Journée Bell Cause pour la Cause : Joignez-vous à la conversation

Journée Bell Cause pour la cause : pour chaque message texte, appel mobile, appel interurbain ou tweet avec le mot-clic #BellCause, Bell versera 5 ¢ pour des initiatives en santé mentale.

 

MONTRÉAL – Patrick Bordeleau a longtemps personnifié l’invincibilité. Sur la glace, il fallait s’être levé de bonne heure, et du bon pied, pour faire frémir cette pièce d’homme de 6 pieds 6 pouces et 225 livres. Engager le combat avec le grand numéro 58, c’était un peu faire le deuil d’une soirée agréable, et probablement aussi d’une bonne nuit de sommeil.

Ses talents pugilistiques l’ont mené jusqu’à la Ligue nationale. Quand Patrick Roy a été nommé entraîneur-chef de l’Avalanche du Colorado, en 2013, il a personnellement appelé l’homme fort pour lui dire qu’il tenait à ses services. Quelques jours plus tard, Bordeleau était millionnaire.

Du jour au lendemain, il s’est senti aussi inatteignable que lorsqu’il avait un adversaire au bout des poings. Il avait la sécurité financière, des coéquipiers reconnaissants, des patrons satisfaits. Que pouvait-il bien lui arriver? Il avait 27 ans, flottait sur son nuage et ne voyait pas le jour où il allait en descendre.

Moins de trois ans plus tard, une suite de malchances et de mauvaises décisions l’avait enfoncé dans les abysses de la dépression. Il sait aujourd’hui que personne n’est à l’abri d’une descente aux enfers comme celle qu’il a vécue. La drogue et le jeu compulsif lui ont coûté sa fortune, ont brisé sa famille et l’ont mené en prison, une dégringolade dont il commence à peine à se remettre. Avec humilité et courage, l’ancien redresseur de torts a accepté de raconter son histoire dans le cadre de la journée Bell Cause pour la cause.

« Ça va faire bizarre à dire – c’est sûr que je ferais les choses différemment si je le pouvais, mais d’un autre côté je ne changerais rien parce que je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui si je n’étais pas descendu aussi bas, confesse le rescapé. Par contre, si j’ai un conseil à donner à ceux qui lisent ou qui regardent, c’est de parler le plus vite possible pour éviter de se rendre là. Peu importe le problème que tu rencontres dans la vie, parles-en. »

#BellCause ; « Le plus beau moment hockey de ma carrière »

Pour Bordeleau, le problème surgit durant l’été suivant sa première saison complète dans la LNH. Un exercice de routine au gymnase lui fait ressentir un inquiétant malaise. Retour en panique au Colorado, où le pire se confirme : trois hernies et un passage obligé sur la table d’opération. À son retour au jeu, le 20 décembre, il prend un adversaire en cible dans le but de faire sentir sa présence. Il rate complètement sa mise en échec et s’éclate un genou. Il s’agira de son seul match de la saison et de son dernier dans la Ligue nationale.

L’automne suivant, au camp d’entraînement, il n’arrive plus à suivre et est cédé à la Ligue américaine.

« Ça a été un bon coup de pelle. Veux, veux pas, j’ai juste joué un an et demi dans la Ligue nationale quand tu y penses. On dirait que tout ça venait de s’écrouler d’un coup. Je suis allé dans la Ligue américaine et bien franchement, je n’étais pas là mentalement. Ça ne me tentait pas d’être là, de tout recommencer. Je voyais bien que ça descendait. Et l’équipe n’allait pas bien, le coach s’est fait mettre dehors. Est-ce que j’ai développé un problème d’attitude avec ce coach? Probablement. Je m’enfonçais de plus en plus, sans m’en rendre compte peut-être. »

Le choc survient à la fin de son association avec l’Avalanche quand, à 30 ans, Bordeleau est incapable de trouver une équipe de la Ligue américaine prête à lui offrir un contrat à un volet. Puisque les factures s’accumulent, il se résout à accepter la proposition la plus lucrative qu’on lui fait parvenir. Il part pour Cardiff, au Pays de Galles, rejoindre un club du championnat de hockey du Royaume-Uni.

« C’est là que ça a dégringolé pas mal », prévient-il.

La profondeur du baril

Bordeleau avait toujours été attiré par le jeu. À l’adolescence, alors qu’il jouait pour les Foreurs de Val-d’Or, il aimait aller « prendre un coup » avec quelques coéquipiers. « Déjà, je jouais dans les machines, dit-il. Est-ce que j’avais un problème? Non. Est-ce que je jouais trop? Probablement, oui. »

#BellCause ; « C’est là que ça a dégringolé pas mal »

L’attrait du « gambling », et parallèlement sa consommation de cocaïne, n’ont fait qu’accroître avec le temps. Bordeleau ne tentera jamais de vous convaincre qu’il était un enfant de cœur. Il aimait faire la fête et sa nature impulsive l’exposait aux excès. Il admet sans gêne qu’il n’a jamais été reconnu pour sa gestion raisonnable de son compte en banque. Mais il considère qu’il avait toujours réussi à tenir ses vices en laisse jusqu’à ce qu’il quitte pour l’Europe, laissant derrière lui un couple qui battait de l’aile et son fils d’un an et demi.

