Ils sont nombreux les amateurs de F1 à avoir décrié la domination de Mercedes au cours des deux dernières années et le manque de variété qui en a découlé dans l’issue des Grands Prix. Ils n’ont pas tort, j’en conviens. Mais même s’il est permis de comprendre les doléances de ces amateurs, il faut aussi faire preuve d’objectivité et reconnaître que l’odieux de la situation n’a pas à être supporté par l’écurie championne et par le grand constructeur allemand. Pas entièrement du moins.

Quand la Fédération internationale de l’automobile a imposé cette nouvelle technologie ambitieuse au niveau des moteurs, forçant le développement et l’utilisation d’énergies alternatives à l’essence pour couvrir le tiers de chaque épreuve, elle a fait un pas en avant courageux, mais aussi entièrement conséquent avec la réalité de l’ère moderne. Elle savait alors que le développement des moteurs hybrides ne se ferait pas sans heurts, qu’il ne ferait pas l’unanimité sur plusieurs fronts, mais elle savait aussi qu’elle donnait ce mandat gigantesque à quelques-uns des plus grands constructeurs du monde. Dont un, Honda, qui y a vu une occasion en or de revenir en F1 et d’y trouver un énorme bénéfice technique et éventuellement commercial. Dont un autre, Renault, qui ne fut rien de moins que l’inventeur du moteur turbo dans les années 1970.

Si Mercedes fut la première à maîtriser à la fois le potentiel de performance de ces nouveaux moteurs en atteignant rapidement un très haut niveau de fiabilité, elle le doit à elle-même, point à la ligne! Elle n’a pas reçu de cadeaux de personne et elle a dû, comme les autres, partir d’une feuille vierge sur la planche à dessin. La société allemande possède les ressources pour y arriver, direz-vous? Oui, bien sûr, mais c’est vrai aussi pour Ferrari (Fiat), Renault et Honda. Je répète : on parle ici de géants de l’automobile qui peuvent se rabattre sur d’énormes moyens financiers et quantité de grands cerveaux, tout comme Mercedes. Cette dernière a simplement travaillé mieux que les autres, plus rapidement.

Par ailleurs, le mérite de l’écurie, comme telle, est tout aussi légitime que celui de la marque dans cette séquence heureuse. Pour gagner avec une telle constance, il faut être au niveau ultime dans toutes les facettes de la discipline et quand on y est, il faut aussi être en mesure de maintenir le cap. Or, il y a bien peu à redire sur la qualité exceptionnelle du travail d’ensemble fait autant à l’usine que sur les circuits. Le travail de développement, là où c’est permis, est incessant chez Mercedes et on cherche sans relâche à préparer la voiture en fonction de chaque circuit. Le déroulement d’un GP est orchestré avec une rigueur absolue et les rares moments de défaillance sont décortiqués rapidement et habilement pour trouver les correctifs nécessaires.

Bien sûr, il ne faut surtout pas oublier les deux pilotes dans l’équation. C’est trop facile de dire que Lewis Hamilton et Nico Rosberg sont simplement « des passagers » à bord de la meilleure voiture du plateau. Rappelons d’abord que l’écurie Mercedes a fait le vœu depuis longtemps de laisser ses deux pilotes rivaliser en piste, ce qui est loin de rendre la vie facile à l’un ou l’autre. Et s’ils en viennent à gagner avec autant de régularité, c’est aussi à cause de leur talent exceptionnel, talent qui se manifeste entre autres, par une faculté très relevée à éviter les erreurs.

Au fond, il est dommage que Nico Rosberg ait mis autant de temps à vraiment se mettre en marche en saison 2015. Depuis quelques courses, on le voit exploiter au maximum son potentiel, lui qui vient de remporter deux victoires de suite et décrocher 5 positions de tête consécutives. S’il avait pu être dans le coup tout au long de la saison, on parlerait peut-être aujourd’hui d’une saison excitante, qui aurait pu connaître son grand dénouement dans deux semaines, à Abou Dhabi. Qui sait, peut-être est-ce le prélude à ce qui s’annonce pour 2016.

Entre temps, il faut rendre hommage à l’écurie Mercedes et aux concepteurs de cette remarquable voiture. Elle pourrait fort bien s’inscrire parmi les plus belles œuvres de l’histoire de la Formule 1 !

Lance Stroll et la filière Williams

Ceux qui suivent de près le monde du sport automobile savent probablement qu’un jeune montréalais de 17 ans est en train de gravir les échelons menant tout droit vers la F1. Si vous n’êtes pas de ceux-là, retenez bien le nom de Lance Stroll.

Fils du richissime Lawrence Stroll, un Montréalais passionné de sport automobile, qui a fait fortune en exploitant et en développant commercialement de grandes marques mondiales comme Tommy Hilfiger et Michael Kors, entre autres, le jeune Stroll vient de terminer sa première saison en F3, au cœur du très relevé championnat européen. S’il fut brouillon dans la première portion de la saison, il s’est superbement ressaisi par la suite, remportant la dernière épreuve de la saison à Hockenheim et terminant 5e au classement des pilotes.

C’est par la filière Ferrari que l’on croyait voir le jeune homme se développer éventuellement vers la discipline reine. Son père, lui-même propriétaire de plusieurs joyaux historiques de la grande marque, avait d’ailleurs manifesté un intérêt sérieux d’acheter une partie de l’écurie Sauber, il y a quelques années, cette même écurie Sauber dont les monoplaces sont propulsés par des moteurs Ferrari.

Or, voilà que les échos recueillis dans les paddocks d’Interlagos, cette fin de semaine, font plutôt état de son entrée au sein de la filière…Williams! On parle d’abord d’un rôle de pilote de développement, qui s’accompagne de nombreuses restrictions sur le plan des essais, mais malgré tout, il s’agit d’un revirement de situation aussi intéressant qu’inattendu dans la perspective d’avenir du jeune homme.

En fait, il n’y a qu’un pas à franchir pour croire que son père pourrait dorénavant être fortement intéressé à acquérir une part de l’équité chez Williams. Si c’était vrai, il y aurait un double attrait pour nous. D’abord, celui d’avoir enfin un lien « affectif » direct avec l’univers de la F1, à deux niveaux plutôt qu’un. Mais aussi, à plus long terme, peut-être le retour d’une sorte de filière canadienne, qui n’existe plus depuis que les compagnies de tabac se sont vues interdire toutes formes de commandite.

Dossier fort intéressant à suivre au cours des prochaines semaines.