MONTRÉAL – Lorsqu’Andrew Luck a annoncé sa retraite, moins d’un mois avant le lancement de la saison de la NFL, il aurait fallu être fou pour prédire que les Colts d’Indianapolis se hisseraient au sommet de leur division.

 

Voilà le petit miracle accompli par les Colts (5-2) et leur entraîneur des quarts-arrières qui est nul autre que Marcus Brady, l’ancien des Alouettes de Montréal.

 

Avant de s’y attarder, on doit relever la fascinante histoire qui a ouvert les portes de la NFL à Brady. En 2010, Marc Trestman dirigeait les Alouettes et il avait convaincu Frank Reich de participer à une portion du camp d’entraînement comme entraîneur invité. À ce moment, Brady agissait comme entraîneur des receveurs sous Trestman et Scott Milanovich, le coordonnateur offensif.

 

« C’était la première fois que je rencontrais Frank. C’était bref, mais j’avais pu établir un premier contact avec lui », a expliqué Brady en admettant que ce fut un point tournant de sa carrière.

 

« Oui, assurément. Scott et Marc m’ont aidé à obtenir ce poste via Frank. Il m’avait déjà vu, il savait avec qui j’avais travaillé. Il avait confiance en leur avis respectif pour que je puisse me joindre à son groupe d’entraîneurs », a poursuivi l’homme de 40 ans.

 

Comme il évoquait, Reich s’est tourné vers Milanovich et Trestman quand il a dû trouver un entraîneur pour encadrer les quarts. Reich devait agir vite puisqu’il a hérité du poste après le retrait inattendu de Josh McDaniels.

 

Brady s’est donc familiarisé avec le mandat en tant qu’entraîneur adjoint des quarts et Reich l’a promu au rôle d’entraîneur des quarts pour 2019.

 

Ainsi, au quotidien, c’est lui qui a supervisé le dossier colossal de remplacer Luck. Puisque les Colts tiennent leur nom du Preakness Stakes, la prestigieuse course hippique qui se déroule à Baltimore (leur ville d’origine), on pourrait dire qu’il devait se débrouiller avec un athlète, Jacoby Brissett, sur lequel les parieurs n’ont jamais osé investir leur argent. C’était tout un changement par rapport à Luck, un talent d’exception repêché au premier rang en 2012, qui a toutefois été miné par les blessures.

 

Mais Brady a surmonté ce choc notamment parce qu’il se reconnaissait en Brissett. Durant sa carrière de joueur, Brady a rêvé de s’établir comme quart partant au niveau professionnel sauf qu’on a constamment tenté de le convertir en receveur et il a dû se résoudre à accepter un rôle de second violon derrière Anthony Calvillo à Montréal.

 

Par conséquent, il n’allait clairement pas lever le nez sur le potentiel de Brissett. Au contraire, il l’a aidé à développer son arsenal à partir de la saison 2018. D’ailleurs, Brady n’a pas tardé à déceler une faille dans sa technique qui a facilité sa vie sur le terrain. En effet, Brissett avait adopté la même technique de pas de recul que Tom Brady lors de son passage avec les Patriots de la Nouvelle-Angleterre sauf que ça ne lui convenait pas. Depuis que ce changement a été instauré, Brissett parvient à décocher ses passes plus rapidement et il peut davantage se concentrer sur les éléments à décortiquer sur le terrain pour effectuer ses décisions. 

 

« Ça se passe bien notamment parce qu’on a travaillé ensemble l’an passé. Andrew et Jacoby sont des athlètes travaillants et intelligents. Évidemment, Andrew a plus d’expérience, mais Jacoby se tire très bien d’affaire. Je considère que ça vient du fait qu’il a appris bien des choses d’Andrew. Il s’est familiarisé avec notre système et sa progression se poursuit de semaine en semaine », a exposé Brady au RDS.ca.

 

« C’est un athlète motivé, dédié et expressif. Les joueurs l’aiment beaucoup dans le vestiaire et c’est aussi le cas pour l’organisation et la communauté », a ajouté l’entraîneur à propos de Brissett.

 

Sous l’influence de Brady, le quart de 26 ans s’adapte bien à sa nouvelle réalité de partant. Il a quatre passes de touché et 326 verges aériennes dans son match le plus étoffé contre les Texans de Houston. On peut en dire autant de Brady qui a survécu admirablement à une « gestion de crise » sportive.

 

« Notre départ est intéressant cette année, mais la saison est encore bien jeune et on ne l’oublie pas », a-t-il insisté sur-le-champ.

 

La plus grande différence entre la LCF et la NFL réside dans l’ampleur du travail à effectuer. Les heures sont multipliées au sud de la frontière en particulier parce que la préparation accapare plus de temps avant la saison.

 

« On ne peut pas dire le contraire, il y a plus de travail dans la NFL. À la base, tu passes plus de temps avec les joueurs avant la saison et pendant la saison. On passe des journées complètes avec les gars et on peut instaurer un système offensif ou défensif avant le camp d’entraînement. C’est la plus grande différence avec la LCF alors que tu dois enseigner un système à de nouveaux joueurs pendant le camp ce qui limite un peu les possibilités », a-t-il comparé.

 

« Sauf que ça reste que c’est très semblable de préparer un quart-arrière pour une ligue ou l’autre », a jugé Brady qui a complété 15 passes de touché dans la LCF.

 

Brady aurait voulu connaître une carrière plus illustre sur le terrain. En rétrospective, il comprend que c’était sans doute sa destinée de bifurquer vers le métier d’entraîneur.

 

« J’avais commencé à m’y intéresser au niveau universitaire, mais je jouais dans la LCF quand je me suis imaginé dans ce rôle pour la première fois. Je réalise que la vie avait un plan pour moi. Mon parcours m’a fait aboutir ici et j’en suis très heureux », a convenu l’Américain originaire de Californie.

 

En prime, il a le bonheur de se mesurer à Milanovich, son grand complice qui occupe le même poste avec les Jaguars de Jacksonville, deux fois par saison.

 

« C’est merveilleux, on est de bons amis. Il a été mon entraîneur pendant deux ans et on a travaillé ensemble dans le groupe d’entraîneurs (à Montréal et à Toronto) pendant sept ans. Notre relation est excellente et on se revoit aussi durant la saison morte. C’est génial de voir ce qu’on a pu accomplir dans la LCF et maintenant dans la NFL », a-t-il conclu avec une touche de fierté.