Partisans des Alouettes, réjouissez-vous. La saison de vos favoris n’a beau être vieille que d’une rencontre, mais déjà, ils se sont hissés au-dessus de la barre de ,500, ce qu’ils n’avaient pas réussi une seule fois l’an dernier.

Bien sûr, cette remarque se veut quelque peu sarcastique et je ne pars pas en peur, mais reste que la victoire de 22-14 acquise vendredi face aux Blue Bombers de Winnipeg a de quoi rassurer l’organisation montréalaise.

Ce gain, après l’échec de l’an dernier, les Alouettes en avaient besoin. Gagner un match de football, c’est loin d’être facile. Célébrer sa réussite dans le vestiaire par la suite est toujours plaisant, surtout quand on a pu le faire qu’en six occasions au fil de la saison précédente.

Il reste évidemment encore beaucoup de travail à accomplir pour les Alouettes et un match ne fait pas une saison, j’en suis pleinement conscient, mais un fait demeure : la troupe de Jim Popp a fait ce qu’elle devait faire, c’est-à-dire l’emporter sur la route et dans un environnement hostile. C’est sans compter qu’ils ont su maintenir leur concentration malgré l’interruption du match pendant près d’une heure au premier quart en raison des orages.

S’échauffer et repartir la machine à nouveau n’a rien d’instantané, surtout pour les joueurs un peu plus « âgés ». Des joueurs de plus de 30 ans, les Alouettes en comptent plusieurs dans leur formation, alors que les Bombers misent sur des joueurs plus jeunes. N’empêche, rien n’a paru chez les vétérans montréalais.

Sans se réjouir, les entraîneurs des deux clubs ont pour leur part sans doute accueilli cette pause inattendue avec positivisme. C’est que la semaine 1 de calendrier régulier est souvent une boîte à surprises pour eux. Après avoir été confrontés pendant quelques minutes à ce que leurs rivaux avaient de nouveau à offrir, ces entraîneurs ont profité de cette interruption pour ajuster leur stratégie.

Et, visiblement, les Alouettes ont su en profiter, car à leur premier match de la campagne, ils ont offert un rendement pour le moins positif. À commencer par l’attaque.

Au-delà des 22 points

D’abord, notons l’excellent choix de jeux de la part du coordonnateur offensif Anthony Calvillo.

Le ballon quittait rapidement les mains du quart Kevin Glenn, qui l’a distribué à huit receveurs différents au cours de la rencontre. Autant les zones courtes que celles intermédiaires et profondes ont été attaquées, et ce à droite comme à gauche.

Pas parfait, mais une victoire pour Montréal

Bref, l’attaque montréalaise n’était pas prévisible. À défaut d’être très complexe dans ces formations déployées ou encore dans sa variation du personnel envoyé sur le terrain, l’unité offensive des Alouettes a fait preuve de créativité, notamment dans le mouvement de ses receveurs avant la levée du ballon. De quoi causer des ennuis à la défense manitobaine.

Vingt-deux points marqués, ça peut sembler peu et il est vrai que quelques erreurs – l’interception de Kevin Glenn à la porte des buts, l’échappé de Tyrell Sutton à la ligne de 2 des Bombers et la pénalité annulant le touché de 39 verges de Duron Carter – auraient pu coûter très cher aux Alouettes si le match avait été plus serré.

Or, derrière ce chiffre 22, qui n’expose pas tout à fait la domination des Alouettes, se cachent d’autres nombres autrement plus positifs : 

431 : Voilà le nombre de verges de gains amassées par les Alouettes. Rarement l’an dernier les Montréalais ont offert pareille performance;

25 : Les Alouettes ont réussi 25 premiers jeux au fil de la rencontre. Une preuve que l’attaque avait du rythme, qu’elle a fait bouger le ballon avec constance et qu’elle a su soutenir des séquences de plusieurs jeux. Ce n’est donc pas à coup de gros jeux et avec un peu de chance que les Als ont grugé 431 verges au total;

33:19 : C’est le temps de possession des Alouettes. Quand tu contrôles ballon, ta défense reste fraîche et dispose;

52 % : Le taux de réussite de l’offensive montréalaise en situation de deuxième essai. Certains pourraient y dénoter un manque d’efficacité en situation de premier essai, mais ce que je remarque surtout, c’est l’habilité qu’ont eue les Alouettes à compléter des passes alors tout le monde dans le stade, surtout la défense adverse, s’attendait à un jeu aérien. En situation de deuxième essai et long, les Montréalais ont en effet excellé. En diverses situations de deuxième essai et au moins 10 verges à franchir, les Oiseaux ont notamment complété des jeux de 17, 17, 13, 13 et 16 verges.

