Le Grand Prix de Monaco a été fidèle à lui-même. On a eu droit à une séance de qualification dramatique avec une position de tête inattendue de Charles Leclerc, puis une touche de controverse avec son contact dans le mur qui venait empêcher ses poursuivants de compléter leur deuxième tour rapide.

 

Puis, en course, les dépassements ont été rares et Max Verstappen a dominé chaque tour de l’épreuve, en route non seulement vers la victoire, mais surtout, vers le premier rang du classement des pilotes.

 

Mais, sur ce circuit où les pilotes doivent vraiment se sentir en confiance avec leur monoplace, on a pu voir que certains peinent à trouver leurs repères. Dans la Formule 1 moderne, une qualité devient de plus en plus importante pour les pilotes... celle de s’adapter le plus rapidement possible.

 

Mais où est donc Danny Ric?

 

Vous m’avez sans doute vu venir, je pense évidemment à Daniel Ricciardo, qui a connu une fin de semaine des plus compliquées. C’était peut-être même l’une des images marquantes du Grand Prix. Celle de l’Australien, dépassé par son coéquipier qui lui prend un tour, avec, en prime, un petit geste de la main de Lando Norris au passage.

 

Bon, mettons quelque chose au clair dès maintenant. Si certains ont pu interpréter le geste de Norris comme étant une petite pointe à son coéquipier, Norris a tenu à préciser qu’il s’agit d’un geste qu’il fait souvent lorsqu’un retardataire libère le chemin devant lui, une sorte de remerciement pour ne pas avoir causé d’ennuis. Voilà pour la précision.

 

Mais revenons à Ricciardo, qui connaît en début de saison en demi-teinte en comparaison à son coéquipier. Ce n’est pas une catastrophe. Ricciardo a inscrit des points lors des quatre premières courses de la saison avant Monaco et figure au huitième rang au classement des pilotes.

 

Le problème, c’est que Norris démontre que la McLaren a un potentiel bien plus grand. En cinq courses, Norris a déjà amassé deux podiums et quatre top-5, ce que Ricciardo n’a toujours pas été en mesure de faire. Le Britannique est d’ailleurs troisième au classement, devant la Mercedes de Valtteri Bottas, et a amassé plus du double des points de son coéquipier (56 pour Norris contre 24 pour Ricciardo).

 

L’Australien ne s’en cache d’ailleurs pas et prend sa part de responsabilités. À Monaco, il a avoué que sa voiture avait des réglages similaires à ceux de Norris et que ce n’est donc pas la voiture qui a fait la différence entre la 3e place de son coéquipier et sa 12e position.

 

Alors, qu’est-ce qui explique les difficultés de Danny Ric à s’adapter?

 

Tout d’abord, on peut noter que les essais hivernaux ont été les plus courts depuis longtemps cette saison, ce qui a empêché Ricciardo de rouler autant qu’il l’aurait souhaité.  En effet, les équipes ne disposaient que de trois jours d’essais hivernaux, donc une journée et demie par pilote, comparativement à six en 2020 et huit en 2019. 

 

D’ailleurs, dès ces essais, Ricciardo expliquait que le freinage de la McLaren était différent de ce qu’il avait connu ailleurs, et qu’il aurait besoin de temps afin de bien comprendre toutes ses subtilités. Quelques jours d’essais supplémentaires n’auraient certainement pas fait de mal.

 

Parlant de freinage, cela nous amène au style de pilotage de l’Australien. Au fil des ans, chez Red Bull comme chez Renault, Ricciardo a toujours eu la réputation d’être le maître des freinages tardifs, surtout pour réussir des dépassements. Pour être aussi précis et calculer aussi efficacement les distances de freinages, il ne fait aucun doute qu’il doit connaître la voiture par cœur. Tant qu’il n’arrive pas à connaître clairement les limites de sa voiture, il sera difficile pour lui d’exploiter l’une de ses plus grandes forces.

 

Andreas Seidl, le directeur de l’écurie McLaren, a également indiqué que son style de pilotage ne convenait peut-être pas à la voiture actuelle. Seidl a expliqué, dans des propos recueillis sur le site officiel de la Formule 1, que « pour être rapide avec notre voiture présentement, vous avez besoin d’un style de pilote spécial qui n’est pas naturel pour Ricciardo. C’est pourquoi c’est difficile pour lui de réaliser de bons tours et d’extraire la performance de la voiture ».

 

Bref, on comprend bien que Ricciardo devra continuer d’apprendre à connaître nouvelle voiture, mais McLaren doit aussi faire le chemin inverse. Sans tout changer puisque la voiture démontre beaucoup de potentiel, l’écurie doit aussi comprendre ce qu’elle peut faire, notamment en termes de réglage, pour aider le vétéran.

