L’ancien joueur en moi est bien content de voir les joueurs et les entraîneurs des Alouettes de Montréal avoir enfin l’occasion de célébrer. Cette série de 13 défaites a été une période plus que pénible pour tout le monde, autant l’organisation que les amateurs. Personne ne faisait exprès de mal jouer ou de perdre. Ils sont tous professionnels, ils font tous de leur mieux, ils travaillent fort et sont enfin récompensés. C’est encourageant.

Ce qu'on a vu samedi face aux Roughriders de la Saskatchewan, c’est un peu la recette que je voyais les Alouettes utiliser cette saison afin de gagner. Quand on regarde la façon que l’équipe est bâtie, on a clairement mis beaucoup d’énergie pour avoir une défense solide. On a des outils pour avoir des unités spéciales fiables et c’est ce qu’on a vu. La recette, c’est : être solide en défense, être solide sur les unités spéciales, provoquer des revirements, donner des séquences supplémentaires et de courts terrains à l’attaque, et espérer que l’attaque en fasse juste assez. C’est ce qui est arrivé en fin de semaine. 

Par contre, et c’est le cas de le dire, l'attaque en a fait JUSTE assez et ce n’était pas joli. Il faudra qu’elle en fasse un peu plus dans le futur. On s’est fait offrir sur un plateau d’argent des positionnements sur le terrain exceptionnels par les Roughriders, et les Als n’ont pas profité de leurs chances. Ces derniers ont eu 19 séquences offensives, dont 9 où ils ont simplement fait deux jeux suivis d’un botté. De ces 9, une fois on n’a pas gagné une seule verge et à sept reprises on en a même perdues. Cinq séquences ont débuté dans le territoire des Riders, mais les Als n’ont fait que deux bottés de placement et deux bottés de dégagement en plus d’avoir été victimes d’un revirement sur l’échappé de Drew Willy. Si on fait la moyenne des 19 séquences, les Alouettes ont pris le ballon à leur ligne de 44. C’est dur de faire mieux au niveau du positionnement, mais on n’en a pas profité assez, donc la prochaine fois qu’on affrontera une attaque plus dynamique avec son quart-arrière no 1, on ne pourra pas se permettre de ne pas capitaliser là-dessus. Les Moineaux ont été 3 en 20 sur les deuxièmes essais (15 % de réussite) et ont concrétisé seulement 10 premiers jeux pour 229 verges d’attaque. Une chance qu’ils ont réussi de gros jeux : sur les 229 verges d’attaque nette, il y a 174 verges réparties sur trois jeux, ce qui représente 76 % du total (48 verges à B.J. Cunningham, 79 à Chris Williams et un autre jeu de 46 verges à Williams). Si on est incapable d’aller chercher des premiers jeux et de faire avancer le ballon de façon méthodique, il faut sortir le grand coup. Heureusement on a été en mesure d’y parvenir.

Le Chris Williams des beaux jours

Alouettes 23 - Roughriders 17

Voilà qui me permet de parler davantage du no 3. Ça ressemblait au Chris Williams des belles années. C’est pour ça qu’on est allé le chercher, pour faire des coups de circuit. Visiblement, il semble complètement remis de sa blessure à un genou.

On parle toujours du football comme un sport de stratégies, et c’est vrai que c’est un jeu d’échecs, mais parfois, c’est simplement une affaire de confrontations. Il faut chercher le bon duel. Contre Duron Carter, Williams était supérieur et a donné l’avantage aux Alouettes. Ils l’ont eu pour cible au moins cinq fois et ç’a notamment donné un long touché, un long jeu et une pénalité de rudesse contre Carter. Malgré un ballon échappé et une passe trop courte, chaque fois Williams était démarqué et il y avait un potentiel de succès. Parfois il ne faut pas se casser la tête : quand on pense qu’il y a un duel qu’on peut gagner, il faut l’exploiter au maximum tant que l’adversaire ne s’est pas ajusté. Bref, j’ai aimé la sélection des jeux.

Soirée difficile pour Sutton

Ç’a toutefois été un match plus difficile pour Tyrell Sutton.

Les Alouettes freinent leur séquence de 13 revers

Il est rare que les Alouettes aient les devants à la mi-temps, et c’était même toujours le cas au quatrième quart. On se disait que Sutton allait enfin pouvoir en profiter, qu'il pourrait toucher au ballon et aider à protéger l’avance. Il a plutôt totalisé 11 courses pour un maigre total de 20 verges, soit 1,8 verge par course. Il a en plus été victime d’un échappé. Par contre, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en regardant les stratégies défensives des Riders, le mandat no 1 était clairement d’enlever Sutton de l’équation. On voulait défier l’attaque aérienne des Alouettes, croyant que ces derniers ne pourraient pas les battre avec leurs quarts-arrières et leurs receveurs. Il y avait souvent trop de joueurs dans la boîte défensive et pas assez de bloqueurs, ce qui fait que Sutton se faisait déjà frapper avant même d’arriver à la ligne d’engagement pour une perte de terrain. J’ai l’impression que le maraudeur de la Saskatchewan a passé plus de temps sur la ligne défensive que dans la tertiaire tellement la Saskatchewan amenait des joueurs supplémentaires dans le front défensif. On voulait enlever le jeu au sol et on a réussi à le faire. C’est vrai que la ligne à l’attaque ne faisait pas toujours les meilleurs blocs, mais en général, les Riders défiaient les Alouettes de lancer le ballon.

D’un autre côté, c’est grâce à cela que Chris Williams a pu obtenir plus d’espace à un contre un. Si tu mets plus d’énergie à contrer le jeu au sol, ça laisse moins de joueurs pour couvrir les receveurs. Logiquement, quand tu veux enlever quelque chose à une attaque, tu concèdes autre chose à l’attaque. Les Alouettes ont pu en profiter à quelques reprises.

Toujours au niveau de l’attaque, je souhaite féliciter Jeff Mathews qui a répondu présent en relève à Drew Willy derrière le centre car ce dernier était blessé. Les Alouettes étaient en contrôle de la rencontre pendant un bon moment mais il y a eu beaucoup d’adversité au quatrième quart. Ils menaient 17-6 au début du quatrième quart, et tout d’un coup les Riders se sont rapprochés grâce à un touché, un botté de précision après l’échappé de Sutton et un autre botté de précision, si bien que c’était soudainement devenu 17-15. J’ai adoré la réponse des joueurs, ils ne se sont pas découragés. Même que Mathews a orchestré la plus longue séquence des Alouettes en termes de jeux. Sa séquence de huit jeux et 61 verges a mené à un placement et a porté la marque à 20-15. Avant cela, la plus longue séquence était de cinq jeux seulement. Mathews a été quatre en quatre pour des gains de 57 verges tout en brûlant 4 minutes au cadran, et c’est non négligeable, surtout sur la route et devant une foule adverse qui avait repris vie. C’est sans oublier le retour de botté de Stefan Logan qui a mené à un autre placement ainsi que l’interception de Najee Murray.

La défense et les unités spéciales font le travail

Évidemment, la défense s’est bien reprise après la semaine dernière. Je suis conscient que la Saskatchewan ne jouait pas avec ses meilleurs éléments au poste de quart, mais contre les réservistes, la défense a fait ce qu’elle devait faire : dominer. En défense, l’important est de quitter le terrain le plus vite possible et de redonner le ballon aux siens. L’adversaire a converti seulement 6 de ses 26 deuxièmes essais et a été victime de quatre interceptions. C’était aussi important d’arrêter les jeux au sol : avec 21 courses pour 60 verges au total et une moyenne de 2,9 verges par course seulement chez les Riders, c’est mission accomplie. Quand tu arrêtes l’attaque au sol, ça rend l’adversaire unidimensionnel et après tu dois attaquer physiquement le quart-arrière avec de la pression. Les Moineaux n’ont réussi qu’un sac, mais cette statistique n’est pas tout à fait représentative de la situation. Ils ont mis beaucoup de pression sur les quarts adverses, et ce, de façon constante. Ils ont également affecté mentalement leurs rivaux avec les quatre interceptions réussies et ont été meilleurs sur les plaqués.

Sur les unités spéciales, le duo Bede-Logan a fait toute la différence. Boris Bede a fait de bons bottés de dégagement et Logan a fait de bons retours de bottés pour gagner la bataille du positionnement. En plus, Bede a été parfait sur ses placements (5 en 5) et il a même réussi deux gros plaqués, dont sur le dernier jeu de fou en fin de partie. C’est lui qui a scellé l’issue de la rencontre. D’ailleurs sur cette séquence, il y avait quelques passes latérales douteuses. Si les Riders avaient marqué, j’imagine qu’on serait allés à la reprise vidéo et je ne suis pas certain que c’était légal, mais au moins on n’a pas eu à s’en soucier au final puisqu’on a fermé les livres avant, grâce à Bede.

Côté discipline par contre, on repassera. On a encore établi des sommets avec 14 pénalités et des pertes de 139 verges. Le seul côté positif, c’est que la Saskatchewan n’a guère fait mieux avec 12 pénalités et 120 verges de perte. Ça s’annule en quelque sorte, mais ça doit absolument arrêter car ça va être difficile de gagner à nouveau si on est aussi indisciplinés. On n’est pas assez dominants pour compenser ce genre de lacunes. Malgré tout, les Als sont revenus en force et ont démontré de la fierté. C’était important de démontrer que la contreperformance face à Winnipeg n’était qu’une anomalie, que ce n’est pas représentatif de l’édition 2018 des Alouettes de Montréal. On va construire là-dessus, mais il va falloir valider ça avec une autre bonne prestation la semaine prochaine contre le Rouge et Noir, qui sera un adversaire plus coriace. Tous les matchs sont importants, mais celui-là le sera particulièrement, à la maison, contre un adversaire direct dans leur propre division. Il faut continuer de progresser. Si on offre une contreperformance, on va retourner à la case départ et le doute va s’installer à nouveau.