C’est un débat qui revient incessamment dans l’actualité de la Formule 1. Les consignes d’équipes ont toujours été très controversées, et cette fois, c’est Mercedes qui se retrouve en plein cœur du débat après avoir ordonné à Valtteri Bottas de laisser passer Lewis Hamilton pour la victoire en Russie.

 

Plusieurs personnes ont été choquées et déçues de la décision de Mercedes. On peut les comprendre. Comme vous, je suis un grand amateur de Formule 1, et comme vous, je n’ai pas mis mon alarme à six heures trente dimanche matin pour regarder ce genre de dénouement. On préfère toujours des bagarres en pistes, surtout entre coéquipiers. On veut que le meilleur pilote gagne. Le meilleur pilote, en Russie, c’était Valtteri Bottas. Nous sommes tous en accord sur ce point. Depuis dimanche, plusieurs personnes de mon entourage m’ont posé plusieurs questions sur ce qui s’est passé. Je vais donc en énumérer quelques-unes.

 

Premièrement, celle qui m’a été posée le plus souvent : Était-ce nécessaire? Est-ce que Mercedes a créé une polémique pour finalement pas grand-chose?

 

Évidemment, nous allons avoir la réponse à cette question seulement en fin de saison, mais regardons les chiffres un peu. Avec cette victoire, Lewis Hamilton a présentement 50 points d’avance sur Sebastian Vettel avec cinq Grands Prix à faire. Comme une victoire vaut 25 points, il reste donc encore 125 points à aller chercher pour Vettel. Même si son recul est considérable, l’Allemand peut donc toujours croire au titre mondial.

 

Sauf qu’Hamilton se trouve vraiment dans le siège du conducteur. Si Vettel remporte toutes les courses d’ici la fin de la saison et qu’Hamilton termine 2e, le Britannique remportera le championnat par 15 points. S’il était resté derrière Bottas, sa marge de manœuvre serait de huit points.

 

Le scénario catastrophe pour Hamilton, ce sont les abandons. Présentement, Hamilton peut se permettre deux abandons, et même si Vettel remporte ces deux courses, ils seraient toujours à égalité. Sans les consignes en Russie, Hamilton aurait sept points de retard sur Vettel si un tel scénario se produisait. C’est là que ces points pourraient valoir leur pesant d’or.

 

Cependant, la probabilité de voir Hamilton abandonner deux fois lors des cinq derniers Grands Prix de la saison est plutôt mince puisqu’Hamilton n’a pas rallié l’arrivée seulement deux fois... lors de ses 52 derniers Grands Prix!

 

Alors, nécessaire ou non? Au rythme où vont les choses, la réponse sera probablement non. Lewis Hamilton devrait être en mesure de remporter le titre par plus de sept points. Mais qui peut vraiment prédire l’avenir? Même si les chances de Vettel sont de moins en moins grandes, il est toujours menaçant.

 

D’ailleurs, le patron de Mercedes, Toto Wolff, a admis, après la course, qu’il aimait mieux passer pour le méchant en Russie que pour un idiot à Abou Dhabi, parce que Mercedes aurait échappé un titre mondial qu’elle aurait tenu pour acquis.

 

C’est là tout le débat, et c’est pour ça que la décision de Mercedes ne m’a ni choqué ni surpris. En fait, j’aurais plutôt été étonné du contraire.

 

Si vous étiez à la place de Wolff, demandez-vous sincèrement ce que vous auriez fait. N’oubliez pas que votre travail est évalué et repose principalement sur les titres mondiaux que vous remportez. Votre mandat, c’est de gagner le championnat.  Alors, dans le dernier tiers de la saison, vous privilégiez le pilote qui peut vous permettre d’atteindre votre objectif, non? Poser la question, c’est y répondre. Pour moi, c’était la décision à prendre chez les Flèches d’argent.

 

Pourquoi ne pas avoir redonné la place à Bottas?

 

Autre question qu’on m’a posée, pourquoi Mercedes n’a pas redonné la place à Valtteri Bottas quand ce dernier l’a demandé en fin d’épreuve ?

 

En fait, la véritable question est plutôt pourquoi Bottas l’a demandé à la base. Clairement, le Finlandais n’était pas totalement au courant de la situation et de ce que voulait faire Mercedes. C’est là tout le problème de ce qui s’est passé cette fin de semaine. C’est là que Mercedes a très mal paru. Pourquoi cette question n’a pas été discutée et réglée avant même le départ? C’était évident, avec Bottas qui partait premier et Hamilton deuxième, que ce scénario était à considérer. Avait-on promis autre chose à Bottas? J’ose espérer que non. Si Mercedes décide d’aller dans la direction des consignes d’équipe, elle doit à tout de moins l’assumer et s’assurer que Bottas comprenne son rôle.

