MONTRÉAL – La sélection par les Canadiens de Montréal du joueur Logan Mailloux, qui a partagé une photographie de nature sexuelle d'une femme sans son consentement, est décriée par des organismes d'aide aux victimes de violence sexuelle et des élus québécois.

« On considère que ça s'inscrit en droite ligne avec la culture du viol », dit Roxanne Ocampo-Picard, du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS). Le fait que des personnalités publiques puissent « se tirer d'affaire aussi facilement » est pour elle un signe que « collectivement, on ne prend pas ces gestes-là au sérieux ».

Logan Mailloux, âgé de 18 ans, a été condamné par un tribunal suédois à payer des amendes pour « photographie choquante portant atteinte à la vie privée » et « diffamation ». De son propre aveu, durant un rapport intime avec une jeune femme, il a pris une photo à son insu pour « la partager sans son consentement avec des coéquipiers pour les impressionner ».

Au Canada, la « publication non consensuelle d'une image intime » est, dans les cas les plus graves, « un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ».

À cause de cette affaire, le joueur des Knights de London, de la Ligue junior de l'Ontario, avait demandé aux équipes de la LNH de ne pas le repêcher cette saison-ci.

M. Mailloux a affirmé en conférence de presse virtuelle samedi être « vraiment navré » de son geste, qu'il qualifie d'« erreur stupide ». Il a aussi mentionné avoir « déjà entrepris des consultations avec des experts » et consulter une thérapeute depuis plusieurs mois pour l'aider à « vraiment saisir l'impact » qu'il a eu sur sa victime.

Lez Canadienz ont indiqué dans un communiqué vendredi ne minimiser « en aucun cas la sévérité des actions posées » par sa nouvelle recrue et se sont engagés à « lui fournir les outils pour lui permettre de prendre de la maturité et l'aide nécessaire pour le guider dans sa démarche ».

Les Canadiens de Montréal « disent que ces gestes-là sont inacceptables, mais alors pourquoi on l'accepte au sein de l'organisation? », s'est demandé Mme Ocampo-Picard, y voyant là une contradiction. L'équipe a selon elle « fait passer son propre intérêt » avant « le bien-être et la sécurité des femmes ».

« Ce dont il n'a pas été question, c'est du cheminement de la victime, de ses besoins à elle, a-t-elle ajouté, parce qu'il n'est pas le seul à devoir vivre avec la conséquence de ses actes. »

Des conséquences concrètes

« Il faudrait que les Canadiens exigent de son joueur plus que des paroles », selon la directrice de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, Manon Monastesse.

Même si elle considère qu'« on ne peut pas l'empêcher de jouer au hockey indéfiniment » et « salue le fait qu'il reconnaît que c'est un acte grave », elle souhaiterait qu'il subisse « une conséquence directe », comme « faire des heures de travaux communautaires » ou « verser une somme à des centres comme les CALACS ».

Elle s'est inquiétée du message que cela envoie aux autres jeunes, alors que les maisons d'hébergement reçoivent « une grande proportion de femmes qui sont âgées de 18 à 24 ans », une tendance « en augmentation ».

Elle s'est dite « sceptique » quant à l'idée que le problème en soit un d'« immaturité », un mot qui a été utilisé plusieurs fois par M. Mailloux, ainsi que par le directeur général des Canadiens, Marc Bergevin.

Si M. Mailloux « ne s'est même pas posé la question » avant de prendre la photographie et de la partager, cela signifie, d'après elle, qu'« il y a encore un problème sur le plan de la perception banalisée de l'image des femmes chez les jeunes hommes ».

Outrage politique sur Twitter

La décision des Canadiens de repêcher le jeune Mailloux a aussi secoué la scène politique québécoise.

La ministre québécoise de la Condition féminine, Isabelle Charest, se dit, dans un gazouillis, « surprise et déçue » du repêchage de M. Mailloux par les Canadiens « en dépit de sa condamnation suite à des gestes inacceptables ». Cela « ne va pas du tout dans le sens du changement de culture positif » qu'elle souhaiterait voir dans le milieu du sport, a-t-elle ajouté.

La « ministre de la Condition féminine se dit déçue. Elle devrait plutôt se dire scandalisée! », a rétorqué la députée libérale Christine St-Pierre.

« En repêchant un jeune accusé d'un crime sexuel, le CH envoie un terrible message: vous pouvez dégrader les femmes et vous méritez encore votre place dans notre organisation », a publié sur Twitter le porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois.