Je suppose que tout comme moi, vous avez été atterrés par la nouvelle de la mort de l’ex-champion mondial Marvin Hagler au début de la semaine : 66 ans, c’est trop jeune pour mourir surtout quand on a vécu une vie ordonnée comme ce fut le cas pour Hagler, un père de famille de cinq enfants. 

À un certain moment, il est devenu tellement écœuré par toutes les embûches de la boxe qu’il a même changé son nom de Marvin à Marvelous. Comme s’il avait voulu renaître soudainement. 

Né et élevé dans un ghetto de Newark, au New Jersey, la famille a déménagé à Brockton, au Massachussetts, en 1967, à la suite d’un incendie à la demeure en raison des émeutes dans la ville. Brockton, la ville mémorable rendue célèbre par les exploits du champion poids lourd invaincu Rocky Marciano. 

Tout a commencé pour Hagler un soir où il a été impliqué dans une bagarre de rue, face à un boxeur. Marvin n’a pas eu le meilleur dans cet affrontement et il a juré dès lors que cela ne se reproduirait plus jamais. 

C’est sur le champ et d’un pas décidé qu’il s’est précipité au gymnase des frères Petronelli. Et ses premières paroles furent en entrant : « Un jour, je serai champion! » Jamais dit si vrai... Mais les choses n’ont pas été faciles. Par moment, on a pensé au racisme car on le fuyait comme la peste. Rares sont ceux qui voulaient l’affronter lors de sa montée. 

Au gymnase des Petronelli, il frappait plus fort qu’il le pouvait sur le sac de sable. On voyait bien qu’il avait un certain talent. Il s’améliorait de séance en séance d’entraînement, si bien qu’on décida de l’inscrire chez les amateurs. 

Selon Boxing Illustrated, il a conservé une fiche de 52-2 (43 K.-O.). Il a remporté les honneurs du championnat National AAU comme poids moyen en battant le membre des Marines Terry Dobbs, à Atlanta, en Géorgie. 

L’année précédente, il avait eu le meilleur sur le médaillé des Jeux Olympiques de 1972 Sugar Ray Seales, invaincu jusque-là en cinq combats. 

Ses triomphes furent si impressionnants qu’il fut choisi le meilleur du tournoi, en 1973. 

C’est après ce triomphe contre Dobbs que les frères Goody et Pat Petronelli lui ont  suggéré de passer chez les professionnels. Dès sa première victoire chez les pros, un K.-O. au deuxième round contre un certain Terry Ryan, les frères Petronelli, avec qui Hagler a travaillé tout au long de sa carrière, ont compris qu’ils avaient une perle rare entre les mains.

Le 13 janvier 1976, au Spectrum de Philadelphie, Hagler présentait une fiche de 25-0-1—19 K.-O.. Jusque-là, il avait vaincu des boxeurs de second ordre, sauf Sugar Ray Seals contre qui il avait dû se contenter d’un verdict nul. Les meilleurs le fuyaient comme la peste. 

C’est contre Bobby Watts, à Philadelphie, qu’il a connu l’amertume de la défaite pour la première fois de sa carrière professionnelle. Malheureusement pour lui, il a perdu la décision majoritaire, première tache à son tableau. 

Deux mois plus tard, Marvelous cédait par décision unanime contre le vétéran Willie Monroe (27-3-1). C’est à la suite de ce deuxième revers que Marvelous se fit la promesse que jamais plus il ne laisserait l’issue de ses matchs entre les mains des juges. 

D’ailleurs, il a vengé ces deux échecs en passant le K.-O. à Monroe à deux occasions, à Boston et à Philadelphie. Puis ce fut au tour de Watts de subir le même sort en avril 1980 à Portland, dans le Maine. 

Hagler a dû attendre six ans avant de finalement obtenir sa chance dans un match de championnat. Le 30 novembre 1979, Vito Antuofermo se dressa devant lui avec ses ceintures de la WBA et WBC des poids moyens. Enfin, une chance de devenir champion du monde. 

C’était la première défense de ses titres pour Antuofermo. Après 15 rounds, le match fut déclaré nul et Antuofermo conserva sa couronne.  Pourtant, un des juges donnait la victoire à Marvelous. L’arbitre du match, Mills Lane, avait même dit à Hagler de bien regarder la caméra de TV quand il lui lèverait le bras en guise de vainqueur. 

Hagler ne montrait aucune marque, mais ce n’était pas le cas chez son rival. On pouvait voir six entailles à son visage. D’ailleurs, il a fallu 25 points de suture au médecin pour fermer les plaies. 

Finalement, c’est le 27 septembre 1980, à l’Arena Wembley à Londres, que Mavelous réussit à arracher les couronnes WBA et WBC à Alan Minter. Et il l’a fait de brillante façon : un K.-O. technique/3 à cause de nombreuses coupures au visage de l’ex-champion. 

