Claude Quenneville appartient à la petite histoire de La Soirée du hockey, à Radio-Canada, le premier réseau de télévision à avoir fait pénétrer le Canadien dans nos chaumières, il y a 66 ans. Il a été le dernier descripteur d’une coupe Stanley à cette antenne. Le dernier à l’avoir fait, peu importe le réseau, d’ailleurs.

Claude est un jeune retraité de 68 ans. Après avoir été la voix du Canadien à la radio de 1982 à 1990, il est allé chausser les immenses souliers de René Lecavalier et de Richard Garneau à La Soirée du hockey, un poste qu’il a occupé jusqu’à ce que la société d’État abandonne ses droits sur le hockey, notamment au profit de RDS.

Il ne l’a pas eu facile depuis qu’il est rentré dans ses terres après une carrière de 40 ans à Radio-Canada. Quelques mois à peine après avoir annoncé son départ, il a été frappé par une rare forme de cancer qui s’attaque aux nerfs de ses jambes, de ses mains et de sa langue, ce qui lui cause des difficultés d’élocution.

« Je respire. C’est vraiment tout ce qui compte », dit-il avec un brin de nonchalance dans la voix.

Quenneville n’a jamais été très émotif. Quand la maladie a frappé, il ne s’est pas écroulé même si pendant deux ans, il a traversé des moments très difficiles au cours desquels les recherches sur son cancer et sur le traitement approprié qu’il a fallu identifier ont été des périodes longues et astreignantes. Si les spécialistes voient juste, il pourrait être là pendant 15 ou 20 ans encore, croit-il.

« C’est un cancer qui ne se guérit pas. Il faut en garder le contrôle et c’est ce que la médecine s’applique à faire. On veille à ce que les choses ne progressent pas trop rapidement. Bref, j’en ai encore pour longtemps à faire suer le monde », ajoute-t-il dans un éclat de rire.

S’il reste plutôt froid au sujet de son état de santé, il ne fallait pas trop s’attendre à ce qu’il démontre de l’émotion en s’écoutant décrire les derniers instants qui ont confirmé la victoire du Canadien et la 24e coupe Stanley de son histoire, en juin 1993.

« Cela n’a pas ressassé beaucoup de souvenirs, admet-il. Je ne suis pas attaché aux choses ou aux évènements qui ont marqué ma carrière. Quand la saison prenait fin, je lançais mon veston bleu poudre à la poubelle et je revenais au boulot l’automne suivant. »

Claude Quenneville

Il a néanmoins quelques précieux souvenirs en tête. L’un des plus particuliers concerne ce qui s’est passé quelques instants avant le premier match d’une série Canadiens-Bruins, dans le vieux Garden de Boston, en 1994. Seul dans la cabine des commentateurs, il révisait ses notes quand il a aperçu Jacques Demers, derrière le banc, une petite bible à la main, en train de prier dans un édifice totalement désert.

« Jacques avait sa routine. Il croyait en ce genre de chose. J’avais avisé l’équipe technique qui avait filmé la scène à son insu », rappelle-t-il.

À l’époque, l’équipe de La Soirée du hockey formait un groupe tissé serré. Les René Lecavalier, Jean-Maurice Bailly, Richard Garneau, Lionel Duval, Jean Pagé, Camil Dubé, Quenneville et Gilles Tremblay étaient considérés comme une référence en matière de hockey. On les sentait indissociables. Quand les droits de retransmission sont passés dans d’autres mains, se brancher à RDS est devenu la nouvelle marche à suivre, le nouveau groupe à adopter.

Le hockey a beaucoup changé, tant sur la glace qu’au petit écran. Le jeu est devenu si rapide que Claude admet d’emblée qu’il aurait probablement de la difficulté à en suivre le rythme aujourd’hui. Il a beaucoup d’admiration pour Pierre Houde qu’il classe parmi les meilleurs descripteurs de la profession, sinon le meilleur. Il a louangé pendant longtemps l’analyste Gilles Tremblay, mais il considère aujourd’hui que Marc Denis est le meilleur analyste qu’il ait entendu, toutes époques confondues.

« On a souvent fait l’éloge de Gilles, mais son vocabulaire était plus limité, explique-t-il. Je ne le blâme pas ; il a travaillé très fort. Mais Denis, c’est autre chose. Il offre une analyse tellement intéressante du jeu et son français est sans reproche. »

Une situation qu’il ne dramatise pas

Si on ne faisait pas allusion à sa maladie, Quenneville n’en parlerait pas. Comme s’il avait tourné la page sur une terrible malchance qui aurait pu avoir de graves conséquences sur sa vie. Pour lui, le cancer ne représente pas une bataille constante à livrer. Il a tout accepté. Tout est beau, admet-il.

« J’ai visité l’Espagne et dans quatre mois, si ma santé le permet, j’irai en Italie, dit-il. Je ne m’arrête pas pour ça. Je porte des orthèses qui m’aident à marcher et j’utilise une canne. Je ne me prive de rien, même si je sors peu. Je ne dramatise rien. Cela ne m’apporterait rien de rester à la maison en m’apitoyant sur mon sort. Ça ne se soigne pas, c’est tout. »

Retour sur l’événement

J’ignore l’identité de celui qui a planifié la commémoration de la dernière coupe Stanley du Canadien, mais la cérémonie est loin d’avoir fait l’unanimité. L’équipe de 1993 a représenté un groupe très uni. Or, en présentant les joueurs au public, on n’a pas tenu compte de cette belle unité en les éparpillant un peu partout dans le Centre Bell.

À ce chapitre, Ray Lalonde n’a pas été remplacé. Il ne faisait pas l’unanimité au sein de l’entreprise parce qu’il avait une façon très rigide de faire les choses, mais il n’avait pas son pareil pour organiser un évènement spécial. C’est lui qui avait fait du centenaire du Canadien une fête réussie sur toute la ligne.

On ne doute pas une seconde qu’avec Lalonde dans le décor, tous les joueurs se seraient retrouvés au centre de la patinoire, autour de la coupe Stanley, pour une photo d’équipe, comme en 1993. Et Jacques Demers serait probablement entré sur la glace dans un fauteuil roulant poussé par Serge Savard, ce qui aurait tiré quelques larmes aux plus sensibles.

Le Canadien, qui a toujours fait bande à part en matière de célébrations, en a beaucoup perdu sur ce plan ces dernières années.