J’aimais les chances des Alouettes. Ils avaient le fameux momentum à la suite de leur performance face aux Lions en demi-finale de l’Est et il y avait à mon avis peu de chances qu’ils commettent les mêmes erreurs qu’il y a deux semaines contre les Tiger-Cats.

J’avais tort.

Les jeux coûteux n’ont peut-être pas été aussi bizarres que la passe arrière échappée par Chris Rainey ou encore le dégagement des Tiger-Cats récupérés par ces derniers lors du dernier duel du calendrier régulier, mais reste que le match s’est perdu de la même façon pour les Alouettes en finale de l’Est.

Les TiCats ont non seulement eu le meilleur sur les unités spéciales, mais aussi dans la bataille des revirements et dans la guerre des tranchées. Que ce soit en finale de l’Est ou bien lors du premier match d’une saison, ces trois facettes de jeu sont les plus capitales dans un match de football.

Et dire que les Alouettes affirmaient avoir eu leur leçon...

Un petit je-ne-sais-quoi

Avoir confiance en ses schémas de jeux et les joueurs qui doivent les exécuter c’est une chose, mais la théorie ne peut parfois rien contre l’évidence. Dimanche, le déjà très dangereux retourneur Brandon Banks avait un petit je-ne-sais-quoi que les Alouettes ne pouvaient contrer.

Il peut paraître facile d’en parler maintenant que le match est terminé, mais les Alouettes ont reçu un sérieux avertissement en première demie lorsqu’un retour de 78 verges de Banks bon pour un touché a été annulé en raison d’une pénalité.

Il importait alors de tenir Banks le plus loin possible du ballon, et ce pour le reste de la rencontre, quitte à botter à l’opposé du terrain ou encore à l’extérieur et vivre avec la pénalité de 10 verges rattachée à un botté illégal. Cela aurait été un moindre mal pour les Alouettes.

Or, on a plutôt ignoré cet avertissement, si bien qu’une mauvaise gestion du cadran a permis à Banks de s’exécuter en fin de première demie et d’asséner un premier coup de masse au club montréalais.

Profitant de quelques beaux blocs sur un retour du côté large du terrain, Banks a permis aux Tiger-Cats de retraiter au vestiaire avec une avance de 20-10 au tableau indicateur.

On croyait alors que la troupe de Tom Higgins avait appris de ses erreurs. Pas encore...

En fin de quatrième quart, Banks a scié les jambes des Alouettes en ramenant un autre botté de dégagement dans la zone des buts. Même du haut de la galerie de presse, je pouvais lire la stupéfaction des Alouettes le long des lignes de côté.

Et pour cause. Les Alouettes venaient en effet de revenir dans le match avec un touché qui réduisait l’écart à 27-24 avant un placement réussi des Tiger-Cats. Avec une seule possession de ballon les séparant donc des TiCats au tableau indicateur, les Montréalais pouvaient s’accrocher.

C’était avant que Banks ne se mette à l’œuvre de nouveau. Pourtant encerclé, il est sorti de nulle part. Sa vitesse, son accélération, ses changements de direction et son centre de gravité bas ont fait le reste.

Le botteur des Alouettes Sean Whyte n’a jamais été réputé pour ses plaqués, mais pour une rare fois, un joueur plus petit s’amenait vers lui. Il aurait donc pu tenter de le freiner ou à tout le moins se jeter devant lui pour le forcer à dévier de sa trajectoire vers l’intérieur du terrain et l’offrir en cible à un de ses coéquipiers.  Il l’a plutôt laissé passer le long des lignes de côté, le chemin le plus direct vers la zone des buts.

Au terme de la rencontre, l’entraîneur-chef Tom Higgins affirmait qu’il aurait pu vivre avec les pénalités pour bottés illégaux, alors que de son côté, Whyte signalait qu’il a botté où on lui demandait de le faire. Une situation pour le moins ordinaire, vous en conviendrez.

Oui, les unités spéciales ont perdu deux de leurs meilleurs joueurs en couverture de botté lorsque Marc-Olivier Brouillette et Jean-Christophe Beaulieu ont dû abdiquer en raison de blessures, mais ne voilà pas une autre bonne raison de botter à l’extérieur?

Après avoir arraché bon nombre de leurs victoires en deuxième moitié de saison en dépit des défaillances des unités spéciales, les Alouettes ont finalement été rattrapés lors du plus important match de l’année.

Maintenant que la campagne des Alouettes est terminée et que Tom Higgins aura plusieurs moins pour préparer la prochaine saison, contrairement à cette année, l’entraîneur-chef pourra se doter d’un véritable gourou des unités spéciales. De trop gros morceaux de terrain sont en jeu pour risquer de bousiller le bon travail des autres unités.

Crompton et les péchés capitaux

Depuis qu’il a hérité du poste de quart partant des Alouettes, on ne demande pas à Jonathan Crompton de remporter un match à lui seul, mais plutôt de ne pas le perdre. S’il a généralement accompli le boulot, ce ne fut pas le cas dimanche, alors qu’il a été coupable de trois interceptions.

