Finalement! Finalement les Alouettes ont signé une victoire à domicile et de surcroît dans un match très important pour le classement dans l’Est.

Je sais que ça peut paraître farfelu de déjà parler d’une possible participation aux éliminatoires, mais le fait demeure que dans cette association, à par le Rouge et Noir, c’est très serré.

Il est donc primordial de l’emporter contre des rivaux directs comme ç’a été le cas vendredi avec ce gain de 25 à 22 devant les Argos. Évidemment, la victoire fait d’autant plus de bien, car c’était une première en un peu plus d’un an devant les partisans au Stade Percival-Molson.

On s’entend que c’était bien venu de voir les Alouettes récompensés leurs fidèles partisans. Même si le stade n’était pas plein pour ce match, les 16 000 amateurs qui se sont présentés ont amené leur bonne humeur et leur énergie. Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu une telle ambiance de fête à un match à domicile et c’était rafraîchissant. Évidemment, la victoire à la fin aura été comme la cerise sur le gâteau pour ce scénario presque parfait. Les Alouettes n’avaient qu’une victoire à leurs 20 derniers matchs, ce n’est donc certainement pas moi qui vais les empêcher de célébrer.

Le moment que j’ai le plus apprécié de ce match aura été la célébration des joueurs sur le terrain à la fin. J’étais sur la galerie de presse et c’était plaisant de voir les bancs se vider pour entamer des célébrations. C’est vrai qu’il ne s’agit que d’une seule victoire et qu’il n’est pas question de trop s’emporter, mais je veux également faire réaliser à quel point, même pour les bonnes équipes, c’est difficile de gagner un match de football. Il n’y a rien de garanti au cours d’un match en raison des blessures, des coups du sort et beaucoup de sueur est laissée sur le terrain, donc chaque victoire est savourée et à juste titre. Surtout qu’on ne se cachera pas que dernièrement elles étaient difficiles à aller chercher pour les Alouettes. Le placement raté par le botteur des Argos Zackary Medeiros, qui concrétisait la victoire des hommes de Mike Sherman, aura donc eu un effet de délivrance.

Je note également dans cette célébration qui se rapprochait d’une conquête de la Coupe Grey à quel point les joueurs ont encore à cœur les succès de cette équipe et c’est motivant. Même s’ils avaient une fiche de 1-8 avant le match, on voit des joueurs qui n’abandonnent pas. Je l’avais mentionné dans mes dernières chroniques que plusieurs ne baissaient pas les bras malgré un passage à vide. Cette réaction vient encore me confirmer que les joueurs ont à cœur les Alouettes et c’est un soulagement.

Le résultat du match ne fait pas qu’ajouter une victoire dans la bonne colonne au classement. Avec un nouveau groupe d’entraîneurs, il faut connaître à un moment du succès, car sinon, les joueurs peuvent avoir de la difficulté à acheter le système qui leur est vendu. Lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, le doute peut s’installer dans un vestiaire, ça fait partie de la nature humaine. Il faut des résultats positifs pour valider tout ce qui est fait à l’entraînement et dit lors des réunions.

Pipkin entre dans les discussions

À tout seigneur tout honneur, s’il est question des éléments positifs de ce match, il est tout naturel d’entamer cette analyse avec la prestation du quart Antonio Pipkin. On s’entend tous pour dire qu’il avait été une belle surprise lors de son départ à Edmonton la semaine dernière. Par contre, cette sortie faisait inévitablement en sorte que les attentes étaient plus élevées cette semaine contre Toronto. Il devait valider avec ce deuxième départ et il a livré la marchandise.

On connaît son histoire alors qu’il obtient sa chance après avoir été libéré par l’équipe en début de saison. On ne peut donc pas être indifférent devant un joueur qui profite pleinement de cette chance qui lui est offerte. Il complique du même coup le travail des entraîneurs parce qu’il n’a rien fait pour que Sherman décide de l’enlever du terrain.

Nous savons déjà tout ce que les Alouettes ont donné pour acquérir les services de Johnny Manziel, mais Pipkin ne contrôle pas ce genre de décision. Lui, il peut décider de ce qui se passe sur le terrain et jusqu’à maintenant il ne rate pas son coup. Il devait bien jouer pour forcer la main des entraîneurs et entrer dans les discussions et c’est ce qu’il a fait.

Je vais être honnête, justement en raison de ce que les Alouettes ont cédé aux Tiger-Cats pour ajouter Manziel à leur formation, je pensais qu’ils allaient se tourner vers lui dès que possible. Pipkin n’a cependant rien à se reprocher et il a aidé les Montréalais à mettre fin à leur léthargie à domicile. Je vois difficilement comment les entraîneurs pourront changer une combinaison que l’on peut dire finalement gagnante.

