MONTRÉAL – Au chapitre des bonnes nouvelles, Claude Julien récupère très bien du malaise cardiaque qu’il a subi quelques heures après le premier match des siens contre les Flyers. D’ailleurs, il aurait même été en mesure de reprendre sa place derrière le banc si le Canadien avait éliminé Philadelphie. 

« Je vais extrêmement bien, j’ai récupéré au point que si on avait gagné vendredi, j’aurais été en route pour retourner dans la bulle samedi. J’aurais été en quarantaine pendant quatre jours et j’aurais été sûrement prêt pour revenir pour la prochaine série. J’ai eu une peur, mais qui a bien tourné. Je suis prêt à revenir et en force, à 100% », a assuré Julien dans le cadre de sa première disponibilité médiatique. 

Julien ne sentait pas venir ce malaise, mais il est heureux d’avoir rapidement contacté Graham Rynbend, le thérapeute du club, et d’avoir choisi de se rendre à l’hôpital même si ça impliquait de sortir de la bulle. Ce n’était pas évident pour lui de devoir quitter sa formation. 

« Mais, au final, la santé et la famille passent en premier. J’ai pris la décision avec le support de Graham et du Dr. Mulder qui était au téléphone. On m’a vraiment encouragé aller à l’hôpital. Je suis extrêmement content d’avoir pris cette décision et d’avoir été encouragé à la prendre. On ne le réalise jamais à quel point ça peut être dangereux », a admis Julien qui s’est fait poser une endoprothès (stent) dans une artère coronaire partiellement bloquée pour ensuite retourner à Montréal afin de se reposer. 

Une telle situation incite toujours à la réflexion et Julien a rapidement déduit qu’il tenait à poursuivre son travail avec le Tricolore. Bien sûr, il a eu des discussions sérieuses avec son épouse, mais sa famille le soutient dans cette décision.

« Je ne dirais pas que c’est normal, mais ça arrive régulièrement. J’ai été en contact avec d’autres entraîneurs qui sont passés par là et ils travaillent encore derrière le banc. Je ne suis pas le premier et je ne serai pas le dernier. On m’a dit que je vais récupérer à 100% incluant le cœur et c’est ainsi que je me sens. De ce côté, ma famille me supporte beaucoup, elle sait que j’aime beaucoup ce que je fais et ça n’indique pas d’autres dangers à venir », a détaillé l’entraîneur de 60 ans. 

« Comme personne, tu ne t’attends pas à ça. Tu es un ancien athlète et entouré d’un milieu sportif. J’ai été pris un peu par surprise », a noté Julien qui a déjà commencé à procéder à certains ajustements dans son style de vie. 

Au passage, Julien a profité pour vanter le travail de la LNH par rapport au concept de la bulle. 

« La LNH a fait tout un travail pour nous faire sentir en sécurité. C’est sûr qu’il y a toujours des défis dans une situation comme celle-ci, mais ils ont fait le mieux possible pour rendre le tout plaisant. Je peux dire que je n’ai pas haï le séjour là-bas. Au contraire, la LNH mérite du crédit », a-t-il déclaré. 

Pas facile de regarder les matchs dans son salon

N’empêche que ça devait être très particulier pour Julien de regarder le reste de la série à la télévision surtout que les entraîneurs aiment s’attarder sur les détails pour aider leur troupe. Il ne cache pas que ça le rendait nettement plus nerveux. 

« Oh oui, justement, c’est ce que j’ai ressenti. Je suis beaucoup plus à l’aise derrière banc que de regarder à la télé. J’ai un certain contrôle derrière le banc », a-t-il lancé en riant.  

À ce sujet, il est demeuré en contact quotidiennement avec Kirk Muller, qui l’a remplacé, pour donner son opinion tout en lui laissant de la liberté. 

« Comme Kirk a dit, on avait notre plan et on devait continuer dans ce sens. Le plan n’a pas changé. La seule chose que je me suis assuré de faire, c’est de prendre un pas de recul pour qu’il dirige comme il le souhaitait afin qu’il soit confortable. Les trois entraîneurs ont de l’expérience en chef à différents niveaux, ils ont fait du bon travail jusqu’à la fin », a précisé Julien. 

« Kirk a fait un très bon travail, je me sentais confiant qu’il pouvait continuer à faire ce qu’on avait entamé. Je leur lève mon chapeau et je me suis assuré de les remercier. Ce n’est pas un mandat facile de remplacer un entraîneur et de continuer dans la même direction », a ajouté l’entraîneur du CH. 

Julien répond à Danault et félicite les jeunes 

Le reste de l’aventure éliminatoire a permis à Julien de constater ce qui se dessinait déjà depuis l’arrivée à Toronto. D’un côté, il y a eu l’émergence des jeunes Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi. De l’autre, Phillip Danault a exercé un rôle plus défensif. 