Il faut dire que le quart Kevin Glenn, même s’il a été frappé solidement en quelques occasions, n’a été victime d’aucun sac. Il a donc généralement pu profiter d’une belle protection. Sur tous les jeux, un sixième joueur, que ce soit un joueur de ligne, un centre-arrière, un receveur ou un porteur de ballon, s’amenait en support sur le front offensif. Une protection maximale de sept ou huit joueurs sur la ligne a même été offerte au vétéran quart à quelques reprises.

Lorsque la pression a pénétré jusqu’à Glenn, ce dernier a su encaisser les chocs sans se laisser perturber par la suite. Toujours aussi calme, il n’a pas précipité ses jeux. Reste qu’on se devra de limiter autant que possible les plaqués à son endroit, car Glenn n’a pas le plus gros des gabarits.

Outre Glenn, Duron Carter a lui aussi su s’illustrer à son premier match de calendrier régulier depuis son retour de la NFL. On sait tous qu’il demeure un receveur redoutable, mais il excelle aussi sur le jeu au sol, comme en font foi ses courses de 47, 21, 16 et 10 verges réussies au cours de la rencontre. Chaque fois qu’il a couru avec le ballon, que ce soit sur un jeu reversé, un balayage rapide ou un jeu d’option vers l’avant, il a offert un premier jeu aux siens.

Ça m’impressionne toujours de voir un receveur de sa stature courir de façon aussi dynamique. Dans ses changements de direction, il a parfois l’air d’un demi offensif de 5 pieds 8 pouces. À condition qu’il demeure mature et concentré, c’est tout un joueur de football.

L’attaque des Alouettes a aussi su se faire remarquer sur la dernière séquence offensive lui étant offerte, alors qu’elle a repris le ballon avec une priorité de huit points.

Dans pareil contexte, avec environ trois minutes à écouler à un match, l’objectif d’une attaque est habituellement d’écouler le temps restant au tableau indicateur et d’empêcher son rival de toucher au ballon, ou bien de traverser le terrain, creuser l’écart et ainsi changer la dynamique du pointage en ayant un avantage de deux possessions. En bon français, mettre le match hors de portée.

Les Alouettes ont choisi la deuxième option, progressant suffisamment pour tenter un botté de précision qu’ils n’ont toutefois pas réussi en raison d’une mauvaise remise. L’attaque a néanmoins fait son travail en effectuant cinq courses successives pour un total de 37 verges, alors qu’encore une fois, tout le monde dans le stade pouvait prédire que les Montréalais allaient y aller de quelques courses.

L’une des seules choses que je pourrais reprocher à l’attaque, reprocher étant un grand mot ici, c’est son incapacité à compléter les attrapés contestés destinés à S.J. Green ou Duron Carter dans les zones profondes. Les fameux jeux de basketball où on compte sur son grand receveur pour aller saisir le ballon au-dessus de la tête de son couvreur.

Ce jeu, les Alouettes l’ont souvent tenté, surtout en deuxième demie, mais sans grands succès. Au moins, on l’a essayé.

John BowmanUne défense qui a du front

Les Blue Bombers ont beau compter sur un nouveau coordonnateur offensif en la personne de Paul LaPolice, un Drew Willy en santé, Andrew Harris et plusieurs bons receveurs, si la ligne à l’attaque ne fait pas le boulot, tout ça ne donne rien.

Le front défensif des Alouettes a malmené la ligne à l’attaque des Bombers, appliquant beaucoup de pression sur le quart Drew Willy. John Bowman était partout sur le terrain.