Une émeute dans la foule empêcha les présentations d’usage, et Marvelous revint à son domicile de Brockton sans ceinture. 

Le meilleur au monde 

Enfin, après 54 combats il pouvait se dire qu’il était le meilleur au monde. 

La suite est comme un téléroman. Après Minter, il y a eu Roberto Duran (DU/15), Juan Roldan (K.-O. technique/10), Mustapha Hamsho (K.-O. technique/3). Tommy Hearns (K.-O. technique /3), John Mugabi  (K.-O./11) et finalement Ray Leonard (L/DS/12). 

Encore de nos jours, on parle de deux matchs en particulier. Celui où il a pulvérisé  Tommy Hearns et son dernier contre Sugar Ray Leonard, qui a été le résultat de sa retraite en 1987. 

En 1985, contre Hearns, alors reconnu comme un des plus puissants cogneurs chez les poids moyens, Marvelous a été tout simplement merveilleux. Encore aujourd’hui, on parle de l’intensité de ce combat. Dès la fin du premier round Hearns s’est plaint à son entraîneur Emmanuel Stewart qu’il s’était fracturé la main droite. À la troisième reprise, l’arbitre demanda l’avis du médecin sur une large entaille au visage de Hagler.  

Finalement Hagler a conservé ses trois titres WBC, WBA et IBF quand l’arbitre a mis un terme à la bagarre. Hearns n’en pouvant plus des attaques répétées du champion. La puissante revue Ring Magazine décerna le titre de combat de l’année 1985 à ce match et le premier round fut choisi celui de l’année. 

Par la suite, Hagler a accumulé succès par-dessus succès. Son dossier le prouve hors de tout doute : 13-1-1—11 K.-O. en match de championnats. 

Treize mois après son triomphe contre John Mugabi, il a décidé de remonter sur le ring pour y affronter Sugar Ray Leonard. Le 6 avril 1987, au Ceasar’s Palace de Las Vegas, Hagler montait sur le ring pour la 67e fois de sa carrière. Il avait défendu ses titres avec succès en 12 occasions. Il n’avait pas perdu un seul match au cours des 11 dernières années. 

Pour Sugar Ray Leonard, c’est en assistant à la rencontre entre Mugabi et Hagler, en avalant quelques bières, qu’il confia à l’acteur Michael J. Fox : « Je peux battre Hagler. Je sais comment m’y prendre... » Il n’en fallait pas plus que le défi fasse le tour du monde. 

Finalement, les deux hommes se sont affrontés le 6 avril 1987. Sugar Ray revenait sur le ring après une absence de trois ans. Hagler se vit offrir une garantie de 12 millions $ et un pourcentage des recettes.  Quant à Leonard, on lui fit miroiter 11 millions  et 50 % des recettes du circuit fermé. Après la bataille, Hagler touchait 20 millions et Leonard 12 millions. 

On parle encore de ce combat aujourd’hui, surtout de la décision. Leonard fut déclaré vainqueur par décision partagée.  Un juge opta pour Leonard par 115-113 et un autre 115-113 pour Hagler. Le troisième, le juge mexicain Jose Juan Guerra, y alla d’un pointage insensé de 118-110 pour Leonard. Pour lui, Hagler n’avait gagné que deux rounds dans ce match. C’était impossible. Inutile de dire que les commentaires allaient bon train après le triomphe de Leonard. C’est vrai qu’il avait livré une superbe prestation, surtout dans les quatre premiers rounds, alors que Hagler mettait du temps à réagir. Il tenta de se reprendre par la suite, mais ce fut peine perdue. 

Personnellement, j’avais Hagler en avance par 115-113, mais j’aurais accepté un verdict nul et une reprise. 

Hagler fut tellement dégoûté du résultat qu’on ne l’a jamais revu sur un ring par la suite. Pourtant, il n’avait que 33 ans.  Il s’est exilé en Italie pendant un certain temps.  Il y a même joué dans quelques films. 

Quand on parle des plus grands poids moyens de tous les temps, le nom de Marvin Hagler est prononcé parmi les Carlos Monzon, Sugar Ray Robinson, Bernard Hopkins, Dick Tiger, Emile Griffith, Nino Benvenuti, Jake LaMotta, Marcel Cerdan, Tony Zale, Rockcy Graziano.  

Si on demande lequel des boxeurs actuels ressemble le plus à Marvelous, la réponse est presque unanime : « Canelo Alvarez! » 

Marvelous, tu peux dormir en paix. Tu as été un homme d’honneur, et comme le disait si bien le promoteur Bob Arum : « Je n’avais pas à signer de contrat avec Marvin. Une simple poignée de main suffisait. C’est un des hommes le plus intègres que j’ai connus dans le monde de la boxe. » 

Repose en paix champion!

Bonne boxe!