Mon collègue Bruno Heppell l’a fait remarquer avec justesse après le match, les Alouettes disposeront d’une semaine de congé après leur affrontement contre le Rouge et Noir. Avec Pipkin qui joue bien et une semaine de repos, l’occasion est belle pour permettre à Manziel de se rétablir à 100 %, de continuer à se familiariser avec le livre de jeux à l’entraînement et le système. C’est un débat que les entraîneurs devront avoir.

Avant même de parler des qualités athlétiques de Pipkin, son attitude m’impressionne. Encore une fois, l’échantillon est bien mince après deux matchs et il n’est pas question de le comparer à Warren Moon par exemple, je vais me garder une petite gêne, mais force est d’avoué qu’en analysant son langage corporel, on voit qu’il fait preuve de sang-froid. C’est non négligeable comme qualité pour un quart alors qu’il doit mener une unité offensive dès le caucus.

J’ai toujours trouvé que c’était un bon signe d’entendre les joueurs défensifs complimenter d’abord et avant tout leur quart-arrière. Il n’y a pas que ses coéquipiers avec qui il évolue à l’attaque qui remarque son bon travail, mais ceux sur l’unité défensive également. Je trouve ça très intéressant un tel support.  

Lorsqu’on se tourne sur ses qualités en tant qu’athlète, on réalise qu’il a un bon bras, qu’il est précis, mobile, donc tous les éléments sont là. Il ajoute donc de la profondeur au poste de quart ce que les Alouettes recherchent depuis le départ d’Anthony Calvillo. Je ne pense pas que les Alouettes vont se plaindre de renflouer les coffres à cette position.

Pipkin a relevé le défi des Argos

Une autre manière d’évaluer les performances d’un quart est la façon dont il se comporte durant certains jeux précis dans un match. Il y a des moments clés au cours d’une rencontre et vendredi, Pipkin a bien répondu à l’appel. Lorsque les Argonauts ont marqué des points, Pipkin a assuré la réplique. Que ce soit avec un placement ou même un touché, il empêchait les Argos de filer avec l’avance. La riposte est toujours importante afin de soit prendre les devants ou garder l’écart à une seule possession de ballon. L’autre unité offensive ne peut également prendre son rythme et c’est ce qu’on a vu.

Pipkin et ses receveurs ont également été mis à l’épreuve par la défense des Argonauts qui a souvent opté pour une couverture homme à homme. Devant une telle couverture, les receveurs doivent faire payer l’adversaire en remportant leur confrontation et on l’a vu vendredi alors que plusieurs joueurs ont gagné des gains appréciables après s’être détaché du demi-défensif. En pareille situation, une unité défensive devient vulnérable dans les zones profondes et les Alouettes en ont profité avec des gains de 52, 41 et 32 verges. L’attaque a donc fait payer l’entêtement des Argos avec leur couverture.

Même s’il a deux interceptions en autant de matchs, dans mon livre à moi, Pipkin n’a pas encore d’erreur majeure à sa fiche. On se rappellera contre les Eskimos qu’il s’était fait intercepter lors d’une transformation de deux points, donc je n’y vois aucun problème à tenter de forcer le jeu. Contre les Argonauts, on s’entend que l’interception est de la faute à Ernest Jackson alors qu’il a échappé la passe. Il n’ouvre pas la porte à l’adversaire ce qui donne ainsi toujours une chance à ton équipe d’être dans le coup.

En plus de cet élément, un quart doit être en mesure de compléter des passes quand tout le monde s’attend à une situation de passe, par exemple sur les deuxièmes essais et plusieurs verges à franchir. Il a encaissé un sac à un moment pour se retrouver avec un 2e essai et 15 verges et il a enchaîné avec une passe pour 16 verges. Il a refait le coup, mais cette fois avec une course de huit verges pour faire avancer les chaîneurs. Sur la dernière séquence qui a mené au placement décisif de Boris Bede, Pipkin a mené l’attaque avec 13 jeux et 54 verges tout en écoulant environ cinq minutes au cadran. Il a également été parfait au chapitre de la précision avec cinq passes complétées en autant de tentatives pour 44 verges et il a fait une faufilade du quart pour encore une fois aller chercher un premier jeu. Ce sont dans ces moments cruciaux qu’un quart doit se démarquer et on peut dire mission accomplie Pipkin.

La défense a su garder le fort

Il n’y a pas que Pipkin et l’attaque qui ont doivent recevoir des fleurs dans cette victoire. La défense a connu un bon match contre le quart McLeod Bethel-Thompson. Elle n’a pas grand-chose à se reprocher, car lorsqu’on décortique les points accordés, c’est souvent à la suite d’une bévue en l’attaque ou sur les unités spéciales qui l’a placé dans l’eau chaude.

Le premier placement des Argos est le résultat d’un bon positionnement sur le terrain. L’attaque a repris le ballon à la ligne de 50 des Alouettes après un long retour sur un botté de dégagement. Les Argos ont ensuite repris le ballon au 31 dans le territoire montréalais après un autre long retour et cette fois l’attaque a enchaîné avec un touché. Les Argos n’ont même pas franchi un terrain complet en attaque qu’ils ont déjà inscrit 10 points. Ce n’est pas mal.

