Inutile de tourner autour du pot bien longtemps. À l’issue de cette première défaite des Alouettes, un sujet retient l’attention et c’est la performance du quart-arrière Troy Smith.

Un bon vieux dicton a beau dire qu’on gagne et qu’on perd en équipe, dans la LCF, quand ton quart-arrière ne joue pas bien, tes chances de l’emporter sont bien minces.

Marc Trestman le résumait très bien alors qu’il était aux commandes des Alouettes, tout ce qu’on demande à un quart-arrière c’est qu’il donne de l’espoir au reste de l’équipe.

Tout le contraire de Smith face aux Stampeders de Calgary samedi après-midi. Désolé Troy.

Après un seul match, il serait sans doute précipité d’alimenter une controverse chez les quarts-arrières de l’équipe. La situation a toutefois déjà de quoi rendre l’entraîneur-chef Tom Higgins inconfortable.

Je comprends pleinement que Smith ait besoin de toutes les répétitions possibles après avoir raté une partie du camp d’entraînement et un match préparatoire, mais si n’importe quel autre joueur évoluant à une position distincte avait commis autant d’erreurs que Smith face aux Stamps, il n’aurait pas terminé la rencontre.

Si j’avais commis autant de fautes que lui au cours d’un match et que j’avais tout de même complété le match, le quart que je protégeais aurait probablement été contraint de se nourrir à l’aide d’une paille pendant quelques semaines...

À Smith maintenant de nous montrer ce qu’il a dans le ventre. On ne peut rien changer au cinglant revers de samedi. Il s’agit de l’oublier et de se retrousser les manches rapidement afin de prouver dès vendredi soir face aux Lions de la Colombie-Britannique que ce ne sont pas les vrais Alouettes qui se sont présentés à Calgary le week-end dernier.

Donnons la chance à Smith

Plus que jamais, il faudra donc s’attarder progression de Smith cette saison. Ce denier en encore « jeune » si on s’attarde à son expérience dans la LCF.

De semaine en semaine, la mission première de Smith sera de s’améliorer pour éventuellement mener les siens à la victoire, à condition que la défense soit fidèle à elle-même, que les unités spéciales contribuent et que l’attaque au sol soit présente.

Car après tout, Smith n’est pas le premier quart-arrière de l’histoire des Alouettes à connaître sa part d’ennuis lors du premier match d’une saison au domicile des Stampeders.

Même Calvillo y a goûté. En 2012, le nouveau retraité avait lancé pour 174 verges de gains et deux interceptions dans un revers de 38-10.

Donnons donc la chance à Smith. Il ne s’agit que d’un match. Avec tous les chamboulements récents au sein de l’attaque montréalaise, on pourra réaliser une réelle évaluation du rendement de Smith après six matchs, voire à la mi-saison.

Au moment d’effectuer une évaluation complète de Smith, il faudra aussi prendre en considération l’encadrement dont il bénéficie avec les Alouettes. Car il suffit de jeter un coup d’œil aux autres formations pour constater une différence notable.

À Calgary par exemple, les quarts Bo Levi Mitchell et Drew Tate peuvent à la fois compter John Hufnagel (entraîneur-chef et ancien quart), Dave Dickenson (coordonnateur offensif et ancien quart) pour les guider. Au chapitre des enseignements et de l’expérience, disons qu'ils sont en voiture.

La réalité en semblable à Toronto, où le quart étoile Ricky Ray jouit du savoir de Scott Milanovich (entraîneur-chef et ancien quart), Marcus Brady (coordonnateur offensif et ancien quart) et même Jason Maas (entraîneur des receveurs et ancien quart).

Il n’y a pas si longtemps encore, Calvillo avait un éventail de matière grise à sa disposition alors qu’il était entouré de Trestman, Milanovich et Brady.

Smith doit quant à lui se rabattre sur Ryan Dinwiddie. J’ai beaucoup de respect pour ce dernier et peut-être même qu’il deviendra un grand entraîneur, qui sait, mais pour l’instant, son expérience est pour le moins limitée.

Quand on analyse froidement la situation, nous avons d’autres choix que de constater que la réalité est à la fois injuste pour Smith et Dinwiddie. Bref, alors que les Alouettes misent sur de jeunes quarts-arrières pour amorcer l’ère post-Calvillo, l’encadrement n’est peut-être pas des plus optimal et il importe de garder cela à l’esprit.

Partir du mauvais pied

Une succession d’erreurs

Ce qui saute aux yeux quand on décortique la performance de Smith face aux Stampeders c’est son manque flagrant de précision, que ce soit à partir de sa pochette protectrice ou en mouvement.

À cela s’ajoutent ses nombreuses prises de décision douteuses. Sur l’interception dont il a été victime, il a complètement raté sa passe alors que celle-ci était dans les numéros du demi défensif plutôt que dans ceux de son receveur.

Et ce n’est pas tout.

Tout juste avant cette interception, alors qu’il devait compléter un jeu d’option en remettant le ballon à Brandon Whitaker ou en le conservant dépendamment de la réaction de l’ailier défensif, Smith a erré une fois de plus.

Alors qu’il était tout à fait clair que l’ailier défensif s’attaquerait à Whitaker, Smith a toute de même décidé de lui refiler le ballon plutôt que d’en garder possession et de courir pour déborder la défense des Stampeders.

