face à un club assez inexpérimenté. John Collins en aura plein les bras avec Giannis. Et Jrue Holiday sera beaucoup plus à l’aise pour tenter de ralentir Trae Young qu’il ne l’était face à un Kevin Durant beaucoup trop grand et long pour lui.

Mes collègues favorisent les Bucks en 6 ou 7. Personnellement, je pousse l’audace plus loin en les voyant l’emporter en 5 rencontres.

Du côté de l’Ouest, les Clippers ne jouent pas actuellement à armes égales en l’absence de Kawhi. Sans lui, et Serge Ibaka, le casse-tête est incomplet même si monsieur George a levé son jeu d’un cran lors des derniers matchs. Venir à bout des Suns sans sa pièce-maitresse relèverait de l’impossible à mes yeux. Ceux-ci ont l’avantage du terrain, une foule gonflée à bloc, plus de profondeur, etc. Sans oublier leur fiche hallucinante de 70-24 depuis le 6 mars 2020. Rajoutez à ça le retour imminent post-Covid de Chris Paul et l’émergence irrésistible de Devin Booker. Pour moi, une participation en finale semble inévitable. La seule gêne que je me garde c’est si jamais Kawhi revenait dès le match numéro 3 en Californie.

Pour toutes ces saisons, j’y vais avec Phoenix en 6.

Et pour bien boucler cette boucle, je vous signale que plusieurs de ces rencontres, dans l’Ouest comme dans l’Est, seront présentées sur nos ondes. En débutant avec tous les matchs du 23 au 26 juin en soirée sur RDS2. Au plaisir de vous y retrouver avec notre équipe habituelle!