Le grand décompte est amorcé pour Eleider Alvarez et Lucian Bute. C’est vendredi qu’ils s’affronteront à Québec pour déterminer lequel des deux boxeurs du Groupe Yvon Michel deviendra l’aspirant obligatoire au titre WBC d’Adonis Stevenson, également de GYM. La situation est exceptionnelle pour le promoteur québécois : elle devenait aussi inévitable étant donné le nombre de boxeurs mi-lourds de qualité affiliés à Yvon Michel.

C’est par sa dimension fratricide, et par les conséquences du résultat final, que le duel Alvarez-Bute s’annonce fascinant. Bien que le combat oppose deux boxeurs de très grande qualité, je ne crois pas que l’amateur d’émotions fortes doive s’attendre à un duel très excitant. Vendredi soir au Centre Vidéotron, on risque plutôt d’assister à un excellent duel tactique, au terme duquel les juges devront  trancher.

Le dossier récent des deux boxeurs le prouve. Les quatre derniers combats d’Eleider Alvarez (contre Isidro Prietro, Isaac Chilemba, Robert Berridge et Norbert Dabrowski) ont atteint la limite. Ses prestations les plus éclatantes (soit contre Ryno Liebenberg en octobre 2014 et Anatoliy Dudchenko) sont survenues à l’extérieur du Québec et n’ont pas obtenu beaucoup de visibilité auprès des amateurs québécois qui, plus souvent qu’autrement, sont restés sur leur appétit après les combats du boxeur d’origine colombienne.

Quant à Lucian Bute, même si son dernier K.-O. contre un adversaire valable remonte à il y a six ans contre Brian Magee (j’exclus ses victoires par K.-O. contre Andrea Di Luisa et Jean-Paul Mendy, qui n’étaient pas de calibre), il est encore capable d’ébranler son adversaire. On l’a vu au début de son combat contre Carl Froch, et aussi lors de courts éclairs de violence contre Denis Grachev, Jean Pascal et James DeGale.

Bref la possibilité de victoire par k.-o. semble mince, surtout que tant Bute qu'Alvarez peuvent bien encaisser.

Avantage Alvarez

Eleider Alvarez et son entraîneur Marc Ramsay ont été souvent impliqués dans des combats compliqués avec des boxeurs très forts physiquement. Le dernier combat d’Alvarez en décembre au Casino de Montréal en est un bon exemple. Alvarez en est ressorti avec une joue tuméfiée. Sans épater la galerie, il a toutefois clairement remporté ce duel.

Sans contredit, Lucian Bute est un bien meilleur boxeur que Norbert Dabrowski, lui aussi gaucher. Mais Bute ne sera pas en mesure d’appliquer autant de pression et de force que le Polonais. Surtout si Bute lance ses coups de la même manière qu’il l’a fait à son dernier combat contre Badou Jack, c’est-à-dire sans aucune puissance.

Le boxeur de Howard Grant semble utiliser son jab davantage pour garder une distance que pour frapper son adversaire. À ce sujet, les chiffres compilés par CompuBox lors du duel Jack-Bute sont assez éloquents : lors des trois premiers rounds, sur les 63 jabs lancés par Bute, 4 ont touché Jack. La proportion a augmenté timidement par la suite. Au total, sur 300 jabs lancés, 37 ont touché la cible. Bute a surtout misé sur des coups de puissance avec un taux de réussite de 25 %. À l’issue du combat, l’ancien champion du monde avait déclaré que cette prestation contre Jack avait été moins bonne que celle de la précédente contre DeGale. Mais si Bute boxe de la même manière vendredi,  il sera en difficulté assez rapidement, puisque je suis persuadé que les contre-attaques d’Alvarez sont plus nocives que celles de Jack. Sans parler de l’avantage qu’Alvarez possède au niveau de son jab, qu’il utilise précisément et avec une certaine puissance.

Au sujet d’Alvarez, une question me préoccupe. Est-ce qu’il saura bien gérer la pression? Âgé de 32 ans, Eleider Alvarez a beaucoup à perdre et peu à gagner, à part de l’expérience et quelques milliers de dollars. Le statut d’aspirant obligatoire, il l’avait déjà. En 2013, face à l’immense pression d’affronter son compatriote Edison Miranda, l’émotion a joué des tours à Alvarez. À son combat suivant contre Andrew Gardiner, Alvarez s’était aussi laissé emporter par les émotions, et la situation aurait pu se retourner contre lui.

De plus, depuis l’annonce du combat, Alvarez multiplie (comme Bute) les activités de promotion pour vendre le gala du 24 février. Les boxeurs ont souvent été sortis de leur bulle d’entraînement, plus souvent qu’à l’accoutumée, ce qui avantage probablement Bute, plus expérimenté et très à l’aise à ce chapitre. D’ailleurs, on retient des nombreuses et récentes entrevues qu’Alvarez est plus émotif qu’à la normale.

Adonis contre Badou Jack?

Le nom d’Adonis Stevenson sera souvent mentionné au cours des prochains jours, évidemment, puisqu’il DEVRAIT affronter le gagnant du duel Alvarez-Bute (l’emploi du temps de verbe conditionnel est personnel et intentionnel). On s’attend à ce qu’Adonis assiste au combat de ses aspirants et au gala de son promoteur vendredi à Québec. En même temps, on continuera de spéculer sur l’identité de son prochain adversaire, le 29 avril. On doit d’abord écarter l’hypothèse qu’Adonis affrontera le gagnant du combat Alvarez-Bute. Comme le combat est prévu à Brooklyn, il serait illogique d’y opposer deux Québécois.

Au cours des derniers jours, on apprenait que les négociations avec le clan de Joe Smith sont tombées à l’eau.

Est-ce que Badou Jack sera le rival souhaité? À l’issue de son combat nul contre James DeGale le mois dernier, le protégé de Floyd Mayweather avait mentionné son intention de grimper à la catégorie de poids supérieure et d’aller défier Adonis Stevenson. Ce combat réjouirait les amateurs de boxe du monde entier, et je suis convaincu que Stevenson pourrait l’emporter assez facilement pour ainsi redorer son blason.

Mon collègue Mathieu Boulay du Journal de Montréal rapportait également que Sean Monaghan serait l’un des candidats en lice. Natif de New York, Monaghan a déjà des liens avec GYM, puisqu’il aurait servi de partenaire d’entraînement récemment à Artur Beterbiev.

Le jeune Marcus Brown a aussi défié Adonis Stevenson samedi soir, après avoir passé à son tour le K.-O. au 6e round à Thomas Williams, la dernière victime du champion québécois. Il faudra voir si Brown, également natif de la région de New York, serait prêt à se battre dans un délai si court.

De toute manière, que ce soit Jack, Monaghan ou Brown, il y a de fortes chances qu’Adonis Stevenson conserve son titre WBC  le 29 avril. Adonis pourrait ensuite affronter Alvarez ou Bute. Mais par respect pour Alvarez et Bute, je ne me lancerai pas dans d’éventuelles prédictions sur l’issue contre Adonis...