On ajoute l’interception d’Alden Darby ramenée dans la zone des buts pour le touché au total des points, mais cette fois la défense n’a aucunement eu son mot à dire. On voit que la défense a tenu le fort pour le reste du match, particulièrement au quatrième quart. Alors que la rencontre était corsée, la défense n’a pas accordé un seul point et a limité l’attaque adverse à 44 verges. Elle a de plus réduit les séquences à deux jeux suivis d’un dégagement trois fois en quatre occasions.

S’il y en a bien un qui n’a rien à se reprocher depuis le début de l’année c’est bien Henoc Muamba et il a réalisé tout un jeu avec un plaqué pour une perte de terrain et compliquer la tâche de Medeiros en toute fin de match. Muamba est un spécialiste pour ce genre de plaqués cette saison et ce n’est pas pour rien qu’il figure parmi les meneurs de la ligue à ce chapitre. Les Argos étaient en position pour effectuer un placement sur 48 verges, mais une perte de six verges avait toute son importance. Je crois qu’il y a une barrière psychologie pour les botteurs à 50 verges. C’était donc un gros plaqué, car entre nous, sur 48 verges, je pense que le placement est bon. La défense s’est levée lorsque ça comptait et nous avons eu droit aux célébrations par la suite.

Encore trop conservateurs

Dans cette victoire, il y a cependant un élément qui m’a chicoté un peu et j’en avais glissé un mot à ce sujet lors de ma dernière chronique. Avec une victoire contre huit revers depuis le début de la saison avant le match, je pense que personne n’aurait été offusqué de voir les Alouettes prendre des risques et être plus agressifs. Je les trouve très et parfois trop conservateurs dans certaines situations.

Mike Sherman a pris quelques décisions dans ce sens au cours de la rencontre. Les Alouettes étaient à un certain moment à la ligne de 40 des Argonauts et il a opté pour un dégagement au lieu d’un placement de Bede pour 47 verges. Je sais qu’il a connu certains ennuis, mais avec une attaque anémique jusqu’ici cette saison, ils doivent inscrire des points lorsqu’ils en ont l’occasion.

À un autre moment au deuxième quart, les Alouettes doivent convertir un troisième essai et une verge à franchir. Je sais qu’ils étaient dans leur territoire, mais dans la Ligue canadienne, c’est souvent un automatisme en pareille situation et l’attaque reste sur le terrain.

D’ailleurs, en situation de courts gains au cours de ce match, les Alouettes ont réussi deux faufilades du quart en milieu de terrain en autant d’occasions et ils ont inscrit deux touchés de cette façon. Ils ont donc été parfaits avec cette stratégie. Je reviens sur cette décision sur le troisième essai en optant pour une approche conservatrice. Si jamais l’attaque avait raté son coup, est-ce que quelqu’un aurait réellement critiqué le choix de jeu? Dans la LCF, un troisième essai et une verge, c’est une situation favorable pour l’attaque. C’est un contrat entre les entraîneurs et les joueurs habituellement où on ose un peu. Ce devrait d’autant plus être le cas avec la fiche des Alouettes cette saison et qu’on cherche à tout prix une étincelle.

Le scénario s’est répété en fin de match et je ne suis pas certain encore une fois de la sélection de jeux. Si les Alouettes avaient inscrit un touché au lieu de se contenter d’un trois points, la défense aurait été plus confortable en fin de rencontre. L’attaque a plutôt opté pour deux courses que la défense n’a eu aucune difficulté à arrêter. Dans pareille situation, j’ai pour dire que tu t’assures d’être en position pour le placement et ensuite tu attaques pour le touché. C’est certain que la sélection de jeux ne doit pas être trop risquée, mais avec un quart mobile, l’option est encore plus intéressante. Il peut se déplacer et si jamais ses receveurs sont bien surveillés, il peut courir et se jeter au sol pour laisser les secondes au cadran s’écouler.

C’est le message qui est lancé également à travers tout ça qui peut être dérangeant. On dirait ainsi qu’il n’a pas confiance en son botteur pour le placement ou en la ligne à l’attaque pour aller chercher un court gain.

La fin de match aurait été bien moins stressante avec un touché, mais c’est vrai que c’est facile d’en discuter par après. Par contre, j’en reviens au fait que dans leur situation, ils vont devoir prendre plus de risques d’ici la fin de la campagne.

La bonne nouvelle c’est que les Alouettes ont gagné et le prochain défi est d’entamer une séquence de victoires. Il faut tenter d’en coller une deuxième de suite contre un rival de section. La dernière fois qu’ils se sont présentés à Ottawa, le match avait été serré jusqu’à la fin, donc c’est tout à fait possible. L’équipe doit maintenant arrêter d’être dans les montagnes russes et tenter d’être constante en voulant signer un deuxième gain consécutif.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant