Pour tout vous dire, je pensais que cette rencontre était à la portée des Alouettes. Les Blue Bombers de Winnipeg n’avaient pas signé de victoire à leurs quatre derniers matchs et leur attaque en arrachait alors que leur quart jouait sans aucune confiance.

La clé était donc pour les hommes de Mike Sherman de connaitre un fort début de match. L’attaque des Bombers était anémique, la confiance du quart Matt Nichols n’était sûrement pas à son meilleur, car il s’est fait huer par ses propres partisans dernièrement. Les Alouettes auraient donc été en bonne position s’ils avaient pris les devants et que la foule de Winnipeg avait perdu patience. Si Montréal avait gagné le premier quart, j’aurais beaucoup aimé les chances des Alouettes puisque les Bombers n’ont pas encore signé de victoire cette saison lorsqu’ils tirent de l’arrière après les 15 premières minutes de jeu. Ce rendez-vous a cependant été raté.

Après seulement six minutes, les Bombers avaient déjà une priorité de 10 points. La défense a concédé deux longues séquences qui ont mené à ce pointage. Nichols en a d’ailleurs profité pour prendre du rythme en complétant de nombreuses passes. Il a non seulement mené les siens à une avance de 10-0, mais la foule s’est rangée derrière lui. C’était donc un premier objectif raté par les Alouettes.

Il faut dire aussi que normalement, je ne parlerais pas de football de rattrapage avec un tel écart au tableau indicateur, par contre la donne en est autrement avec l’attaque des Montréalais qui marque en moyenne 17 points par rencontre. Un écart de 10 points devient donc du football de rattrapage pour cette unité offensive.

La réalité des Alouettes est telle que la défense n’a pas le choix d’être incroyable et malheureusement, elle ne l’a pas été vendredi. Elle doit donner le ton en réussissant des gros jeux, mais ça n’a pas été le cas. Il y a des moments clés dans une rencontre et l’unité défensive paraît avoir des ennuis récemment lors de ces situations. Il y a évidemment les premières minutes d'un match, la fin de la première demie et la fin de la rencontre. Contre les Bombers, on a eu un mauvais départ et la défense a accordé un touché avec 1 min 12 secondes à faire au deuxième quart.

Lorsqu’on regarde la fin de match, les Alouettes étaient encore dans le coup alors que le pointage était de 21-14 pour Winnipeg. Matt Nichols a été en mesure de produire une longue séquence qui a mené à un placement , mais beaucoup de temps a été écoulé au cadran. On a vu ensuite le touché qui a été accordé, mais il faut dire que c’était à la suite d’une interception qui a placé les Bombers en bonne position sur le terrain. Malgré tout, on peut voir que l’unité défensive a connu un ralentissement lors de ces trois moments charnières d’une rencontre.

Comme je vous l’ai présenté, il y a des séquences dans un match qui sont révélatrices, mais il y a des statistiques qui le sont également, comme celle des revirements. Les Alouettes n’ont pas provoqué un larcin contre les Bombers, une attaque qui en avait commis 13 dans leurs quatre derniers matchs. Seulement lors de leur dernière sortie, les Bombers avaient été victimes de cinq interceptions, dont trois pour Nichols. La défense a donc connu de bonnes séquences, mais si elle n’est pas superbe c’est difficile en raison de l’attaque qui est anémique.

La nécessité d'un bon positionnement

La défense n’est cependant pas la seule unité qui peut aider l’unité offensive en lui procurant un terrain plus court à la suite de revirements. Les unités spéciales ont aussi leur rôle à jouer en offrant un bon positionnement sur le terrain par l’entremise des retours de botté, mais encore une fois, c’était ardu sur le terrain. Il n’y a rien qui se passe présentement avec Stefan Logan. Ce dernier a connu une très bonne carrière, mais il n’est plus ce qu’il a été. Je ne veux pas uniquement le blâmer parce qu’il a besoin de blocs de ses coéquipiers, mais aucune étincelle n’est générée de ce côté actuellement.

Nous avons bien vu l’importance que peut avoir un bon positionnement sur le terrain pour une attaque qui peine à faire avancer le ballon. Les Alouettes ont repris le ballon à leur ligne de 49 et ils ont été en mesure d’enregistrer un placement. À une autre occasion, Johnny Manziel a pris le ballon au 53 dans le territoire des Alouettes et cette séquence s’est terminée par un touché. Les deux meilleurs positionnements sur le terrain chez les Montréalais ont résulté en des points au tableau.

Il est primordial que la défense et les unités spéciales offrent du football complémentaire pour aider l’attaque et ce n’est pas ce qu’on a vu avec constance contre les Bombers.

Des fondamentaux à travailler pour Manziel

L’attaque a connu sa part de difficultés également, vous en conviendrez, mais elle a aussi connu de bons moments. Manziel a complété 72 % de ses passes, a rejoint sept receveurs différents, est allé chercher des premiers jeux avec ses jambes grâce à six courses pour des gains de 36 verges. Il a aussi saisi une passe pour un gain de 22 verges. L’attaque a donc été en mesure de faire bouger le ballon comme le témoignent les 24 premiers jeux obtenus et les 30 minutes en temps de possession. Il y a aussi eu 55 jeux offensifs quand la moyenne était de 47 depuis le début de la saison. L’attaque a enregistré un total de 312 verges ce qui n’est pas la mer à boire, mais en moyenne c’était 264. L’unité offensive a aussi converti 52 % de ses deuxièmes essais, alors qu’habituellement, c’était de 38 %.

Alouettes 14 - Blue Bombers 31

Manziel et ses coéquipiers ont donc connu du succès, mais c’était majoritairement dans leur territoire et dans leur milieu de terrain. Ces séquences donnaient de bonnes statistiques, mais pas de points au tableau. Imaginez si l’attaque avait profité d’un bon positionnement pour entamer ses séquences, peut-être que le scénario aurait été différent.

En ce qui concerne le quart des Alouettes, il convient à mon avis de mettre le tout en perspective avant de se plonger dans une analyse de son match. Il s’agissait tout d’abord d’un premier match depuis le 11 août dernier contre le Rouge et Noir d’Ottawa. Il a subi une commotion cérébrale et a aussi raté des entraînements en raison d’un virus, donc dans les circonstances, il n’a pas mal fait. Il y a malgré tout des tendances qui ressortent.

On voit bien qu’avec Manziel, on se rapproche davantage du football au parc avec nos amis avec beaucoup d’improvisation. Cependant, il n’est pas ce qu’il y a de plus solide en ce qui concerne les fondamentaux. J’entends notamment par là son jeu de pieds. On a également vu certaines passes qui flottaient. Il a sans doute réalisé en fin de match sur son interception qu’un terrain de la LCF est véritablement plus large qu’un terrain de la NFL. Il est donc primordial sur une passe dans le flanc de ne pas lancer en retard et d’avoir un bon jeu de pied. Sur la séquence, on a vu qu’il effectué quelques pas en trop tout en manquant de force lorsqu’il a décoché. Je combine au tout un receveur qui attendait le ballon au lieu d’aller le chercher. Surtout s’il remarque que la passe manque de puissance, ce dernier doit être combatif en revenant vers son quart pour la saisir ou sinon jouer le rôle du demi défensif. La combinaison de ces facteurs explique cette interception qui a scié les jambes des Alouettes et venait du même coup sceller l’issue du match.

D’autres fondamentaux : la manière dont il tient le ballon dans la pochette. Il a été chanceux que son échappé dans la zone des buts n’ait pas résulté en un touché en vertu d’une pénalité à un demi défensif des Bombers.

Un autre élément à surveiller avec Manziel et qui peut paraître particulier, c’est son positionnement dans la pochette. Les joueurs de ligne déterminent des angles de blocage selon l’endroit où leur quart se situe dans la pochette. Manziel, qui est droitier, a comme tendance de se décaler vers la gauche naturellement. Ce n’est pas évident pour ses bloqueurs du côté gauche, alors que de manière peut-être involontaire, Manziel se rapproche des joueurs de ligne défensive en se déplaçant vers eux. L’espace est donc réduit et la pression arrive encore plus rapidement. Je sais qu’une bonne partie du jeu de Manziel est basé sur sa force à improviser et à quitter la pochette, mais il serait bien aussi parfois qu’il quitte sa protection parce qu’il le veut bien et non parce qu’il est obligé. La ligne à l’attaque doit apprendre à connaître son quart, alors que Manziel doit être aussi conscient de cette situation.

À la recherche de jeux explosifs

Nous attendons évidemment avec impatience sa première passe de touché. Il a tenté 71 passes dans la Ligue canadienne et aucune n’a été pour un touché, tandis que cinq ont été interceptées. De ces 71 passes, seulement une a franchi plus de 30 verges, alors que vendredi, sa plus longue aura été sur une distance de 21 verges. Il n’a pas encore prouvé qu’il était en mesure d’attaquer avec régularité les zones profondes. C’est tout de même ironique que le plus long gain par la passe des Alouettes soit survenu à la suite d’une passe d’Eugene Lewis à Manziel qui s’est conclu par un gain de 22 verges. Si on veut en ajouter, le seul touché a été inscrit par un réserviste, Antonio Pipkin. C’est surtout ironique je trouve, mais jusqu’à un certain point, ça peut mettre en lumière les ennuis à l’attaque pour les hommes de Mike Sherman.

Sous pression, Manziel ne peut transporter les Alouettes

Manziel ne peut tout faire seul une fois que l’attaque est sur le terrain. Il a besoin d’une bonne protection et de l’appui de ses receveurs qui doivent attraper les ballons qui par moments ne sont pas toujours faciles à saisir.

Les problèmes de la ligne à l’attaque ont encore surgi vendredi, alors que c’est maintenant un total de 17 sacs du quart accordés en trois rencontres (5-7-5). Vous savez, pour ceux qui me lisent régulièrement, que j’ai un bémol avec cette statistique qui ne peut être uniquement attribuable aux joueurs de ligne. Ils ont cependant connu un match difficile avec quatre pénalités pour des procédures inadmissibles et il est vrai qu’ils sont responsables de plusieurs sacs contre les Bombers, mais il y en a au moins un que c’est le porteur de ballon qui n’a pas réussi son bloc et une autre fois, les receveurs n’ont pas été capables de se démarquer ce qui a forcé Manziel a conserver le ballon trop longtemps dans ces mains.

Les Bombers ont véritablement copier-coller le plan de match des Lions de la Colombie-Britannique la semaine précédente. Ils n’ont pas hésité à appliquer de la pression sur le quart, à mettre un joueur sur le porteur de ballon, car les défenses adverses ne craignent pas les receveurs des Alouettes. Les unités défensives n’hésitent pas à se tourner vers des couvertures homme à homme comme aucun receveur ne fait peur aux demis défensifs dans le sens où ils ne parviennent pas à se démarquer pour ensuite aller chercher un long gain.

On avait un bel exemple avec Chris Williams. Ce dernier devait être pris au sérieux par les demis défensifs en raison de sa vitesse. Le match contre les Roughriders de la Saskatchewan me revient en tête alors que systématiquement, les Alouettes attaquaient les zones profondes avec Williams qui battait son couvreur. Ils n’ont plus un receveur de ce type.

Il y a deux façons de voir des longs jeux au football. Tout d’abord, il peut être question d’une passe de sept verges et le receveur court pour 30 verges par la suite grâce à sa vitesse ce qui se transforme en un gain de 37 verges. Est-ce que les Alouettes ont ce type de joueur? Difficile à croire alors qu’aucun d’entre eux ne parvient à se démarquer récemment.

L’autre manière pour un long gain par la passe, c’est littéralement une passe qui va voyager dans les airs plus de 30 verges. Pour y arriver, il faut cependant de la protection afin que le jeu se développe et le quart doit faire preuve de puissance et de doigté pour que sa passe soit bien placée. Encore une fois, nous n’avons pas encore vu ces éléments réunis pour nous convaincre qu’il est possible de réaliser de tels jeux. Donc oui on peut se demander si Manziel a les capacités d’attaquer les zones profondes, mais il a aussi besoin de receveurs qui peuvent se libérer et d’une protection adéquate. Pour le moment, ce n’est pas le cas.

La défense amène donc la cavalerie en pression pendant que les demis défensifs tiennent leur homme. Si un bloqueur rate son assignation, c’est un sac et lorsque la protection tient, Manziel garde le ballon trop longtemps comme aucun receveur ne peut se démarquer. Les Bombers ont donc appliqué la même recette que les Lions. C’est un fichu de problème pour Khari Jones et Manziel si cette situation n’est pas réglée d’autant plus que la semaine prochaine, Chris Jones et la défense des Roughriders de la Saskatchewan seront en ville. Les Alouettes ont intérêt à trouver des solutions cette semaine à l’entraînement.

Le gros mandat pour l’attaque des Alouettes sera donc de produire lors des premiers essais. Quatre des cinq sacs sont survenus sur des deuxièmes essais où la situation laissait entrevoir que c’était une passe qui allait suivre.

Je veux quand même relever les belles prestations du porteur de ballon William Stanback et le plaqueur défensif Woody Baroné Stanback représente le futur des Alouettes au poste de demi offensif. Baron a quant à lui été solide sur la ligne défensive avec plusieurs plaqués pour des pertes de terrain. Ce sont de bons jeunes, mais il reste maintenant à bien les entourer alors que l’équipe se fait de plus en plus vieillissante.

Les Alouettes auront aussi comme mandat devant les Roughriders de mieux terminer leur match. Ils étaient dans le coup avec cinq minutes à faire contre les Lions alors que la marque était de 16-14. Le match s’est terminé 32-14. Vendredi, il n’y avait qu’un touché d’écart et on connaît le résultat final. Marc Trestman avait son 57 + 3 afin de s’assurer que les joueurs ne ralentissent pas en fin de match, on dirait que Sherman devra appliquer la méthode 55 + 5. Il faut trouver une façon de conclure la rencontre en force.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant