Le Canadien surprend. Et très agréablement en plus. On découvre un club jeune, dynamique, déterminé qui se donne à tous les matchs. Même Carey Price semble avoir retrouvé ses marques. Il est devenu le deuxième gardien ayant le plus de victoires dans l’histoire du club. Ce n’est pas rien!

Or, je suis certain que cette reconnaissance lui fait plaisir. Quand on pratique un sport au niveau élite, on a trois objectifs. D’abord, on veut jouer dans la meilleure ligue; ensuite, on veut jouer longtemps; et, enfin, on veut laisser une trace de son passage. En atteignant ce plateau de victoires, Price parvient à ces objectifs. On ne pourra plus lui enlever ces résultats. Il peut aller plus loin, faire encore mieux et obtenir davantage de victoires, mais ce qu’il a, personne ne peut lui enlever. Est-ce que le temps de la réconciliation est venu?

Vous savez, ce qui m’étonne toujours un peu, c’est la relation amour-haine des partisans à son endroit. Certains le considèrent comme le meilleur de la planète hockey alors que d’autres le trouvent surestimé et presque nonchalant. Comment peut-on avoir des perceptions aussi différentes du même joueur? Même en acceptant que ses résultats de la saison dernière n’aient pas été à la hauteur des attentes, ça reste difficile à comprendre.

Un des éléments de la réponse passe, je crois, par la poste de « gardien de but » lui-même. Je vais imager la situation en commençant par un joueur d’avant. Dans un jeu, il peut foncer, feinter, passer, mettre en échec un adversaire, lancer. Il peut attaquer ou se replier pour jouer défensif. Bref, il a beaucoup de souplesse et de flexibilité dans son jeu. En un mot, il agit sur le jeu.

À l’autre bout du spectre, un gardien de but n’a qu’un seul objectif : arrêter la rondelle. Il n’agit pas, il réagit! Ce qui est fort différent. En plus, il est seul dans sa cage. C’est le dernier rempart. Personne après lui ne peut réparer une erreur. Cette seule réalité fait en sorte que les gardiens de but sont généralement différents des autres joueurs de leur équipe. Ils s’enferment dans leur bulle et ont souvent l’air distant, presque snob. Voilà qui modifie leur approche psychologique.

Quand, comme dans le cas de Price, on a en plus affaire à quelqu’un qui est d’un naturel timide et dont la personnalité l’amène à préférer la solitude à la frénésie d’un groupe, on peut sauter très vite à la conclusion qu’il est hautain, dédaigneux des fans et qu’il ne les respecte pas. Or, il n’en est rien. Je sais, comme ceux qui le connaissent bien, que c’est quelqu’un de chaleureux et de fidèle envers ses amis. Mais il a de la difficulté à montrer ses émotions. C’est tout!

Cette année, il y parvient de plus en plus. Voyez comment, durant la partie contre Washington, il a spontanément quitté son filet pour aller féliciter le jeune Kotkaniemi après son premier but dans la Ligue nationale. C’est le genre de signe qui ne trompe pas.

Un autre élément distingue Price des autres joueurs : spécialement à Montréal et au Québec, où les partisans connaissent leur hockey. On ne peut pas leur cacher grand-chose. Si les fans aiment le talent chez un joueur, ils reconnaissent et apprécient surtout la détermination à toujours donner leur maximum à chaque présence. Il n’y a qu’à voir l’attitude envers Gallagher, dont on ne peut douter qu’il se défonce continuellement.

Encore ici, le poste de Carey Price ne l’aide pas dans la perception que l’on a de son jeu. Parce que c’est un excellent technicien, il se positionne en fonction de l’attaque pour être frappé par la rondelle, ce qui peut donner une impression de nonchalance. L’arrêt a l’air facile parce qu’il est bien placé devant sa cage.

Cela peut aussi donner la perception qu’il ne se donne pas à 100 % sur chaque lancer, qu’il ne se force pas pour arrêter la rondelle. Or, rien n’est plus faux! Il s’agit largement, encore ici, d’une question de technique. Tout a souvent l’air simple parce qu’il est bien positionné.

Alors, peut-être est-il temps de lui laisser une autre chance. Peut-être le temps de la réconciliation entre les partisans et Price est-il venu.