Alan-Michael Cash, un joueur sous-estimé, a quant à lui joué encore une fois tout un match. Ce dernier s’est notamment illustré avec neuf minutes à jouer au match, alors que les Alouettes menaient 22-4. En situation de 3e essai et 5 verges à franchir à la ligne de 9 des Alouettes, les Bombers ont à ce moment tenté un jeu d’attiré du quart-arrière.

Avec seulement quatre jours sur le front défensif pour contrer le déploiement de six receveurs des Bombers, les Alouettes ont presque été pris au piège. Alors que l’attaque de Winnipeg avait cinq joueurs de ligne en plus de Willy, les Montréalais devaient quant à eux se défendre à quatre gars sur le front; trois joueurs de ligne et un secondeur.

Au milieu de tout ça, Cash a été en mesure de se débarrasser de son couvreur et de réaliser le plaqué sur Willy, qui a ainsi été incapable d’aller chercher le premier jeu et d’éviter le revirement. Un touché aurait pu changer l’allure de cette rencontre, n’eût été du brio de Cash.

Réputée depuis plusieurs années pour frapper fort, la tertiaire des Alouettes a quant à elle démontré qu’elle est encore à craindre. Tôt dans la rencontre, Ethan Davis a donné le ton avec un solide plaqué sur le receveur vedette des Bombers Weston Dressler, qui n’a pu compléter la rencontre en raison d’une commotion cérébrale.

Quand un receveur se fait sonner de la sorte, ça envoie un percutant message aux autres joueurs de cette position de l’équipe : « Êtes-vous prêt à payer le prix? »

La perte de Dressler, c’est le cas de le dire, a fait mal aux Bombers. Le receveur, en plus d’être le teneur sur les bottés de placement, avait été impliqué directement dans trois des six jeux offensifs jusque-là tentés par les siens au moment de retraiter au vestiaire.

Rien n’est cependant parfait au sein de la défense montréalaise. Allouer un touché de 63 verges en fin de match quand tu as l’avance, ça ne doit pas se produire. C’est l’expérience qui rentre.

S.J. GreenSur un plan plus général, les Alouettes devront aussi faire preuve de plus de discipline, eux qui ont écopé de 12 pénalités pour des pertes totales de 110 verges. S.J. Green a notamment fait l’objet de trois sanctions pour un total de 30 verges, se rendant entre autres coupable de rudesse et de conduite antisportive. Le grand receveur est un fier compétiteur et c’est tout à son honneur, mais c’est un meneur de cette équipe et tous ses coéquipiers l’observent. Il doit montrer l’exemple.

Avec un peu plus de contrôle, les Alouettes auraient pu éviter plusieurs de ces pénalités.

Le groupe d’entraîneurs se devra lui aussi de passer en revue son travail lors de ce premier match. Ils devront s’attarder à leur demande de révision d’un jeu effectuée dans une situation qui ne leur permettait pas et qui leur a valu une pénalité. Chacun de ces entraîneurs se doit de connaître tous les règlements sur le bout de ses doigts.

Le touché de sûreté offert aux Bombers au quatrième quart se doit aussi d’être révisé. Les Alouettes menaient à ce moment par 18 points. En optant pour cette stratégie, ils ont fait le choix de réduire leur priorité à 16 points, donc deux possessions.

Deux touchés accompagnés de transformations de deux points séparaient peut-être les deux équipes, mais les Alouettes couraient néanmoins un risque. La défense jouait bien, tout comme le botteur Boris Bédé, sans compter que le retourneur des Bombers avaient jusque-là été contenu. Pourquoi pas faire confiance à la défense?

Voilà le genre de question que les entraîneurs se poseront peut-être lors de leur tour de table. Reste qu’ils pourront toujours se dire qu’ils ont fait ce qui importait le plus : amorcer la saison avec une victoire.

À eux d’en ajouter une autre et de bâtir cette fiche gagnante à l’occasion de la visite du Rouge et Noir d’Ottawa jeudi soir.

*Propos recueillis par Mikaël Filion