S’il y a un débat qui n’arrête jamais en Formule 1, c’est bien celui des consignes d’équipe. Décriées par les partisans, utilisées parfois à outrance par les écuries, ces consignes sont loin de faire l’unanimité, mais elles font partie du sport automobile depuis la naissance de la discipline.

 

Ce n’est pas la première fois que j’écris sur cette pratique controversée. L’an dernier, j’avais défendu Mercedes d’avoir demandé à Valtteri Bottas de laisser passer Lewis Hamilton en Russie. J’avais aussi reproché à Ferrari de ne pas avoir favorisé Vettel lors des qualifications en Italie.

 

Par contre, cette fois, je trouve que Ferrari va trop loin depuis le début de la saison et il est grand temps que ça cesse.

 

Tout d’abord, établissons les faits, en commençant par le Grand Prix d’Australie. Ferrari arrive à Melbourne avec l’étiquette de favoris après des essais hivernaux encourageants. Sauf que ça ne se passe pas comme prévu. Les rouges sont lents, très loin du rythme des Mercedes. Sebastian Vettel roule quatrième devant Charles Leclerc, mais l’Allemand peine lors du dernier segment de la course et Leclerc le rattrape facilement. Le Monégasque demande alors à son équipe s’il peut tenter une manœuvre, ce qui est refusé. Leclerc demeure donc gentiment derrière Vettel et termine cinquième.

 

Je crois que la décision de Ferrari s’explique plutôt facilement. La fin de semaine avait été très difficile et Ferrari se devait de prendre les points et retourner au travail. Surtout, pour Ferrari en tant qu’équipe, il n’y avait rien à gagner. Leclerc était beaucoup trop loin de Max Verstappen pour le rejoindre, accusant plus de 30 secondes de retard sur la Red Bull à l’arrivée. Bref, pas de risques à prendre pour rien. De plus, Ferrari avait fait entrer Vettel au 14e tour pour installer des pneus médiums sur sa voiture, alors que Leclerc s’est arrêté au 28e tour pour mettre des pneus durs. Bref, c’était tout à fait normal que Vettel éprouve des difficultés avec ses pneus en fin de course.

 

On se dirige donc à Bahreïn. Cette fois, Leclerc fait les choses en grand en obtenant la position de tête. Toutefois, son départ lui fait perdre sa position aux dépens de Vettel, mais rapidement, il démontre qu’il est plus rapide que son coéquipier. Leclerc demande alors à Ferrari de le laisser passer devant afin de s’échapper davantage des Mercedes. On lui demande alors de rester derrière pour au moins deux tours. Un demi-tour plus tard, il fait à sa tête et dépasse Vettel. Il aurait ensuite gagné la course, n’eût été des problèmes mécaniques. Quant à Vettel, un tête-à-queue l’a relégué derrière Hamilton et Bottas.

 

Cette fois, il est plus difficile de juger, car on ne saura jamais quelles auraient été les directives de Ferrari une fois les deux tours terminés. Est-ce qu’on a donné à Vettel deux tours pour hausser le rythme, sinon, on lui aurait demandé de céder sa place? Ou est-ce que Ferrari tentait simplement d’acheter du temps pour le pilote allemand? Difficile à dire, et surtout, difficile de jeter le blâme ou non sur la Scuderia.

 

Arrive maintenant le Grand Prix de Chine. Là, les choses se gâtent. Cette fois, c’est Leclerc qui est 3e, devant son coéquipier. Devant, les Flèches d’argent commencent à prendre le large et Vettel croit qu’il peut aller plus rapidement. Ferrari n’hésite pas et demande à Leclerc de laisser le passage, et ce, même si ce dernier estime qu’il accentue l’écart avec Vettel.

 

Cette décision aurait été tout à fait acceptable et même logique si...

  1. Vettel va réellement plus vite et rattrape les Mercedes
  2. Ferrari exprime clairement aux deux pilotes que si Vettel ne remplit pas son mandat, il doit redonner sa place à Leclerc.

 

La deuxième condition n’est pas inédite. C’est une condition que les équipes imposent parfois dans un souci d’équité pour les pilotes. Même Lewis Hamilton a dû recéder sa place chez Mercedes lors d’un accord semblable avec Valtteri Bottas, en Hongrie en 2017. Hamilton s’était même forgé une avance de plus de cinq secondes sur Bottas, mais avait ralenti le rythme considérablement pour respecter l’entente.

 

C’est ce qui aurait dû se passer puisque non seulement Vettel n’a pas rattrapé les meneurs, mais en plus, des erreurs de pilotage ont accentué l’usure de ses pneus, finissant même par ralentir Leclerc derrière!

