Que s’est-il passé d’important un 11 février?

En 1932 est né l’ex-commentateur de Radio-Canada Lionel Duval.
En 1969 Gilles Tremblay a disputé son dernier match avec le Canadien.
En 1979 Fernand Marcotte perdait par K.-O. technique/8 contre Sugar Ray Leonard.
En 1990 Mike Tyson perdait son titre mondial des lourds en subissant un revers par K.-O./10 contre James Buster Douglas.

Eh oui, c’était un dimanche de février et plus de 30 000 personnes avaient envahi le Tokyo Dome, au Japon, pour voir Iron Mike Tyson défendre sa couronne et assommer James Buster Douglas après à peine quelques secondes. Une couple de crochets et un uppercut feraient le travail aisément.

Pourquoi une victoire aussi facile et aussi rapide pour Tyson? Parce que les experts, qui connaissent tous les secrets de la boxe, avaient établi l’enfant terrible favori pour l’emporter par 42 contre 1.

Tu gages cent dollars sur James Buster Douglas et tu retournes chez toi avec 4 200 belles piastres dans tes poches. Le calcul est aussi facile que cela.

Comble de malheur pour les preneurs aux livres, Douglas a bel et bien gagné ce match et lui-même peine à expliquer encore aujourd’hui pourquoi et comment c’est arrivé.

Quant aux experts, ils tentent toujours d’expliquer pourquoi Mike Tyson s’est étendu de tout son long sur le tapis du ring, sonné, assommé comme s’il avait été frappé par un camion dix roues.

Vingt-cinq ans plus tard, je pense que l’enquête est toujours ouverte pour connaître les vraies raisons de ce revers du méchant Iron Mike. Et pourtant, avant même la tenue du combat, on voyait des signes de détresse chez Tyson.

Son entraînement avait grandement laissé à désirer. Il avait fait la fête plus souvent qu’à son tour. Ses exploits sexuels étaient devenus monnaie courante auprès de son groupe intime.

Ce qu’on avait oublié de juger convenablement, c’était la situation précaire de Douglas. C’était un bon boxeur, mais une sorte de faire-valoir sans plus. En somme, ce devait être un partenaire d’entraînement pour Iron Mike, dont l’ineffable Don King, son gérant d’affaires, avait bâclé un combat de championnat contre Evander Holyfield. Pour King, l’affaire était bâclée. Son poulain ferait quelques rounds, enverrait Douglas au pays des rêves, empocherait plusieurs milliers de dollars, reviendrait aux États-Unis et se remettrait à l’entraînement pour finalement se mesurer à Holyfield.

Chez Douglas. Ce n’était pas aussi simple. Sa mère, la seule personne sur cette basse terre à croire que son fils battrait Mike Tyson, était décédée trois semaines plus tôt. Son épouse l’avait laissé et la mère de son enfant venait d’apprendre qu’elle souffrait de leucémie. Disons qu’il n’avait absolument rien à perdre.

Sa fiche ressemblait à bien d’autres qui, comme lui, tentaient de gagner leur vie avec leurs poings. Étant passé chez les pros en 1981, Douglas présentait une fiche de 29-3-1 (19 K.-O.). Mais ses trois revers étaient survenus à la suite de trois K.-O. aux mains de David Bey, Mike White et Tony Tucker, trois pugilistes de deuxième ordre.

Pour Mike Tyson, c’était tout le contraire. Il avait remporté la victoire dans ses 37 combats dont 33 s’étaient terminés par K.-O., la plupart extrêmement violents.

Don King agitait son drapeau

Pour ajouter l’insulte à l’injure, Don King avait convoqué une conférence de presse le jour précédant le match pour donner plus de détails sur le combat de championnat que devait livrer Iron Mike face à Evander Holyfield. Douglas n’a pas dit un traitre mot, il n’a rien laissé voir. Il a tout pris, mais dans sa tête, il notait tout ce qui se passait autour de lui. On le traitait comme un simple faire-valoir, lui dont la mère croyait fermement qu’il pouvait battre Tyson et lui ravir sa ceinture de champion.

