La F1 vit une grande révolution en 2014. De tous les changements techniques, il en est un qui va définir cette nouvelle ère de la F1 : le simple moteur n’existe plus, le groupe propulseur le remplace.

Pour les manufacturiers impliqués au Championnat du monde (Mercedes, Ferrari, Renault et Honda en 2015), la F1 doit représenter une partie de l’avenir de l’automobile. Et un moteur V8 ne remplissait pas ce mandat.

Par contre, un moteur plus petit et moins gourmand, utilisant des techniques modernes (récupération d’énergie) qui vont stimuler les départements de recherche et développement des manufacturiers, convient parfaitement.

Et tant qu’à modifier cet aspect majeur, la FIA (Fédération internationale de l’automobile) en a profité pour procéder à un large remaniement des règles gouvernant la Formule Un.

Dans une première chronique : les changements au règlement technique.

Règlement technique

Abandon du moteur V8 de 2400cc (775 ch) pour un groupe propulseur comprenant un V6 turbo 1600cc (600 ch) avec un double système de récupération d’énergie (160 ch au lieu des 80 ch du SREC de l’an passé).

Le puissant système de récupération d’énergie est composé de deux moteurs électriques : le MGT (moteur générateur thermique) qui récolte l’énergie au niveau des échappements, et le MGC (moteur générateur cinétique) qui récupère l’énergie cinétique au freinage. L’énergie électrique produite est stockée dans une batterie.

De plus, en 2014, la quantité d’essence embarquée est limitée à 100 kg (au lieu de 140 kg l’an passé, soit 30% de moins !) et le débit d’alimentation en carburant à 100 kg/h. Si la nature du circuit et les conditions de course permettent au pilote d’utiliser la pleine puissance du moteur pendant plus d’une heure, il n’y aura donc pas assez de carburant pour rallier l’arrivée.

C’est ici que l’énergie électrique entre en jeu. Les F1 de 2014 roulent certes avec de l’essence, mais également avec de l’électricité. Il devient alors primordial de trouver le bon équilibre entre les deux sources d’énergie pour optimiser la vitesse et réduire les temps au tour.

Comment cela va-t-il fonctionner en pratique? Les explications du motoriste Renault :

Lors d’une phase d’accélération (en ligne droite), le moteur V6 puise dans la réserve de carburant et le turbocompresseur tourne à la vitesse maximale de 100 000+ tr/min. Le MGT récupère une partie de l’énergie fournie par les gaz d’échappement à la turbine. Cette énergie est transmise au MGC (ou à la batterie si cette dernière a besoin d’être rechargée). Le MGC convertit à son tour cette puissance électrique en puissance mécanique qui, combinée à celle du moteur V6 auquel il est accouplé, permet de hausser le rythme ou d’économiser du carburant selon la stratégie choisie par le pilote.

Au bout de la ligne droite, le pilote lève le pied et freine pour prendre un virage. À cet instant, le MGC récupère l’énergie dissipée au freinage et la stocke dans la batterie. Durant la phase de freinage, la vitesse du turbocompresseur chute du fait de l’absence d’énergie à l’échappement, ce qui cause le principal désagrément du moteur turbocompressé : le temps de réponse. Ce phénomène intervient lorsque le pilote réaccélère, la combustion du carburant dans les chambres de combustion relance la production de gaz chauds à l’échappement qui fournissent l’énergie pour relancer le turbo, mais celui-ci a besoin d’un certain temps avant de retrouver sa vitesse de rotation maximale permettant au moteur de délivrer toute sa puissance. Pour éviter ce décalage en sortie de virage, la batterie fournit de l’énergie au MGT pour qu’il agisse ponctuellement comme un moteur afin de relancer instantanément le turbo à sa vitesse de rotation optimale et offrir au pilote une réponse immédiate lorsqu’il sollicite l’accélérateur.

L’équilibre entre la consommation de carburant, la récupération d’énergie et sa réutilisation sera géré électroniquement par les systèmes de contrôle. Le pilote pourra en ressentir les effets, mais son intervention ne sera, a priori, pas requise. Il pourra donc se concentrer sur sa course.

Il existe bien sûr des modes que le pilote peut actionner pour passer outre le système de gestion et prendre ainsi le contrôle (soit l’équivalent du bouton SREC des dernières années). C’est notamment le cas lorsqu’il souhaite obtenir la puissance maximale lors d’une manœuvre de dépassement. L’utilisation de ce mode dépend naturellement de la stratégie de course. En théorie, les pilotes peuvent l’activer autant de fois qu’ils le souhaitent. Cependant, s’ils consomment plus de carburant et plus d’énergie électrique, ils doivent ensuite patienter pour récupérer de l’énergie. Disposer de la puissance maximale pendant un ou deux tours est possible, mais, à long terme, une telle stratégie n’est pas viable.

Autre contrainte pour les motoristes : les pilotes n'auront plus le droit qu'à cinq groupes propulseurs pour toute la saison (contre huit moteurs auparavant).

Si un pilote doit utiliser un sixième groupe propulseur dans sa globalité, il devra prendre le départ de la course depuis la ligne des puits.

Mais qu’arrive-t-il si l’un des six éléments distincts du groupe propulseur brise?

- moteur à combustion interne (V6)

- MGC (récupération de l’énergie de freinage

- MGT (récupération énergie d’échappement)

- batterie

- turbocompresseur

- système de contrôle électronique

Lorsqu’un pilote utilisera un sixième exemplaire d’un des éléments ci-dessus, il écopera automatiquement d’une pénalité de 10 places sur la grille. Toute nouvelle utilisation d’un sixième exemplaire de l’une des autres pièces sera sanctionnée d’un recul de 5 places sur la grille.

Si un pilote souhaite utiliser un septième modèle d’un des éléments ci-dessus, un nouveau cycle s’ouvre et le pilote écopera d’une pénalité de 10 places. La deuxième fois qu’il aura recours à un septième exemplaire, il reculera de 5 places sur la grille. Et ainsi de suite.

Si la position du pilote sur la grille ne lui permet pas d’observer la pénalité reçue dans sa totalité, le restant s’appliquera lors de la course suivante. Toutefois, les pénalités restantes ne peuvent être reportées au-delà d’un Grand Prix.

On sait que Renault a éprouvé des difficultés avec son groupe propulseur lors des essais hivernaux. Un règlement pourra l’aider. Même si ledéveloppement des moteurs est gelé tout au long de la saison, des modifications sont autorisées pour traiter des problèmes de fiabilité.

Le régime moteur maximal a été abaissé de 18 000 à 15 000 tr/mn. Une limite que l’on n’atteindra probablement pas car le moteur fournit sa puissance maxi, en raison du débit d’essence limité à 100 kg/heure, à un régime d’environ 10 500 tr/mn.

Question : le son

Et le son, source d’inquiétude pour de nombreux amateurs? Ceux qui étaient aux essais hivernaux à Bahreïn nous disent de ne pas s‘inquiéter. Certes le son est plus sourd, moins strident, mais encore présent. À vérifier à Montréal!

Boîte de vitesses

Les boîtes de vitesses devront tenir six courses consécutives (contre cinq l'an dernier) et tout changement anticipé sera puni de cinq places.

La boîte aura 8 rapports de vitesses (contre 7 l’an passé).

Pourquoi ce changement? Pour limiter les coûts. L’an passé, les écuries pouvaient choisir, à chaque course, 7 rapports d’engrenage parmi une série de 30. Cette année, l’étagement des 8 vitesses est défini pour l’ensemble de la saison (avec un changement permis s’il y a eu une erreur).

Aérodynamique

Quelques mesures ont été adoptées pour ralentir l’accroissement incessant des appuis aérodynamiques qui collent les voitures au sol :

-  suppression des effets de soufflage des gaz d’échappement avec une sortie centrale et unique de l’échappement (disparition des échappements soufflants situés sur chaque ponton et utilisant l’effet Coanda)

-  aileron arrière : braquage maximal moins prononcé, disparition de l’élément inférieur transversal

-  réduction de la largeur de l’aileron avant (75 mm de chaque côté)

Pour des raisons de sécurité, le museau a été abaissé. La FIA veut ainsi éviter des accidents, tel celui de Mark Webber à Valence en 2010, alors que le museau surélevé de sa Red Bull avait touché un pneu arrière de la Lotus de Heikki Kovalainen, qui avait alors joué un rôle de rampe de lancement.

Au niveau des pieds, la hauteur du monocoque a été baissée de 100 mm. À l’extrémité de la structure d’absorption des chocs à l’avant, c’est un abaissement de 365 mm.

Il est intéressant de noter que les 11 écuries ont eu des approches différentes pour répondre à ce règlement, dans leur recherche du meilleur écoulement d’air autour de l’aileron avant et de ce museau surbaissé.

Certains sont en désaccord avec cette mesure. Le concepteur des Red Bull, Adrian Newey, croit qu’on vient de créer un autre danger : qu’une voiture ait tendance à s’encastrer sous une autre monoplace. Effectivement, on se demande ce qui pourrait se passer si une voiture venait heurter l’arrière d’une monoplace immobilisée sur la grille de départ…

DRS

Comme il y a moins d’appuis aérodynamiques à l’arrière (pas d’échappement soufflant, aileron arrière moins efficace), il a fallu bonifier le DRS (système de réduction de traînée) pour qu’il offre un rendement identique à l’an passé.

Lorsque le système sera actionné par le pilote, l’ouverture de la lame supérieure de l’aileron arrière sera maintenant de 65 mm (au lieu de 50 mm).

Freinage électronique

Le freinage sur les roues arrière est désormais commandé électroniquement, donc sans liaison mécanique entre la pédale et les étriers de freins.

La FIA permet un tel système parce que la récupération d’énergie cinétique sur les freins arrière en était venue à perturber le fonctionnement normal des freins, provoquant des à-coups qui rendaient la voiture difficile à contrôler. Ce système de contrôle électronique offre stabilité en freinage tout en permettant de maintenir la répartition optimum freins avant/arrière.

Poids

Pour compenser l’arrivée des systèmes de récupération d’énergie, le poids minimum des F1 a été augmenté de 642 à 691kg (48kg pour le groupe propulseur et 1 kg pour les pneus plus lourds de cette année).

Le problème, c’est que l’ensemble du groupe propulseur pèse quelque 80 kg de plus qu’un moteur V8. Les écuries ont eu de la difficulté à atteindre le poids minimum et devront probablement se passer de lest (ces poids qu’on place sur les monoplaces pour une meilleure répartition des masses).

Les pilotes sont encore affectés et ont dû se mettre au régime. De dire Adrian Sutil : « je n’ai pas beaucoup mangé durant le temps des Fêtes ».

Et cela continue d’handicaper les pilotes qui n’ont pas un gabarit de jockey (Nico Hülkenberg par exemple avec son 1,84 m et ses 74 kg).

Il y a eu un certain mouvement pour faire monter le poids minimum à 700 kg, mais en l’absence d’unanimité (impossible en F1 comme on le sait), cela ne se fera qu’en 2015.

Sécurité

Une nouvelle structure de résistance aux chocs a été imposée pour les côtés de la voiture.

Des LED sont situés sur l’arceau de sécurité pour indiquer que les systèmes de récupération d’énergie fonctionnent correctement (verts) ou pas (rouges).

Volant

Pas un règlement comme tel, mais les pilotes vont disposer de nouveaux volants cette saison, avec le retour des petits écrans comme on en a vu entre 1998 à 2001.

Voitures plus lentes?

Moins d’appuis aérodynamiques (10-15%), 49 kg de plus, les voitures seront-elles beaucoup plus lentes ?

Quelques esprits chagrins ont parlé de performances « dignes » d’une monoplace de GP2…

À l’origine, on s’attendait à une perte d’environ 2,5 secondes au tour. Sans inclure la performance amoindrie des pneus qui seront un peu plus durs cette saison.

Lors des tests hivernaux de Bahrein, le meilleur temps a été réalisé par Felipe Massa (Williams-Mercedes) avec 1m 33,258s. Soit à 0,928 de la position de tête de Nico Rosberg sur ce circuit en 2013. Pas mal du tout!

--  Fin --

Prochaine chronique cette semaine : les changements au règlements sportif