Je revois encore la mine déconfite d'Yvon Michel et de son associé Dino Marchitello au cours des instants qui ont suivi la coûteuse défaite de Jean Pascal contre Bernard Hopkins.

Pascal est le pur-sang de l'entreprise, celui par qui les grands événements arrivent. Celui qui permet à GYM d'engranger les profits les plus intéressants. Mais il y a plus. Un champion du monde dans une écurie est un atout prestigieux. Il donne de la notoriété à un promoteur.

Malheureusement, en fin de soirée, le 21 mai dernier, GYM a perdu son unique champion du monde.

Ce soir-là, j'ai cru revoir Michel, alors directeur général d'InterBox, au lendemain du vol dont Éric Lucas a été victime en Allemagne. Lucas était celui qui avait redonné de la crédibilité à la boxe montréalaise par son intégrité et par le sérieux avec lequel il orchestrait sa carrière. Il avait contribué à ramener à la boxe des commanditaires qui l'avaient désertée pour ne plus avoir à s'associer à des gens à la réputation douteuse.

Lucas était l'image d'InterBox et celle de la boxe locale. Il était lui aussi l'unique champion mondial de l'entreprise. Dans le temps, on ne savait même pas que Lucian Bute existait. Le coup avait fait très mal. Tellement qu'on s'était demandé si InterBox allait survivre à ce mauvais coup du sort. Coïncidence ou pas, Hans Muhlegg a largué la compagnie un an plus tard.

Yvon Michel ne croit pas qu'on puisse établir un lien entre les défaites crève-coeur de Lucas et de Pascal. Il a sans doute raison. Le décor de la boxe a beaucoup changé au Québec depuis que Lucas s'est fait ravir par Markus Beyer un titre qu'il aurait dû conserver. Il y a maintenant deux entreprises de boxe compétentes à Montréal, deux promoteurs qui marquent de plus en plus de points à l'étranger, GYM et InterBox.

«Si nous étions déçus ce soir-là, ce n'était pas pour une raison d'affaires, explique Michel. C'était purement émotif. Nous avions travaillé fort pour bâtir un grand événement et nous étions convaincus que Jean avait ce qu'il fallait pour disposer de Hopkins. Nous n'étions pas du tout inquiets pour l'avenir de l'entreprise parce que nous savions ce qui s'en venait. Nous avions un contrat clair en poche avec HBO. C'était très différent de ce qui s'était passé avec Lucas en Allemagne. Dans le temps, InterBox se finançait grâce au bon vouloir et au carnet de chèques de Hans Muhlegg.»

C'est assez évident que GYM ne piquera pas du nez après avoir perdu son champion du monde. Ce n'est pas une entreprise riche, mais pour utiliser une expression de Michel, il y a longtemps que ses finances sont passées du rouge au bleu. La compagnie, qui était financièrement solide avant le dernier combat Pascal-Hopkins, a fait un intéressant coup d'argent qui l'a sécurisée un peu plus le 21 mai.

«C'est sûr que nous aurions progressé davantage si Jean avait gagné. Il a commis certaines erreurs qui vont lui permettre de faire des ajustements et de devenir un boxeur plus complet. Malgré tout, les gens de HBO nous ont dit qu'ils appréciaient Pascal et notre organisation.

Nous avons d'ailleurs des plans à long terme avec eux. Sur le plan des affaires, nous ne sommes pas à la merci des prochains combats. Ça fait déjà un bon moment que nous avons tourné le coin. Une équipe qui perd le septième match de la coupe Stanley n'est pas en reconstruction l'automne suivant. Quand on subit un revers, il faut continuer d'aller de l'avant», ajoute-t-il.

GYM ne s'est pas accrochée uniquement à son boxeur étoile. La compagnie investit dans les années à venir en organisant divers événements qui lui permettent de faire connaître des boxeurs de talent qui pourraient la mener loin. On pense à David Lemieux, à Antonin Décarie, à Kevin Bizier, à Troy Ross, à Elieder Alvaraz et à Oscar Rivas. Et Pascal, qui a déjà pas mal de vécu, n'a que 28 ans.

HBO a déjà fait savoir qu'elle présenterait le prochain combat de Pascal. À l'occasion du second combat contre Hopkins, GYM a tissé des liens étroits avec cet important réseau de télé.

«Il y a deux ans, j'avais passé la soirée aux côtés de Russ Greenberg (président de HBO) qui n'avait pas la moindre idée qui j'étais, rappelle Michel. J'ai assisté au dernier gala en sa compagnie. Il a vu Bizier, Alavarez et Rivas à l'oeuvre. Il sait qu'on a aussi Lemieux dans nos rangs et il a compris que Jean Pascal n'est pas un accident de parcours.»

Michel précise qu'il a également établi une bonne relation avec le groupe Golden Boy. Ils auraient d'ailleurs prévu de réaliser certaines choses ensemble à l'automne.

Redevenir champion

Chez GYM, on ne doute pas une seconde que Pascal redeviendra champion du monde dans un proche avenir, et ce, même s'il doit changer d'association pour y arriver. Il va bientôt reprendre l'entraînement de façon à viser un titre en décembre.

Hopkins doit d'abord affronter Chad Dawson. Pascal pourrait affronter le gagnant de ce combat, mais cette bataille pourrait difficilement avoir lieu avant 2012. Pour aller au plus pressant, on pourrait regarder du côté de la WBA ou de l'IBF. On parle déjà d'un combat contre le champion de l'IBF, Tavoris Cloud, mais il faudra voir ce qui se passera le 25 juin quand Cloud défendra son titre contre un aspirant obligatoire, Yusaf Mack. On pourrait aussi se tourner du côté de Beibut Shumanov, le champion de la WBA.

Si le combat contre Cloud se matérialise et que Pascal le gagne, il se battra ensuite contre le gagnant du combat Hopkins-Dawson dans une tentative pour unifier les deux titres.

«Jean est l'un des trois meilleurs boxeurs d'une division dans laquelle HBO a décidé d'investir et qui est dominée par Hopkins, Dawson, Cloud, Shumanov et Pascal. Le réseau a aussi l'intention d'aller chercher Bute, Carl Froch et Andre Ward pour les amener chez les mi-lourds, ce qui pourrait donner naissance à l'une des divisions les plus importantes de la boxe», conclut Michel.

Avec Bute, champion de l'IBF, et avec Pascal, qui tentera de retourner au sommet, la boxe montréalaise se porte encore fort bien.