Le journaliste Ed Schuyler, de l’Associated Press en raconte une bien bonne concernant l’issue de la rencontre. En passant les douanes américaines avant de s’envoler vers Tokyo, pour couvrir le déroulement du combat, un agent des douanes lui a demandé pendant combien de temps il travaillerait au Japon. « Oh, environ 90 secondes… », lui avait répondu Schuyler.

Le combat lui-même a été fort intéressant. Dès le début, on voyait que Tyson n’était pas trop dans son assiette pendant que Douglas livrait la bataille de sa vie.

C'était prévu

Ce qui devait arriver arriva au huitième engagement quand soudainement un uppercut de la droite terrassa Douglas pour le compte de huit. C’est là que la voix de sa mère résonna dans sa tête. « Tu vas battre Tyson », répétait-elle.

Douglas se releva du tapis et reprit le combat. Si bien qu’il remporta les honneurs du neuvième engagement et le dixième, c’était la consternation dans la foule. Mike Tyson était au tapis à la suite d'une série de coups qui prit fin par un foudroyant crochet de la gauche.

L’arbitre Octavio Meyran aida Tyson à se relever, lui qui tentait toujours de replacer son protecteur buccal dans sa bouche. C’en était fini de la fiche vierge de 37 victoires d’Iron Mike.

Douglas n’en revenait pas. Il était champion. Sa mère avait vu juste. C’est lui et non Tyson qui serait le prochain rival d'Evander Holyfield.

Don King a voulu intenter un protêt sur l’issue de la rencontre, prétextant que l’arbitre avait mis trop de temps pour compter les secondes règlementaires lors de la chute au tapis de Douglas au huitième engagement. Ce protêt n’a jamais été plus loin et Douglas pouvait porter la couronne mondiale avec fierté. Il venait d’écrire une page d’histoire en faisant subir à Tyson sa première défaite.

Malheureusement pour lui, le règne de champion n’a duré que 256 jours. Le 25 octobre 1990, au Casino Mirage de Las Vegas, Douglas s’écrasait de tout son long au troisième engagement sur une série de coups lancés par Holyfield. Mais au moins, cette fois, il aurait assez d’argent pour le reste de ses jours. Même dans la défaite, Douglas a touché la jolie somme de 25 millions de dollars, soit la plus haute bourse jamais remise à un boxeur jusque-là. Après impôt, c’était pas moins de sept millions dans ses poches.

Coma diabétique

Douglas décida de se retirer de la boxe après cette défaite. Il se paya quelques gâteries si bien que son poids grimpa jusqu’à 400 livres, sur sa charpente de 6’4’’. Il faillit mourir des suites d’un coma diabétique et fut transporté d’urgence à l’hôpital. Après sa sortie du centre hospitalier, il a fini par comprendre qu’il devait prendre soin de sa santé.

Il parvint à réduire son poids de 150 livres.

Il a donc décidé de revenir à la compétition. Il fit assez bien en gagnant six combats de suite avant de se faire assommer dès le premier engagement par Lou Savarese. Il avait alors 38 ans.

Il livra deux autres combats et remporta la victoire par K.-O./1 chaque fois, mais c’était le temps de quitter la boxe à tout jamais.

On a toujours dit de James Buster Douglas qu’il était un bon boxeur. Mais il aurait pu être un bien meilleur pugiliste si seulement il avait mis un peu plus d’ardeur au travail.

Aujourd’hui, Tyson et lui mènent des vies totalement différentes. Iron Mike a tenté sa chance comme promoteur et il est aussi un raconteur hors pair sur le circuit des comiques.

Douglas, lui, mène une vie bien tranquille avec son épouse Bertha et ses quatre fils, dans une ville agricole en banlieue de Columbus, dans l’Ohio. Il est âgé de 54 ans, et cinq jours par semaine il se rend au centre récréatif pour y enseigner la boxe à des jeunes. Il s’occupe de plusieurs œuvres de charité et jusqu’ici, sa présence et son dévouement ont permis d’amasser plus de 500 000 dollars.

Bonne boxe!