BUFFALO – Attendez un peu avant de lancer les tomates. Aucun animal n’a été maltraité dans la rédaction de cette manchette. On fait juste jaser.

Cutter Gauthier, donc. Les plus cyniques diront que c’est ce qui arrive quand tout a été dit sur Shane Wright et qu’il reste encore un mois pour vendre de la copie. Ceux-là ont probablement déjà arrêté de lire et sont présentement en train de se défaire les jointures tout en bas dans les commentaires.

À ceux qui sont encore avec nous, sachez que ce nom n’est pas apparu par hasard dans nos cogitations. Il est sorti pour la première fois de la bouche d’un recruteur de la Ligue nationale dans une discussion qu'on avait amorcée au sujet du dilemme qui attendait le Canadien avec sa première sélection au prochain repêchage.

« Je vais te lancer une balle courbe, nous a prévenu notre source lorsqu’on lui a partagé nos interrogations quant à l’utilisation que fera Kent Hughes de l’as qu’il a dans sa manche. Je ne suis pas sûr que Cutter Gauthier ne sera pas meilleur que Wright à long terme. »

« C’est un gars dont personne ne parle, a-t-il enchaîné. Il a joué avec [Logan] Cooley cette année alors souvent, ils l’ont fait jouer à l’aile plutôt qu’au centre. Mais il a des capacités pour jouer au centre et il vient plus dans le moule physique de Shane Wright. Moi, en tout cas, je ne tombe pas en bas de ma chaise s’il fait un meilleur joueur de hockey [que Wright] dans cinq ans. »

Pour la question de la position, voici l’heure juste. Gauthier a effectivement été muté à l’aile gauche dans la deuxième portion de la dernière campagne afin d’évoluer sur un trio complété par Cooley et un autre possible choix de première ronde, l’ailier droit Jimmy Snuggerud. Mais il a joué au centre de façon intermittente dans le passé et il y sera formé à temps plein dès l’an prochain alors qu’il amorcera sa carrière universitaire à Boston College.

« J’ai eu l’impression d’être pas mal dominant ces dernières années dans ce rôle, autant dans la façon dont je dictais le jeu que dans ma manière de défendre. C’est un virage que j’ai hâte d’effectuer », a-t-il exprimé en fin de semaine au camp d’évaluation des espoirs à Buffalo.

Gauthier est né en Suède à la fin de la carrière de joueur de son père Sean, un Franco-Ontarien de Sudbury (le fils ne maîtrise pas la langue de Molière) qui a été un lointain choix au repêchage des Jets de Winnipeg à la position de gardien. Sa famille a ensuite déménagé en Arizona où il a été initié au hockey. Il s’est une fois de plus déraciné au début de l’adolescence pour poursuivre son développement dans un réputé programme de la région de Detroit.

Petit Cutter est rapidement devenu grand et gros. La Centrale de recrutement de la LNH le répertorie officiellement à 6 pieds 2 pouces et 189 livres. Physiquement, il est clairement de cette catégorie de jeunes qui deviennent des hommes plus rapidement que la moyenne.

Son talent aussi saute aux yeux. Il a marqué 34 buts et récolté 65 points en 54 matchs avec le programme américain des moins de 18 ans cette saison. Au championnat du monde U18, il a ajouté neuf points en six parties. On dit que son tir est sa plus grande qualité, qu’il est un grand compétiteur et que son coup de patin n’est pas piqué des vers non plus. Gauthier se compare lui-même à Mark Scheifele et Pierre-Luc Dubois, des comparaisons qui reviennent dans nos discussions avec les recruteurs.

« C’est certainement un rêve d’être le tout premier choix au repêchage. On n’entend pas beaucoup mon nom parmi les possibilités, mais je pense assurément que je peux faire partie de cette conversation », clame-t-il avec confiance.

Dan Marr, le directeur de la Centrale, est d’accord avec cette affirmation.

« Il pourrait s’immiscer [dans le top-3 vraisemblablement occupé par Wright, Cooley et Juraj Slafkovsky] très facilement, approuve l’évaluateur d’expérience avec un sourire admiratif. Tout dépendra de la façon dont les équipes élaboreront leur liste, mais il a certainement sa place dans le débat. Il a été très constant durant toute la saison et c’est un joueur qui utilise toujours à bon escient tous les atouts qu’il possède. Intelligence, habiletés, gabarit : il ne lui manque rien. »  

Dans le dernier classement qu’elle a publié avant la tenue du repêchage, la Centrale a placé Gauthier au troisième rang parmi les meilleurs espoirs nord-américains. Les experts de TSN Craig Button et Bob McKenzie sont moins impressionnés : ils lui ont respectivement réservé le 7e et le 13e échelon sur leur liste.

Chez les experts d’Athlétique, on ne s’entend pas. Corey Pronman le voit comme son sixième plus bel espoir tandis que Scott Wheeler le fait reculer au 18e rang. Ce dernier ajoute toutefois qu’il a entendu plusieurs avis similaires à celui de Dan Marr et concède que sa sévère évaluation le place dans une minorité d’observateurs.

Au Québec, le polarisant Simon Boisvert identifie Gauthier comme le deuxième plus beau projet de cette cuvée derrière Slafkovsky.

Dans un mois, le Canadien utilisera-t-il son premier choix pour repêcher Cutter Gauthier? Probablement pas. Tout ce qu’on dit, c’est qu’il existe certaines personnes fort compétentes qui croient qu’il a le potentiel de le lui faire regretter un jour.