« Je n’ai pas touché le fond du baril en Angleterre, mais c’est là que le baril s’est ouvert. Il y avait un casino à deux minutes de marche de mon appartement. Je m’étais fait des amis pas trop recommandables. À chaque fois que j’avais un moment de libre, je consommais. À chaque fois que j’avais de l’argent de lousse – ou même quand je n’en avais pas – j’allais au casino. J’étais comme pris dans un engrenage, j’étais tellement malheureux. Il n’y a rien qui allait dans ma vie, je ne me reconnaissais plus. »

« Je n’ai jamais été diagnostiqué, mais c’est 100% sûr que j’ai développé une dépression sévère. »

#BellCause ; « J’ai développé une dépression sévère »

Quand Bordeleau revient au Québec à la fin de son aventure outre-mer, il croit naïvement que ses problèmes ne passeront pas les douanes. Mais le temps de se remettre du décalage horaire, les illusions s’envolent. Les dettes qu’il avait contractées pendant son départ ne font que resserrer l’étau dans lequel il est coincé.

« Avec l’enfance et la famille que j’ai eues, le moyen le plus intelligent que j’ai trouvé pour rembourser ou apaiser mes dettes, c’est d’aller vendre de la poudre. Évidemment, j’ai juste continué à consommer encore plus. »

Les contours du cercle vicieux s’enflamment alors au point d’en devenir aveuglants. Un fix qui doit être comblé plus fréquemment exacerbe le désespoir et la quête de solutions faciles, qui entraînent à leur tour un besoin grandissant de se geler pour s’évader pour oublier. « T’es manipulateur, t’es menteur. J’essayais juste de trouver des moyens de m’en sortir sans que la vérité éclate au grand jour. Mais à moment donné, la vérité a éclaté. »

#BellCause ; « J’ai perdu 63 000$ en 24 heures »

Un soir d’été, en 2018, Bordeleau prend la carte de crédit de sa conjointe, qui appartient en fait à son beau-père, et liquide 63 500$ sur un site de jeu en ligne. La dérape lui vaudra une série d’accusations criminelles et le mènera éventuellement derrière les barreaux pendant 45 jours.

« Aujourd’hui, je regrette ce que j’ai fait. C’est normal, ça ne se fait pas. Mais je l’ai fait et aujourd’hui, je suis capable de dire que je vis bien avec ça. Je n’ai pas honte de ça. Il y a du monde qui font des choses bien pires. Je le regrette à 100%, mais je n’ai pas honte parce que ça prouve à quel point j’étais malade dans ma tête. »

« Hey Gratz, c’est Bordy... »

La glissade de Bordeleau s’étire pendant une autre année avant qu’il ne tente véritablement d’aller chercher de l’aide. En mai 2019, en se relevant d’une autre cuite dans le sous-sol des parents d’un ami qui l’hébergent, il est confronté par ses hôtes, qui lui font comprendre que la thérapie est peut-être sa seule chance de survie.

« Mon chum est venu me porter. C’était un beau moment pour vrai. C’était rough! Ça rentre dedans. Mais je me suis regardé en face et j’ai dit oui, je pense que vous avez raison. Il est temps que j’aille me faire aider. C’était rendu incontrôlable. Si j’avais de la drogue, je la passais. Si j’avais de l’argent, je la jouais. »

À la Maison Jean Lapointe, un centre de réhabilitation où sont pris en charge les alcooliques, les toxicomanes et les joueurs pathologiques, Bordeleau réalise qu’on n’entre pas en thérapie comme dans une église. Sans réservation et sans argent, l’accès au centre lui est refusé. Il sait que s’il quitte, il risque de ne jamais revenir. Il décide donc de demander l’aide de la Ligue nationale, son ancien employeur. Mais qui appeler?

#BellCause ; « Des gens m’ont aidé dans ma débauche »

« Je ne savais pas trop, pour être honnête. Puis j’ai pensé à Brian McGrattan. Je m’étais battu deux fois contre lui et on va se le dire, ce n’était pas des douces. On s’était tapé sur la gueule assez solide, mais je le respectais et c’était réciproque. On avait beaucoup en commun et c’était un modèle pour moi. Alors je lui ai envoyé un message sur Facebook. "Salut Gratz, c’est Bordy... J’ai besoin de ton aide." Il m’a donné le numéro d’urgence au bureau mère de l’Association des joueurs à Toronto. » En quelques minutes, les portes du centre s’ouvraient devant lui.

