MONTRÉAL - Même lorsqu’il est devenu, le 10 octobre 2011, le passeur le plus prolifique de l’histoire du football professionnel, Anthony Calvillo a renoncé à des célébrations méritées avec sa famille et ses proches pour aller servir des repas à des gens dans le besoin à la Mission Bon Accueil.

Après avoir bûché pendant des années et encaissé une multitude de violents coups sur le terrain, Calvillo aurait pu s’accorder ce privilège avec des réjouissances dignes de son exploit. Mais cette anecdote témoigne de l’authenticité de cet athlète d’une humilité hors du commun qui a été honoré lundi avec le retrait de son numéro 13 qu’il a porté avec classe et respect durant sa carrière qui s’est étalée sur 20 saisons.

« Ça m’avait frappé, il venait de s’établir comme le meilleur passeur de tous les temps – et pas seulement de la LCF - mais il a honoré ses engagements. C’était sa tradition annuelle et il n’a pas changé ses plans », a confié Charles Rooke, le directeur des communications des Alouettes de Montréal, qui a pu constater son irréprochable implication communautaire à de multiples occasions.

Trois ans plus tard, celui qui a permis aux Alouettes de s’établir comme une référence dans la LCF a profité d’un hommage mérité et élogieux lundi. Pour l’occasion, ses anciens coéquipiers Tracy Ham, Mike Pringle, Bruno Heppell et Matthieu Proulx.

Devant un stade rempli par 23 069 spectacteurs, Calvillo a reçu deux chaleureuses ovations et, fidèle à son habitude, il s’est attardé à remercier ses proches, les gens de l’organisation et ses anciens coéquipiers alors que son numéro a été immortalisé en étant affiché à côté de celui de Pringle. Lui qui considère Montréal comme sa maison a conclu ses remerciements en s’adressant au public en français.

« C’était vraiment spécial, les Alouettes ont fait les choses en grand, mais j’étais si nerveux parce que je voulais quitter le terrain vers la fin et laisser les joueurs compléter le match. En tant qu’athlète, je me souviens que ce n’était pas facile quand de telles présentations s’étiraient », a déclaré Calvillo qui ne voulait pas empiéter sur la routine des joueurs.

Débordant de modestie, l’Américain de 42 ans a même enchaîné avec cette phrase qui résume sa personnalité à merveille.

« Un jour, dans 30 ou 40 ans, quand les Alouettes procéderont au retrait d’un numéro, ce sera aux gens présents de se demander qui j’étais en regardant mon nom au loin parce que c’est ainsi que ça fonctionne. Je suis seulement content d’avoir fait partie de cette grande organisation », a avancé Calvillo qui risque plutôt de ne jamais être oublié par les amateurs.

Le héros de la journée, qui semblait avoir divulgué certains de ses secrets à Jonathan Crompton, a réitéré qu’il se dédiera au métier d’entraîneur dès 2015.

« Le plan demeure devenir entraîneur, je veux contribuer le plus que je pourrai l’an prochain, mais on verra ce qui se présentera », a noté celui qui n’est pas du style à s’imposer.

Les membres des Alouettes – dont plusieurs ont partagé une partie de leur carrière avec Calvillo - ont pu apprécier les dernières minutes de la présentation.

« C’était une journée spéciale, nous avons écourté notre travail à la mi-temps pour permettre aux joueurs d’assister à la fin de l’hommage », a expliqué l’entraîneur Tom Higgins qui admettait que sa troupe désirait encore plus l’emporter dans de telles circonstances.

Les invités présents, incluant Brett Favre par vidéo, ont souligné l’étendue de son talent, mais surtout son altruisme, son sens de l’équité envers tous ceux qu’il a côtoyés et son énorme influence sur l’équipe au fil des ans.

« Il a été une vraie éponge et j’avais remarqué qu’il possédait du talent dès son arrivée. C’est fabuleux de voir comment il s’est développé avec le temps », a souligné Ham.

« On dit souvent que je lui ai servi de mentor, mais tout le mérite lui revient pour cette carrière glorieuse. Je me suis seulement assuré de lui transmettre les connaissances de la LCF dont j’avais hérité de Damon Allen et Matt Dunigan », a-t-il ajouté.  

« Il écoutait les conseils de Tracy qui était sincère dans l’intention de lui passer le flambeau. Il avait ce désir d’atteindre son plein potentiel et je recherchais avant tout ce désir chez les athlètes autour de moi », a reconnu Pringle qui savait que l’équipe pourrait s’imposer par la passe grâce à lui.

Probablement motivés par la cérémonie pour l’illustre quart – ainsi que l’importance du match pour accéder aux éliminatoires – Duron Carter et Brandon London ont brillé comme les receveurs pouvaient le faire à l’époque de Calvillo.

