Le duel entre Lewis Hamilton et Nico Rosberg, redevenu cordial après une fin de saison 2014 tendue, a de nouveau tourné au vinaigre lors du GP de Shanghai, couronné d'un doublé de Mercedes, le 13e en 21 courses depuis la Malaisie l'an dernier.

Lors de ce GP de Chine qui lui avait souri en 2012 (position de tête et première victoire en F1), Rosberg a encore été battu, à la régulière, par un Hamilton au sommet de son art, vainqueur pour la quatrième fois en huit ans (2008, 2011, 2014, 2015) sur la piste chinoise.

Alors qu'il avait passé l'hiver à se refaire une santé mentale, le vice-champion du monde allemand a accusé son coéquipier anglais, publiquement, d'avoir volontairement ralenti, devant lui, pour que Sebastian Vettel (Ferrari) puisse le rattraper.

Mauvaise pioche, car Hamilton a répliqué aussi sec : « J'ai autre chose à faire que de m'occuper de gérer ta course », a dit en substance le double champion du monde. Il vient d'enchaîner dix podiums consécutifs en F1, la meilleure série de sa carrière, et a terminé la fin de semaine avec le coup du chapeau : position de tête, victoire et record du tour en course, égalant ainsi son idole Ayrton Senna.

Interrogé dimanche soir par Canal+, dont il est consultant, Alain Prost a apporté un éclairage singulier sur l'attitude de Rosberg, en piste. Selon le quadruple champion du monde français, en Malaisie, Rosberg avait peut-être tenté d'utiliser Vettel pour désavantager Hamilton.

Alors que le pilote Ferrari revenait sur lui, avec une stratégie décalée, il s'était écarté, permettant à Vettel de le doubler facilement, et donc d'avoir moins d'efforts à faire pour aller chercher Hamilton. C'était peut-être volontaire, selon Prost, et Vettel a gagné.

« Il sait que la Ferrari est bonne en course donc il peut utiliser cette stratégie de laisser Vettel aller se bagarrer contre Hamilton, et en profiter », souligne Prost, pour qui « on peut tout imaginer ».

Vettel comme Prost en 1986?

L'ancien grand rival de Senna, surnommé « Le Professeur » à l'époque de sa gloire, car il calculait tout et gérait beaucoup, ne trouve rien de répréhensible à de telles stratégies. « Ça fait partie de la course, car c'est aussi un sport individuel. »

En 1986, Prost a remporté son deuxième titre mondial en profitant de la lutte interne chez Williams, entre Nigel Mansell et Nelson Piquet. « Je suis bien placé pour le savoir. Quand deux pilotes se bagarrent et qu'il y a un troisième larron, même s'il est un peu moins bien, on ne sait jamais. »

Le troisième larron, en l’occurrence, est un sacré client. Vettel, déjà l'égal de Prost avec quatre titres, est sacrément bien armé cette saison : une motivation totale, relancée par son arrivée à Maranello, la deuxième meilleure monoplace du plateau 2015, c'est certain, et une Scuderia regonflée à bloc par trois podiums consécutifs et la 2e place provisoire de l'Allemand au championnat, devant Rosberg.

Vu l'intelligence de Vettel, pas seulement sur la piste, on peut s'attendre à ce qu'il fasse le maximum pour continuer à semer la zizanie chez Mercedes, par exemple en s'appuyant sur son compatriote Rosberg. Car il a très bien compris que le patron, c'est Hamilton, plus que jamais, et qu'il va être très dur à battre cette saison.

« Je n'ai jamais promis qu'on ferait des miracles », a dit le charismatique directeur de la Scuderia, Maurizio Arrivabene, dimanche soir à Shanghai. « Notre stratégie était de nous trouver le plus près possible des Mercedes, pour être en mesure de profiter de la moindre erreur de leur part. »

Il n'y a pas eu d'erreur mais la tension est remontée d'un cran, au sein de l'écurie Mercedes-AMG. Et la chaleur ambiante, en fin de semaine à Bahreïn, ne va rien arranger.