Si on ne peut lui reprocher la dernière de celles-ci, survenue alors que son attaque jouait du football de rattrapage et forçait le jeu, on ne peut en dire autant des deux autres. Sur la première, il  a mordu à l’apparence de couverture homme à homme que lui proposait la défense ontarienne alors qu’il s’agissait en réalité d’une couverture de zone. N’ayant d’yeux que pour S.J. Green, qui connaissait un bon match il faut le dire, Crompton s’est fait avoir.

Ce fut le même scénario sur la deuxième interception, si bien que ces deux revirements ont mené directement à 14 points inscrits par les TiCats, qui ont alors été très opportunistes avec deux touchés inscrits par Nic Grigsby.

Mes entraîneurs m’ont toujours dit que ce sont généralement quatre à cinq jeux au cours d’un match qui font la différence. Nous en sommes déjà à quatre en faveur d’Hamilton, soit les deux retours de botté de Banks et les deux interceptions lancées par Crompton. On change l’issue de ces quatre jeux, et nous avons droit à un autre genre de confrontation.

Ce qui semble de plus en plus clair chez Crompton, c’est qu’il réussit ses meilleures passes dans la zone payante, alors qu’une couverture homme à homme est privilégiée. C’est facile de lancer dans pareille situation, il suffit d’attaquer la confrontation la plus avantageuse. Une passe à l’imposant S.J. Green par exemple. Il n’y a donc pas vraiment de lecture de jeu à effectuer.

Bref, Crompton a encore beaucoup de travail à faire pour occuper le poste de quart partant dans la LCF, ce dont je ne suis pas encore convaincu.

Sur sa deuxième interception, j’ai eu l’impression de revoir Brett Favre contre les Saints de La Nouvelle-Orléans en finale d’Association il y a plusieurs années. Je m’explique.

Il y a plusieurs choses qu’on demande à un quart d’éviter : lancer sur son pied arrière, lancer à contre-courant et lancer en retard dans le milieu du terrain. Crompton a commis tous ces péchés capitaux pour un joueur de sa position.

C’est sans compter que ce jeu – une feinte de jeu au sol suivie d’une course de Crompton vers l’extérieur et une passe à S.J. Grenn – les Tiger-Cats l’ont vu à plusieurs reprises en première demie. Pas besoin de vous dire que la défense d’Hamilton s’y attendait à son retour sur le terrain.

La première option sur ce jeu demeure un jeu au sol. Je n’ai pas encore analysé les bandes vidéo, mais en maintes occasions, la première lecture devait sans doute suggérer à Crompton de refiler le ballon à son demi offensif. Il a préféré forcer des passes à ses receveurs.

Le jeu au sol des Alouettes a donc été bien contrôlé et il faut en donner le crédit aux Tiger-Cats. Le front défensif de ces derniers n’est peut-être pas le plus gros, mais il est très actif. Les plaqueurs sont de petites bornes-fontaines,  des joueurs mesurant environ 6 pieds, mais costaud, mobiles et difficiles à frapper de plein fouet. Ils ne prennent pas de jeux de congé, contrairement à de gros joueurs de ligne défensive qui lèvent parfois le pied ici et là en raison de la fatigue.

Pas de quoi aider le jeu au sol des Alouettes, qui semblaient alors sans réponse en situation de football de rattrapage, ce qui n’a pas été la force de l’équipe au fil de la saison.

Des fondations pour 2015

Peut-on en vouloir à la défense des Alouettes pour cette défaite? Pas vraiment. Difficile de reprocher quoi que ce soit à cette unité, qui a dû défendre deux terrains courts (20 et 38 verges) sur les deux touchés qui ont suivi les interceptions lancées par Crompton.

Or, la défense n’a pas été super dominante, alors qu’on en aurait eu besoin dans le camp montréalais, ne provoquant qu’un seul revirement et ne réussissant qu’un sac du quart. Elle a de plus alloué 149 verges au sol.

La défense n’a donc pu sauver la mise, mais il importe de souligner la performance du quart des TiCats Zach Collaros, qui a été contraint tout au long de la rencontre d’effectuer que de courtes passes d’environ six verges. Une situation pour le moins frustrante. Disons que je n’aurai pas eu sa patience!

Mais Collaros a tenu bon et a pris ce qu’on lui donnait, tout en étant très méthodique à son premier départ en éliminatoires. Les Alouettes espéraient qu’il s’enfarge lors de ces longues séquences, mais ce n’est pas survenu, si ce n’est que son échappé en première demie.

Après avoir survécu à un début de saison catastrophique et presque atteint la finale de la Coupe Grey, les Alouettes retournent donc à la table à dessin.

Si les fondations semblent avoir été érigées en deuxième moitié de saison, alors que l’équipe a affiché un dossier de 8-2, il ne faut pas se laisser endormir par ce revirement inespéré. Ce n’est pas parce qu’ils ont atteint la finale de l’Est que tout a été résolu. Au contraire.

N’empêche, j’ai peine à croire que les Alouettes amorceront la saison 2015 avec une fiche de 1-7...

*Propos recueillis par Mikaël Filion