Aujourd’hui, Manuel Cabral sourit. Enfin, disons qu’il a dû apprendre à sourire. À 46 ans, on peut le considérer comme l’un des meilleurs coureurs au Québec. À la prononciation de son nom, vous vous doutez bien qu’il arrive d’un autre pays et qu’il n’a pas vu le jour en Abitibi !

 

Né aux Açores, ce petit archipel du Portugal logé au centre de l’Atlantique, là où le  commandant Piché a atterri son avion en catastrophe il y a quelques Manuel 3années, Miguel logeait non loin de l’aéroport. Retranché dans un petit local, pas de toilette où vivaient dix enfants dont deux paires de jumeaux et sa mère, dans une misère inacceptable. Il se retrouvait plus souvent à errer dans la rue. Sa mère tentait, à la sueur de son front, de ramener de l’argent pour sa famille, elle qui œuvrait dans une usine où l’on fabriquait des conserves de poissons.

 

Manuel n’a jamais connu son père, décédé alors qu’il n’avait que deux ans. Quelques années plus tard, il demandera à sa mère de lui expliquer les raisons de son décès. Il comprendra qu’il fumait, qu’il buvait et que par surcroît, il était asthmatique. À partir de ce moment, le jeune Manuel s’est juré que pour le reste de son existence, il allait éviter ces fléaux.

 

Durant l’adolescence, il se retrouve dans l’armée du pays, car c’est Manuel 1obligatoire. Il s’entraîne comme un forcené pendant près de deux ans. C’est à ce moment qu’il courra la distance d’un marathon en 2h19, ce qui deviendra sa meilleure marque personnelle. Homme d’un grand cœur, il a toujours ressenti ce désir d’aider les gens, apporter son soutien. Il commence à travailler dans un hôpital comme infirmier. Jusqu’au jour où il rencontre celle qui deviendra la femme de sa vie.

 

Native du Québec et en vacances aux Açores, elle veut absolument rentrer au pays. Manuel accepte. Or, cette décision se transformera en un choc émotif des plus violents. Les premières années vécues dans la belle province deviennent une période sombre de sa vie. Un vrai cauchemar. Il éprouve des ennuis avec le climat et l’ambiance en général.

 

Ses vieux démons causés par la perte de sa mère décédée d’un cancer du pancréas à 53 ans alors qu’il n’avait que 18 ans et l’ensemble de son enfance viennent le hanter. Durant ses deux premières années au Québec, il n’arrive pas à bouger, il abandonne tout, même la course à pied.

 

Après cette étape, il se ressaisit et recommence à courir. « Je crois que cette décision fut celle qui a fait toute la différence. Je pensais au suicide à un certain moment et la course à pied m’a vraiment sauvé la vie. » En courant, Manuel pouvait expulser sa peine, comme à l’époque de son enfance où quand il devait accompagner les membres de sa famille à l’église, il faisait le parcours de 3 km Manuel 2en courant dans le sable, pieds nus.

 

Courir pour maintenir l’espoir devenait un geste indispensable pour son bien-être. Voilà ce qui explique qu’il enfile encore aujourd’hui ses espadrilles à chaque jour, même l’hiver, dit-il avec une grande fierté. Au moment de l’entrevue, il arrivait d’un 17 km à un rythme très rapide, fidèle à ses bonnes vieilles habitudes.

 

Il n’a jamais pu pratiquer son métier d’infirmier au Québec. Il aurait fallu qu’il consacre trois années pour s’ajuster à une nouvelle méthode. Il a préféré joindre une compagnie en ébénisterie à titre d’opérateur où il y travaille encore aujourd’hui et se dit très heureux.

 

Il avoue qu’aider les gens dans les hôpitaux est un aspect qui lui manque car l’homme au grand cœur ressent encore ce  besoin bien ancré en lui, de donner au suivant. Son épouse a eu un cancer du sein, ce qui explique sa retenue à tenter de retourner dans le milieu hospitalier.

 

À prime abord, ce qui avait retenu notre attention de cet athlète est son projet un peu fou de courir toutes les rues de Laval, la ville où il reste. Il a eu cette idée en novembre 2019 et a terminé cette aventure le 9 août dernier, ce qui a totalisé une distance incroyable de 3100 km. Tu parles d’un défi !

 

Père de deux enfants, Kevin, 20 ans et Kayla, 17 ans. Manuel a couru plusieurs marathons mais ignore le nombre. Il raconte l’anecdote où en 2009, il a subi une intervention chirurgicale pour l’appendice et que trois semaines plus tard, il a participé au marathon de Montréal pour obtenir un temps incroyable de 3h11 ! Le médecin devait lui confier par la suite qu’il n’avait jamais vu une chose pareille.

 

ManuelAvec son accent portugais, on ne reste pas indifférent à Manuel. On sent sa bonté, son amour et sa tendresse envers les autres. « Je suis heureux aujourd’hui », dit-il et ça se voit. Imaginez, durant toute cette entrevue, nous n’avons même pas parlé de la pandémie. Voilà certes un signe qui ne ment pas.

 

« J’aimerais profiter de cette tribune pour remercier la nation québécoise ainsi que mes amis de la course à pied de me recevoir ».  Du grand Manuel !

 

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