 

Finalement, il faut aussi noter qu’une situation similaire s’est produite pour Ricciardo en 2019, lors de son arrivée chez Renault. L’Australien avait aussi fait face à des débuts compliqués, avant de vraiment retrouver ses repères lors de sa deuxième saison. Chaque pilote à ses forces et faiblesses, et Ricciardo a peut-être besoin d’un peu plus de temps que d’autres pour vraiment pouvoir exploiter une nouvelle voiture.

 

Comment se compare-t-il aux autres?

 

Et justement, Ricciardo n’est pas le seul pilote d’expérience à se retrouver au sein d’une nouvelle équipe cette saison, ce qui nous permet de dresser des comparatifs. Quatre autres pilotes vivent une situation similaire cette année, soit Sergio Perez, Sebastian Vettel, Fernando Alonso et Carlos Sainz.

 

Ce dont on s’aperçoit, c’est que dans tous les cas, ces pilotes ont eu des débuts de saison un peu plus difficiles que leur coéquipier qui était déjà au sein de l’écurie avant eux. Par contre, on remarque aussi que plusieurs semblent en train de retrouver leurs repères, notamment à Monaco.

 

Carlos Sainz a frappé un grand coup dans les rues de la principauté avec une deuxième place, soit le premier podium de Ferrari cette saison. Cette 2e place, combinée à l’abandon avant même le départ de Charles Leclerc, a permis à l’Espagnol de s’approcher à seulement deux points de Leclerc au classement.

 

C’était cependant la 1re fois de la saison que Sainz obtenait un meilleur résultat en course que Leclerc (puisqu’il n’a pas pris le départ). En cinq courses, Sainz a également battu son coéquipier une fois en qualifications.

 

Chez Aston Martin, la cinquième place de Sebastian Vettel à Monaco lui a permis de devancer Lance Stroll au classement avec dix points contre neuf pour le Canadien.


Il s’agissait cependant de la première vraie bonne course de Vettel au sein de sa nouvelle écurie. Stroll a été plus constant, avec trois courses dans les points, contre une pour Vettel. En qualifications, Stroll a battu l’Allemand trois fois depuis le début de la saison, mais on sent que le quadruple champion du monde est de plus en plus menaçant au volant de sa voiture verte.

 

Chez Alpine, Fernando Alonso aussi peine à s’adapter, quoique dans son cas, la marche est encore plus grande en raison de son absence de la Formule 1 en 2019 et 2020. Reste que le double champion du monde n’a toujours pas fait mieux qu’Esteban Ocon en course et a battu le Français une fois en qualifications, lors de la première course de la saison, à Bahreïn. Il avait toutefois dû abandonner le lendemain en raison d’ennuis avec ses freins.

 

Et finalement, chez Red Bull, Sergio Perez a le très lourd mandat d’être le coéquipier de Max Verstappen, mais il reste qu’il peut tirer un peu plus de sa Red Bull. Alors que Verstappen a terminé toutes les courses premier ou deuxième, Perez est encore à la recherche de son premier podium avec Red Bull. Le Mexicain avait été impressionnant en qualifications à Imola, mais la pluie lui avait causé toutes sortes de problèmes en course.

 

Bref, ce n’est pas que ces pilotes ne font pas bien, au contraire. Mais ils démontrent bien que l’arrivée au sein d’une nouvelle écurie est souvent bien loin d’un long fleuve tranquille. Il faut s’adapter à une nouvelle voiture, un nouvel environnement, de nouveaux collègues... et cela peut prendre du temps, surtout avec des essais hivernaux écourtés à trois jours.

 

C’est pourquoi je ne crois pas qu’il faille trop s’inquiéter pour Daniel Ricciardo... comme pour les quatre autres, d’ailleurs. Ricciardo a démontré lors de sa deuxième saison avec Renault à quel point il peut être un bon leader et aider une équipe à progresser, permettant notamment à Renault de récolter ses premiers podiums depuis son retour.

 

Je demeure convaincu que Ricciardo retrouvera ses repères, comme chez Renault. La vraie question, c’est plutôt de savoir quand cela arrivera et combien de temps il faudra attendre afin de retrouver le Daniel Ricciardo agressif et spectaculaire qu’on connaît.

 

Le plus tôt sera le mieux, car pendant ce temps, Norris est bien lancé et continue de s’établir comme le pilote numéro 1 au sein de l’écurie britannique. Et surtout, parce que la bataille entre Ferrari et McLaren pour le troisième rang s’annonce des plus féroces et que Sainz, lui, est de plus en plus rapide avec la Scuderia.