Heureusement pour Smith, tout ce qu’a perdu Whitaker sur la séquence, c’est deux verges et non le ballon, ce qui aurait très bien pu survenir étant donné la position fâcheuse dans laquelle Smith a placé son coéquipier.

Bien que la faute ne lui revient pas complètement et que quelques-uns de ses coéquipiers ont raté des blocs,  Smith devra également reconnaître plus facilement où il se retrouve sur le terrain. Des quatre sacs du quart dont il a été victime, trois ont été réussis dans le territoire des Stampeders.

En s’accrochant au ballon plutôt que de s’en débarrasser pour éviter une perte de terrain, Smith a ainsi compliqué la tâche de ses coéquipiers. À commencer par Sean Whyte, qui a raté un botté de placement plus long que prévu (39 verges).

Lors des deux autres sacs du quart encaissés en zone albertaine, Smith a fait reculer son attaque hors de la zone de botté de placement potentiel.

D’autres erreurs qui s’ajoutent à une liste déjà trop longue.

C’est sans compter qu’il n’a complété que 18 de ses 41 passes tentées. Vingt-trois passes incomplètes, ce n’est pas rien.

Je peux d’ailleurs vous faire une prédiction immédiatement. Bien que je sois conscient que le match était à un certain moment encore à leur portée, si les Alouettes maintiennent un ratio de 41 passes tentées contre 13 courses seulement comme ce fut le cas contre les Stampeders, ils ne gagneront pas souvent cette saison...

Troy SmithIl n’y a pas que les circuits

Smith se doit de dégainer plus rapidement afin de donner du rythme et d’injecter une dose de confiance à ses receveurs à l’aide de petites passes nombreuses.

Contre les Stampeders, le match a été si ardu que les receveurs n’ont pas été impliqués tôt dans le match. Or, un receveur reste un receveur. Après avoir couru des tracés inutilement pendant la majorité de la rencontre, certains d’entre eux ralentissent leurs courses. À quoi ça sert de courir dans pareilles circonstances, se disaient-ils sans doute.

Inévitablement, les joueurs des Alouettes ont donc arrêté d’y croire.

Smith en a donc frustré plus d’un samedi. Ses receveurs dans un premier temps, et c’était évident en fin de match. En s’accrochant au ballon trop longtemps et en étant victimes de sacs et de plaqués sévères, Smith a de plus mis à l’épreuve sa ligne à l’attaque, dont les membres l’ont sans doute pris personnel de voir leur quart être rabattu au sol régulièrement.

Aussi bonne soit-elle, la ligne à l’attaque des Alouettes ce n’est pas la Grande Muraille de Chine. Elle ne peut tenir six ou sept secondes lors de chaque jeu. À Smith de dégainer ou de faire bon usage de ses jambes.

Lors d’une séquence précise au quatrième quart, Smith a raté sept passes consécutives... Difficile de faire pire.

Smith doit comprendre qu’un « check-down » se veut parfois le bon jeu à effectuer. Oui, le quart no 1 des Alouettes a un bras puissant, mais pourquoi toujours tenter le coup de circuit? Pourquoi pas un simple et un double ici et là de temps en temps? Pourquoi pas solliciter son dépanneur quand le gros jeu est hasardeux, voire impossible? Ainsi, non seulement il compléterait des passes, mais il permettrait à son attaque de demeurer sur le terrain.

Pour l’instant, les Alouettes se retrouvent plus souvent qu’autrement en situation de deuxième et long. On joue alors dans la main de la défense adverse.

Pour poursuivre dans l’analogie baseball, Smith devra aussi arrêter d’effectuer ses passes comme s’il était Nolan Ryan qui lance une balle rapide au frappeur adverse.

Si j’avais une baguette magique entre les mains, j’offrirais du doigté à Smith, ce dont il manque cruellement. L’ancien récipiendaire du trophée Heisman a un bras puissant et il se fie trop sur ce dernier alors que le transfert de poids dans sa motion est déficient, ce qui affecte grandement sa précision. Il se doit donc de sacrifier un peu de force afin de décocher des passes faciles à capter et qui permettront à ses receveurs de courir après l’attrapé plutôt que de modifier leur trajectoire pour réussir la réception.

« This is our house! »

Bref, beaucoup de travail à accomplir et rapidement en plus. Les Lions débarqueront en effet au Stade Percival-Molson dès vendredi.

Il n’y a pas si longtemps encore, les équipes qui faisaient escale à Montréal savaient qu’ils allaient perdre. Ce n’est plus le cas.

Avec 12 victoires au cours d’une saison, une équipe a souvent bien des chances de terminer le calendrier régulier au sommet de sa division. Autrefois, les Alouettes remportaient aisément sept à huit de ses neuf matchs à la maison. C’est donc dire qu’ils n’avaient plus qu’à en gagner environ quatre sur la route pour sécuriser leur première place.

Si on remonte jusqu’au calendrier préparatoire de 2013, les Alouettes ont perdu sept de leurs 11 derniers matchs à domicile. Il serait plus que temps de renverser la vapeur et de renouer avec ses bonnes vieilles habitudes.

*Propos recueillis par Mikaël Filion