Les membres de la famille Richard étaient beaux à voir dans le hall de la Place Bell, à Laval, lundi soir, quand le plus auréolé des athlètes de cette ville, Henri Richard, y a finalement trouvé une niche pour la postérité.
 

En l’absence de l’homme dont on a enfin reconnu les mérites d’une façon concrète, ils étaient fiers d’en faire l’éloge. La terrible maladie d’Alzheimer empêche le Pocket Rocket de se souvenir de la carrière exceptionnelle qu’il a connue et, plus important encore, de reconnaître ses enfants et petits-enfants, mais eux ne l’oublient pas. Ils parlent d’un père ou d’un grand-père avec beaucoup de tendresse et d’amour.


Dorénavant, quand ils entreront par l’entrée principale de cet amphithéâtre moderne, deux magnifiques pièces murales, l’oeuvre impressionnante d’une artiste reconnue au-delà des frontières du Québec, Louise Lemieux Bérubé, leur rappelleront qu’il a réalisé de grandes choses. Il ne pouvait y avoir endroit plus significatif pour saluer les mérites du plus grand géant de cinq pieds et sept pouces et de 160 livres que la Ligue nationale ait connu. Et comme on n’a jamais pu dissocier totalement Maurice et Henri Richard durant leur brillante carrière, le hasard et l’histoire les réunissent là encore. Henri occupe maintenant le hall d’un édifice dans lequel le Rocket, filiale du Canadien, évolue.

 

« Henri a été le petit frère de Maurice durant toute sa carrière. Il a dû vivre avec cette étiquette, mais il n’a jamais laissé filtrer que ça l’ennuyait », affirme Robert Rousseau qui l’a côtoyé durant 10 saisons au Forum.
 

Les anciens qui étaient là avaient tous des choses intéressantes à raconter au sujet d’un homme de peu de mots, mais doté d’une certaine touche d’humour.
 

La meilleure anecdote a été racontée par Guy Lafleur qui, à ses débuts avec le Canadien, a été appelé à partager la chambre de l’illustre personnage sur la route. Lafleur aimait se faire couler un bain chaud pour se détendre la veille d’un match. Il s’apprêtait à se laisser glisser dans la baignoire quand Henri lui a mentionné qu’il devait aller aux toilettes. Lafleur s’est retiré, Henri a fermé et verrouillé la porte. Après un moment, Lafleur a entendu son capitaine s’amuser en tapotant l’eau de ses mains.


« Henri, Henri, ouvre la porte », a demandé Lafleur.


Pour toute réponse, il a entendu Richard entonné une chanson de Patrick Zabé très populaire à l’époque : «Ah c’qu’on est bien quand on est dans son bain...»
 

Ce genre de truc est l’aspect le moins connu de la personnalité de Richard. Ce qu’on dit généralement de lui, c’est qu’il avait un tempérament pointilleux, qu’il était particulièrement bougonneux quand il subissait la défaite et qu’il ne laissait surtout pas les autres parler à sa place. Richard n’avait pas de filtre, comme on l’a vu dans l’affaire Al MacNeil. Quand quelque chose lui déplaisait, on le savait d’une façon très directe.


« Henri était incapable d’un compliment, mentionne Pierre Bouchard. Pour lui, c’était une marque de faiblesse. Mon père (l’ex-capitaine Émile Bouchard) était fait du même bois. Avec eux, tout était tranchant et sans appel ».
 

Richard avait ses qualités et ses défauts, mais jamais personne n’a eu quoi que ce soit à redire de ses performances au jeu. Comme le précise l’ex-président du Canadien Ronald Corey, quelqu’un qui n’aimait pas Henri Richard n’aimait pas le hockey.
 

L’ex-entraîneur des Maple Leafs de Toronto, Punch Imlach, avait souvent ce conseil pour ses joueurs : « Ne réveillez jamais ce gars-là. Quand Richard n’est pas à son mieux, laissez-le dormir ».
 

« Je ne connais pas un adversaire qui l’a affronté et qui ne l’a pas respecté, ajoute Corey. Il était extrêmement fort pour un gars de son gabarit. Assis devant mon appareil radio durant les années 1960, j’ai capoté quand j’ai entendu qu’il était en train de servir à tour de rôle des leçons de boxe à Jack Bionda, Fernie Flaman et Léo Labine, des Bruins de Boston. Une force de la nature, il ne reculait devant personne. Il y avait du Rocket en lui. »
 

Phil Goyette devient insatiable quand il est question de lui. Il a joué aux côtés d’Henri pendant quatre ans chez les juniors, pendant six saisons avec le Canadien et pendant une quinzaine d’années avec les Anciens Canadiens. Sa principale caractéristique, selon lui, c’est qu’il ne connaissait jamais de mauvaises soirées.


« Comme pour le Rocket, c’était la victoire à tout prix pour lui, dit-il.  Dans la chambre, il ne parlait pas, mais juste à l’observer, on savait... »
 

Robert Rousseau, de son côté, a résumé ce qu’était Henri Richard d’une façon que je n’avais jamais entendu jusque-là au sujet d’un athlète professionnel.
 

« Henri nous a dicté l’honnêteté, a-t-il mentionné. Quand on le regardait jouer, on voulait tous être honnêtes comme lui ».
 

Lafleur en rajoute. Selon lui, parce qu’il a réussi de grandes choses, les jeunes de petite taille ont cru en leurs chances d’atteindre la Ligue nationale.


Une statue pour Henri
 

Lors de l’inauguration de la Place Bell, on avait laissé planer la possibilité qu’une statue à l’effigie de Richard soit érigée à l’extérieur de l’édifice, la façon la plus tangible, croyait-on, d’honorer ce Lavallois dont le record de 11 coupes Stanley ne sera jamais abaissé. Le projet n’est pas mort-né s’il faut en croire le maire de Laval, Marc Demers, dit en faire l’une de ses intentions.
 

« Henri Richard est un citoyen de Laval auquel toutes les générations peuvent s’identifier, dit-il. Je pense qu’il a été le joueur le plus sous-estimé dans l’histoire de la Ligue nationale. »
 

Petite suggestion en passant. Pourquoi ne pas identifier à son nom la salle où les murales de Richard sont maintenant installées en permanence? Le hall d’entrée Henri Richard dans un endroit où évolue déjà le Rocket, ce serait bien, non?


« On va y voir », réplique le maire en souriant.