« Tout au long de ma débauche, je croyais que j’étais juste un numéro pour la Ligue nationale. La Ligue ne fait pas de suivi avec ses anciens joueurs pour leur demander comment ça va dans leur vie.  J’ai longtemps dit que c’était de la marde... jusqu’à ce que je demande de l’aide. Et ça, ça me fait dire de ne pas hésiter à parler si tu as besoin d’aide, parce qu’il y a toujours quelqu’un qui va être là pour toi. T’es pas tout seul. »

#BellCause ; « Il va toujours y avoir quelqu’un pour t’aider »

La cure de désintoxication ne règle pas tous les problèmes de Patrick Bordeleau. Même sobre, le spleen s’accroche à son collet comme la main gauche d’un bagarreur. Quelques mois après sa sortie de thérapie, le matamore tourmenté se voit refuser l’accès à ses enfants et perd la carte. Il retombe dans ses vieilles habitudes, le temps d’une fin de semaine.

« Pour tous ceux qui lisent ou qui écoutent, si tu vas en thérapie, quand tu sors, utilise les outils et l’aide autour de toi. Continue de parler. Moi quand je suis sorti, j’ai eu le mauvais réflexe : je n’avais nulle part où aller, pas de travail, pas d’argent et je me suis fait une coquille. Je me suis laissé à moi-même. Je ne consommais plus, mais j’étais encore un fucking mess. Ma tête spinnait, spinnait, spinnait... Donc peu importe le problème que tu rencontres dans ta vie, parles-en. Moi c’est la plus grosse erreur que j’ai faite : arrêter de parler. »

Un baume sur les cicatrices

Bordeleau jure n’avoir rien pris depuis sa rechute. Il est sobre et il en est fier, mais il y a plus : pour la première fois depuis bien des années, il dit avoir trouvé le bonheur. Il y a un an, il a rencontré Sabrina Maisonneuve, une confidente qui est vite devenue sa conjointe. Sa nouvelle discipline de vie lui a permis de retrouver la garde partagée de ses deux garçons. Sabrina, qui a elle aussi deux enfants d’une union précédente est enceinte d’une petite fille qui s’appellera Malyana.

Dans cette famille reconstituée, Bordeleau sent qu’aucun coup ne pourrait le faire broncher. Sa vie a repris son sens et ses nouvelles priorités lui permettent de garder les pieds sur terre.

#BellCause ; « J’ai un gros rêve »

« Pour moi, la vie de gangster, c’est terminé, promet-il. Je me suis rendu compte que la seule chose dont j’ai besoin dans la vie, c’est ma famille. C’est important, pour ma tête à moi, d’être entouré des gens dont j’ai besoin 24 heures sur 24. Pour moi, c’est ma femme et mes enfants. »

Bordeleau est suivi régulièrement par un professionnel de la santé mentale avec lequel il discute de la gestion de ses émotions, de son impulsivité et de son agressivité.

« Les thérapeutes que j’ai eus depuis que je suis sorti de prison, peu importe pour quelles raisons, ils m’ont tellement aidé. Juste parler, ça fait du bien. Si tu ne parles pas, ça te gruge par en-dedans et ça gruge vite, tu ne t’en rends pas compte. Depuis que je suis sorti, j’ai pris les choses en main et j’ai beaucoup d’aide. Sab m’a aidé incroyablement. Ma mère, ma famille, mon père, tout le monde est là pour moi et la raison pourquoi ils sont là pour moi, c’est que je suis là pour moi-même. »

Certaines cicatrices de son ancienne vie ne s’effaceront jamais. Bordeleau a réglé une partie de ses dettes – « j’ai payé les gens les plus dangereux en premier! », dit-il en riant – mais il a encore plusieurs comptes en souffrance.

« Si j’ai les moyens de repayer les gens, je vais le faire. Des procédures sont en cours pour plein de choses. Mais je ne peux pas faire plus que ce que je fais. Je suis à mon affaire et mes priorités sont à la bonne place. »

Et le hockey? Bordeleau a joué 27 matchs avec les Pétroliers du Nord, dans la Ligue Nord-Américaine de hockey, avant d’entrer en prison l’année dernière. Si un club du circuit semi-professionnel veut de lui l’an prochain, il y retournera en courant. Sinon, il est en paix avec l’idée d’avoir joué son dernier match et de passer à autre chose.

L’ancien choix de quatrième ronde du Wild du Minnesota rêve d’avoir son propre centre d’entraînement où des jeunes de toutes les disciplines viendraient parfaire leur développement. Bordeleau a beau avoir gaffé plus souvent qu’à son tour, il n’aurait pas atteint la Ligue nationale sans une bonne dose de travail. Il souhaite redonner à la prochaine génération et se dit que s’il peut éloigner un seul kid des erreurs qu’il a lui-même commises, ça vaudra bien tous les millions du monde.

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