MONTRÉAL - Nadjib Mohammedi est heureux qu'on lui offre de venir se battre au Québec pour le titre Continental des Amériques des super-moyens du World Boxing Council (WBC), samedi au Casino de Montréal. On ne peut toutefois pas dire qu'il ait en haute estime son adversaire, son compatriote français et Montréalais d'adoption Christian Mbilli.

L'expérimenté Mohammedi (44-8, 27 K.-O.) n'a pas manqué de souligner que sans cette ceinture, ce combat face à Mbilli (20-0, 18 K.-O.) ne l'aurait pas intéressé.

« Je ne dis pas jamais, mais ça aurait été moins intéressant. Dans mon plan de carrière, ce n'est pas utile », a-t-il laissé tomber à l'Académie de boxe Ramsay, lors de l'entraînement public de mardi.

« C'est gratifiant qu'on pense à moi. En me prenant, moi, et en me battant (c'est ce qu'il pense qui va arriver), il pense qu'il va prouver qu'il est de niveau mondial. Ça veut dire qu'il estime que je sois de niveau mondial. C'est bien. »

Mohammedi n'en est pas à son premier rodéo. Face à Mbilli, actuel détenteur du titre à l'enjeu, il tentera de mettre la main sur une 19e ceinture en carrière. Il s'est battu trois fois en championnat du monde, si on compte son combat pour le titre de la World Boxing Federation des mi-lourds face à Doudou Ngumbu, sa seule victoire en pareille occasion. Il s'est incliné par décision unanime face à Nathan Cleverly et par un retentissant K.-O. devant Sergey Kovalev, en plus de subir le même sort face à Oleksandr Gvozdyk pour un titre NABF.

« Je suis un partisan de 'soit on gagne, soit on apprend', a noté le boxeur de 37 ans. Face à Kovalev, j'ai beaucoup appris et je m'en sers depuis. Et je tiens à rappeler quelque chose à tous: M. Christian Mbilli n'est pas Sergey Kovalev et il ne le sera jamais. Il n'y a pas de comparaison à faire. On ne peut pas comparer Mbilli à Kovalev ou à Canelo (Alvarez). Il est jeune, il a une envie, certes. Moi, j'ai une expérience. J'ai pris Kovalev, mais j'en ai pris d'autres aussi, même chez les super-moyens, que lui n'a pas pris. »

Il n'adhère donc pas au scénario des médias français, qui voient en ce combat un duel entre le jeune loup et le vétéran.

« Je ne suis pas d'accord avec le mot vétéran. Un vétéran, c'est un soldat qui a fait la guerre. Je suis un guerrier avec de l'expérience, c'est différent. Vétéran, ça a une connotation de retraité : ce n'est pas le cas du tout. J'ai 37 ans, mais ça ne se voit pas. Je ne suis pas un boxeur qui a pris beaucoup de coups dans ma carrière. Je me présente à Montréal pour relever un autre défi. (...) J'ai toutes les armes pour venir détrôner M. Mbilli chez lui. »

Une vision que Marc Ramsay, l'entraîneur de Mbilli, ne partage évidemment pas.

« Je pense qu'on est supérieur en beaucoup de points (à Mohammedi), a affirmé Ramsay. Maintenant, il ne faut pas s'endormir: notre adversaire a beaucoup d'expérience. Il faut s'imposer.

« C'est un défi intéressant. Non seulement le pugiliste qu'on va affronter, mais on a fait la sélection de Mohammedi avec l'objectif d'amener (Christian) à la prochaine étape. Les combats locaux apportent beaucoup aux boxeurs au niveau de l'expérience. Il y a une gestion de la pression qui sera ressentie à partir de la France. Ce sera un outil important dans son bagage."

Ramsay a fait le parallèle avec les combats qu'a livrés Eleider Alvarez face à Jean Pascal et Lucian Bute, alors qu'il était dans l'antichambre du champion WBC des mi-lourds de l'époque, Adonis Stevenson.

« Sans ces deux combats face à Pascal et Bute, Eleider ne bat jamais Kovalev, a-t-il expliqué. Il y a des choses à aller chercher de ces combats locaux contre des gros noms. Il y a une expérience, mais aussi une confiance. Ça flatte l'égo de battre ces noms; après cela, tu sais que tu peux le faire. »

« C'est un défi pour nous parce que c'est un adversaire de qualité, qui a de l'expérience, qui a affronté plusieurs champions du monde et qui a livré plusieurs championnats du monde, a de son côté analysé Mbilli, plus diplomate à l'endroit de son adversaire. C'est une opportunité supplémentaire pour aller chercher l'expérience qu'il nous faut pour gagner une ceinture.

« Le style de Mohammedi est peu orthodoxe, un peu compliqué, très spécial. Il bouge beaucoup. (...) C'est un adversaire qui m'apportera un plus pour la suite de ma carrière. »

Une suite que Mohammedi ne voit pas aussi glorieuse que le clan Mbilli.

« Honnêtement, en date d'aujourd'hui et vu la qualité des adversaires dans la division, je le vois difficilement devenir champion du monde, a avancé le Français d'origine algérienne. Après, je ne me concentre pas et ne m'intéresse pas à son évolution de carrière, mais bien à la mienne. Qu'il représente la relève ou pas, sans être vulgaire, je n'en ai rien à faire. »

Il devra tout de même s'en soucier un tant soit peu ce samedi.

Le combat, bien qu'il soit le clou du spectacle de cette soirée, ne sera pas présenté en finale du gala de sept affrontements. Afin d'accommoder le public français, il sera présenté sur le coup de 17 h, Heure avancée de l'Est, donc 22 h dans l'Hexagone. Il suivra les débuts montréalais de la Canadienne Mary Spencer (3-0, 2 K.-O., face à la Mexicaine Beatriz Aguilar, 7-6-1, 1 K.-O.) et de Christopher Guerrero (2-0, 1 K.-O., aussi face à un Mexicain, Marco Chino Villa, 3-5).

La finale sera plus tard assurée par Artem Oganesyan (12-0, 10 K.-O.), qui tentera de mettre la main sur le titre vacant de la NABF des super-moyens contre le Néerlandais Stephen Danyo (20-4-3, 7 K.-O.). Alexandre Gaumont (3-0, 2 K.-O.), Leila Beaudoin (4-0, 1 K.-O.) et Joshua Frazer (2-0, 2 K.-O.) seront également en action à compter de 16h.