 

Surtout, la suite a été encore plus dommageable pour Leclerc. En effet, Ferrari a fait entrer Leclerc plus tard que Vettel lors des deux arrêts (18e et 35e tours pour Vettel, 22e et 42e tours pour Leclerc). Le résultat, c’est que Leclerc, devant rouler plus longtemps avec des pneus usés, a même perdu la quatrième place au profit de Max Verstappen, alors que Vettel montait sur le podium.

 

Pourquoi Ferrari a opté pour cette stratégie? Est-ce pour « séparer » ses deux pilotes, mettre un écart entre eux, afin de régler la question? Leclerc a aussi laissé entendre que Ferrari voulait qu’il retarde Bottas en demeurant en piste afin que Vettel puisse rattraper le pilote Mercedes. Bref, Ferrari aurait sacrifié la course de Leclerc pour tenter d’aider Vettel... ce qui n’a rien donné au bout du compte. Leclerc a cependant affirmé qu’il était d’accord avec cette stratégie, estimant qu’il était déjà trop loin de Verstappen pour le rattraper de toute façon, que sa course était déjà gâchée.

 

Surtout, c’est le portrait global qui fait mal paraître Ferrari. Après trois courses au sein de l’écurie, trois fois Leclerc a été du mauvais côté de consignes d’équipe. C’est quand même toute une moyenne au bâton. Quand est-ce que Ferrari va enfin laisser son pilote exprimer son talent? Qu’est-ce que Leclerc doit faire de plus pour convaincre ses patrons qu’il n’est pas seulement un numéro deux? C’est ce que la plupart des amateurs veulent voir. Leclerc est la sensation du moment. Il est au centre de toutes les discussions, on en oublie presque que Mercedes vient de réaliser le meilleur début de saison depuis 1992 avec trois doublés consécutifs.

 

Il est tout à fait normal que Sebastian Vettel soit le pilote numéro 1 de Ferrari. Après tout, Vettel est quatre fois champion du monde et son nombre de victoires (52) est plus du double que le nombre de départs de Leclerc (24). Même s’il traverse une période difficile, il ne faut pas croire que tout le talent de « Baby Schumi » est disparu en fumée.

 

Sauf que maintenant, Ferrari n’a plus une seule arme pour s’attaquer aux Mercedes. La Scuderia en a deux désormais… mais encore faut-il arrêter d’avoir peur de l’utiliser. Surtout que nous n’en sommes qu’en début de saison! Peut-on vraiment affirmer avec certitude qu’en automne, ce sera Vettel qui se bataillera avec les Mercedes? Ou est-ce que Ferrari pourrait se retrouver avec Leclerc devant, regrettant alors de lui avoir fait perdre des points en début de saison?

 

De plus, si Ferrari se cherche un pilote numéro deux qui est prêt à jouer le jeu d’équipe, et bien elle l’avait déjà en Kimi Räikkönen, mais la Scuderia lui a montré la porte de sortie. Pourquoi? Parce que les résultats de Räikkönen ne suivaient pas ceux de Vettel. On s’est alors tourné vers celui qui pourrait bien devenir la prochaine vedette de la Formule 1 et qui a autant de talent que d’ambition.

 

La Scuderia doit maintenant assumer cette décision. Il est grand temps de laisser Leclerc démontrer ce qu’il peut faire en piste. Démontrer s’il peut être plus efficace que Vettel à la régulière et avec constance. Il est aussi grand temps que Vettel prouve qu’il peut faire face à ce défi et se montrer à la hauteur. Si Vettel se retrouve avec 30 points d’avance sur Leclerc aux deux tiers de la saison, ce sera le moment pour Ferrari de tout miser sur son pilote numéro un. Entre temps, peut-on laisser Leclerc piloter? Peut-être que les amateurs, et Ferrari elle-même, seraient surpris des résultats.

 

La Formule 1 se donne maintenant rendez-vous en Azerbaïdjan, là où il y a toujours beaucoup d’action. D’ailleurs, est-ce que Racing Point pourra profiter de ce circuit pour obtenir de bons résultats? Chose certaine, l’écurie peut compter sur le duo de pilotes comptant le plus de podiums sur ce circuit! On se souvient bien sûr de la 3e place de Lance Stroll lors de sa première saison en Formule 1, en 2017. Quant à Sergio Perez, il est le seul pilote à avoir réussi deux podiums sur le circuit de Bakou!

Ce Grand Prix nous permet aussi de retrouver les heures normales de diffusion. Ainsi, vous pourrez suivre la séance de qualifications samedi matin à 8 h 45 et la course, dimanche, dès 7 h 30.