 

C’est vrai que l’an dernier, en Hongrie, Bottas avait aussi laissé passer son coéquipier afin qu’Hamilton tente de dépasser Kimi Räikkönen, ce qu’il n’avait pas été en mesure de faire. À ce moment, Hamilton avait alors laissé Bottas repasser devant lui. Hamilton avait ainsi renoncé à trois points alors que la course au titre, à ce moment, était encore plus serrée que présentement.

 

Toutefois, la situation reste bien différente. Pourquoi? Parce que Bottas, après le Grand Prix de Hongrie l’an dernier, possédait seulement 19 points de retard sur Hamilton avec encore neuf Grands Prix à faire. Bref, Bottas était encore bien impliqué dans la course au titre! Il pouvait encore y croire, et c’est pour cela que favoriser Hamilton aurait été, selon moi, bien plus discutable.

 

Présentement, Bottas détient un retard de 117 points avec cinq courses à faire. La différence est là. C’est bien plus légitime de favoriser Hamilton présentement qu’en Hongrie l’an dernier.

 

Quoi faire pour éviter les consignes d’équipe?

 

On arrive donc à une impasse, où les consignes d’équipes deviennent un élément stratégique logique pour les équipes en fin de saison, mais représentent l’un des principaux désagréments pour les partisans qui veulent assister à un bien meilleur spectacle. Alors, qu’est-ce que la Fédération internationale de l’automobile (FIA) peut faire pour enrayer ces stratégies?

 

Malheureusement, il n’y a pas vraiment de solutions miracles. La Formule 1, même si cela peut paraître un peu étrange en raison de l’importance qu’on accorde au championnat des pilotes, demeure un sport d’équipe. Les Ferrari, Mercedes, Red Bull et autres investissent des centaines de millions de dollars en tant que constructeurs et ils s’attendent à ce que les personnes en place fassent tout pour assurer le bien de l’équipe. Les consignes d’équipe font partie du sport automobile depuis les tous débuts de la discipline.

 

L’événement qui a le plus marqué l’imaginaire des amateurs, c’est bien sûr le Grand Prix d’Autriche de 2002. Rubens Barrichello avait alors sauté sur les freins à quelques mètres seulement de l’arrivée pour donner la victoire à son coéquipier Michael Schumacher. Ce qui rendait la manœuvre encore plus décevante, c’est que l’épreuve en Autriche était la sixième d’une saison qui en comptait 17. Bref, ce n’était pas dans les dernières courses alors que la lutte est serrée... Nous n’étions qu’au tiers de la saison!

 

À la fin de la saison 2002, la FIA a interdit officiellement les consignes d’équipe, sauf qu’il est très difficile de les enrayer totalement. Les équipes ont alors simplement modifié leur façon de les communiquer. On se souvient de la fameuse communication de Ferrari à Felipe Massa en Allemagne. On avait alors dit à Massa : « Fernando (Alonso) est plus rapide que toi, confirmes-nous avoir bien reçu le message. » Ce n’était pas un ordre précis, seulement un « fait », mais tout le monde avait compris le message. D’autres sont même allés plus loin, comme Renault, à Singapour en 2008. L’écurie avait alors demandé à Nelson Piquet Jr de frapper volontairement le mur pour provoquer la sortie de la voiture de sécurité, et ainsi, favoriser son coéquipier Fernando Alonso. C’est devenu l’un des plus grands scandales de tricherie de l’histoire de la Formule 1.

 

Après la saison 2010 (l’année de la communication de Ferrari à Massa), la FIA a retiré sa règle sur les consignes d’équipes, réalisant qu’à la fin, elle n’avait que bien peu de pouvoir pour empêcher les équipes de favoriser un pilote. Et c’est toujours là où nous en sommes...

 

Ça reste donc toujours une situation décevante pour les amateurs, voire frustrante, surtout lorsque vous payer beaucoup d’argent pour assister à une course. Sauf que pour les équipes, c’est une décision qui s’impose et qui risque de faire partie des stratégies encore longtemps. Même Sebastian Vettel s’est porté à la défense de Mercedes après la course, estimant que « dans la position actuelle de Mercedes, ce qu’elle a fait était une évidence ».

 

Espérons toutefois un dénouement différent cette fin de semaine et davantage de spectacle au Japon. Mercedes a remporté toutes les courses sur le circuit très technique de Suzuka depuis l’arrivée des moteurs hybrides en 2014.

 

Pour suivre le Grand Prix en direct sur les ondes de RDS, il faudra être debout en pleine nuit. La séance de qualifications sera présentée à 1 h 45 dans la nuit de vendredi à samedi et la course à minuit trente dans la nuit de samedi à dimanche.

 

Pour ceux qui préfèrent attendre au matin, les rediffusions seront à 7 h 15 samedi matin et à 7 h 30 dimanche.