Professionnel jusqu’au bout des doigts

La réalité du sport étant ce qu’elle est, les athlètes demeurent jugés pour leur rendement sur le terrain et en particulier lors des matchs d’envergure. À ce sujet, Calvillo a souvent été critiqué pour son bilan de 3-5 lors des matchs de la coupe Grey, mais il a toujours maintenu un grand professionnalisme face à cette réalité.    

« Il a été questionné si souvent à propos des insuccès de l’équipe à la coupe Grey et il a toujours gardé son calme sans démontrer un seul signe d’impatience », s’est souvenu David Arsenault qui occupe le rôle de descripteur des parties à RDS après avoir couvert les activités de l’équipe pendant plusieurs saisons.

Anthony Calvillo« Après la défaite à la coupe Grey de 2008, alors que Montréal devait gagner le championnat devant ses partisans, on était dans le vestiaire du Stade olympique et je ne me sentais pas gros dans mes culottes puisque je devais lui demander comment il se sentait avec sa fiche de 1-5 à la coupe Grey. Il aurait pu se fâcher, dire qu’il était tanné de parler de cela et que personne ne voulait perdre ce match, mais il a conservé son approche très professionnelle », a vanté Arsenault.

En aidant les siens à soulever le précieux trophée en 2009 et 2010 sous les ordres de Marc Trestman, Calvillo a redoré son blason dans les matchs décisifs et l’analyste Matthieu Proulx se souvient d’un discours marquant, mais rare, de son ancien coéquipier.

« En 2009, il avait connu une première demie très difficile avec ses receveurs alors que rien ne fonctionnait. C’était 17-3 à la demie et on commençait à se demander si le scénario de la défaite n’allait pas se répéter une fois de plus… On ressentait une sorte de panique dans le vestiaire et Marc Trestman a été le premier à parler au groupe ce qui a aidé à calmer les joueurs », a raconté Proulx.

« Ensuite, ce fut au tour d’Anthony de se lever. Il avait dit que si notre défense pouvait arrêter les Roughriders sur la première séquence du troisième quart, nous allions marquer des points sur celle suivante et il avait tenu parole ce qui avait amorcé notre remontée. Il avait insufflé une confiance à l’équipe alors qu’on aurait pu s’imaginer qu’il aurait pu être affecté par ses défaites passées », a poursuivi l’ancien maraudeur.

Arsenault vise juste en mentionnant que l’ajout de Calvillo a sans contredit été le meilleur coup du directeur général Jim Popp. Cependant, AC n’a pas toujours laissé croire qu’il allait réécrire le livre des records de la Ligue canadienne de football.

L’ayant connu à ses premières années avec les Alouettes, Pierre Vercheval a assisté à l’éclosion – ou même la métamorphose – de ce quart-arrière.

« Je l’ai vu devenir un professionnel et se rebâtir une confiance. Il a accepté de prendre un pas de recul en arrivant à Montréal et il a appris de Tracy Ham qui a été très généreux pour lui confier son savoir. Ensuite, il a œuvré dans un système qui était d’abord basé sur Mike Pringle donc il avait moins de pression sur les épaules au départ », a rappelé Vercheval avant la conquête de la coupe Grey des Alouettes en 2002, la première pour Montréal depuis 1977.

Calvillo a ensuite été identifié comme le nouveau visage de l’organisation avec l’influence de l’entraîneur Don Matthews qui a pris les commandes de l’équipe en 2002.  

Reconnu comme un chic type, Calvillo était loin d’être celui qui divertissait ses coéquipiers avec des blagues ou des pitreries et il se serait sans doute davantage rapproché du public en développant un petit vocabulaire français, mais c’est avec ses exploits sur le terrain et ses qualités humaines qu’il aura laissé sa marque.

Comme le soulignait Heppell, Calvillo respectait tous ses coéquipiers, mais il prenait même le temps de connaître les nouveaux employés de l’organisation.

« À l’époque, je commençais comme stagiaire avec les Alouettes lors de leur camp d’entraînement à St-Jean-sur-Richelieu et je devais aller le voir pour lui expliquer les demandes médiatiques de la journée. Je me suis présenté brièvement pour ne pas trop le déranger et il a plutôt insisté pour que je lui parle de moi et qu’on fasse connaissance avant de parler du travail », s’est remémoré Olivier Poulin qui occupe maintenant le rôle de gestionnaire des communications de la LCF.

« Il a insisté pour me dire que c’était toujours le côté personnel qui importait et ensuite le boulot. D’ailleurs, lui et Ben Cahoon étaient deux joueurs qui agissaient de la même façon et ils m’appelaient toujours par mon prénom en faisant attention de le prononcer à la française par respect », a enchaîné Poulin avec reconnaissance.

Dans un marché aussi exigeant que celui de Montréal, Calvillo aura surmonté son lot de critiques et sa contribution reçoit maintenant plus de mérite. C’est encore plus vrai dans une saison aussi éprouvante que celle de 2014 alors qu’un athlète de sa trempe aurait un impact considérable.