À propos de Danault, Julien était bien au fait de ses commentaires de mardi selon lesquels il ne se sent pas prêt à se consacrer à un rôle défensif. On ignore si sa réponse sera suffisante pour rassurer Danault. 

« Dans hockey d’aujourd’hui, tu as besoin que tout le monde puisse produire. On le voit avec les bonnes équipes et ceux qui ont de la difficulté, ils manquent de production de quelques attaquants. Ce que j’aime de notre situation, c’est qu’on semble devenir plus solide au centre qu’on ne l’a jamais été », a retenu Julien. 

« Quand tu vois ce que Phil a fait pendant toutes ces années, un Suzuki qui a de telles performances et Kotkaniemi qui a fait la même chose, ça nous donne de la profondeur au centre. Il n’est pas question que j’arrive à Phillip ‘Écoute, je ne veux plus que tu marques de buts, je veux seulement que tu sois un joueur qui défend'. Depuis que je suis arrivé, il a presque toujours joué contre les meilleurs trios et il est capable contribuer des deux côtés, voilà ce que j’attends de lui et j’espère que ça va continuer », a-t-il enchaîné sans rien lui assurer concrètement et ça se comprend. 

En ce qui concerne les jeunes, Julien ne pourrait pas s’en réjouir davantage. Leur évolution lui permet de leur confier des mandats plus importants. 

« C’était vraiment plaisant et encourageant de voir les jeunes ‘tourner le coin’ parce que tu ne gaspilles pas le leadership des vétérans. C’est un signe très positif que j’ai vu en regardant ces matchs. Quand on repartira, on voudra partir de là et continuer de grandir », a exposé l’entraîneur d’expérience. 

« Il y a eu beaucoup plus de de positif que de négatif. Les gars n’ont jamais abandonné et on a assisté à de belles choses des jeunes et de nos meneurs. Je suis très encouragé par ce que j’ai vu », a déterminé Julien. 

D’après son analyse, les blessures hâtives cette saison à des éléments importants comme Paul Byron et Jonathan Drouin ont miné le potentiel de sa troupe puisque les jeunes n’étaient pas prêts à assurer la relève à ce moment. 

« Plusieurs choses sont arrivées dans la saison nous empêchant de voir ce qu’on a constaté en séries », a indiqué Julien qui se réjouit donc d’observer que le lien se crée désormais entre son groupe de vétérans et la relève. 

Du côté des déceptions, Max Domi n’a pas démontré autant de solidité qu’à sa première saison avec le Tricolore. Si Marc Bergevin a été direct dans son analyse à son égard disant qu’il devait se prendre en mains, Julien a été plus prudent. 

« Il s’est éloigné de la mentalité de tirer au filet. Il aime beaucoup fabriquer les jeux. Ce petit ajustement pourrait le replacer. On a essayé de créer un quatrième trio avec lui au centre et on a fait des changements en le déplaçant à l’aile pour avoir de la production de sa part », a-t-il expliqué. 

Un allié de qualité pour Price et du renfort en attaque

Julien ne veut pas s’immiscer publiquement dans le travail de Bergevin, mais c’est évident qu’il souhaite un peu de renfort et ça commence par du soutien à Carey Price. 

« Il y a assurément des ajustements qu’on peut faire, Marc y a fait allusion. Quand Carey est en santé, il est un gardien incroyable. Les équipes qui ont beaucoup de succès peuvent généralement se fier sur un tandem. On ne dit pas que Carey doit partager le filet, mais on doit lui enlever un peu du fardeau pour voir ce gardien des séries plus souvent qu’autrement », a-t-il rappelé.

Julien espère une brigade défensive avec plus de profondeur notamment grâce à l’ajout d’Alexander Romanov. En attaque, il serait le dernier à refuser un attaquant imposant.  

« Ça ne nuit jamais, mais il faut être efficace aussi. Si gros joueur peut aider notre club, on va assurément sauter dessus. Mais on veut surtout un club qui peut épuiser nos adversaires avec nos quatre trios comme les Islanders le font présentement. Je pense que c’est la clé pour nous », a souligné Julien qui veut voir son équipe aspirer à la coupe Stanley. 

En terminant, Julien a été touché par la vague de soutien à son endroit. « Ça m’a aidé à bien récupérer. Autant que c’est un travail difficile, les gens l’apprécient. Je remercie tout le monde de m’avoir aidé. »

Il ne risquerait jamais sa vie pour demeurer derrière un banc de la LNH, mais il a conclu que, présentement, ce serait plus nocif pour sa santé de se retirer puisqu’il serait privé de ce qu’il aime tant.