Si le Canadien a enfin repris sa place parmi l'élite de la Ligue nationale, c'est assez facile d'identifier le point tournant qui a mené à pareil changement. Il ne le dira pas de cette façon parce qu'il ne s'exprime pas dans cette forme de langage, mais Geoff Molson, sans doute victime d'un écoeurement généralisé, a pris les grands moyens pour que l'organisation retrouve sa crédibilité dans les cercles du hockey.

Qui a oublié le printemps embarrassant de 2012? L'équipe n'en finissait plus de s'enliser. Pierre Gauthier, qui semblait à court de solutions, était allé jusqu'à déléguer un entraîneur unilingue anglophone derrière le banc : Randy Cunneyworth. Cette décision avait valu à Geoff Molson d'encaisser une volée de bois vert pour son manque de vigilance sur une question aussi délicate. Déjà que le président-propriétaire entendait à répétition les critiques d'un public désabusé et à bout de patience...

L'équipe a fermé les livres bonne dernière dans l'Est et 27e au classement général. Molson, qui désire ardemment gagner, mais qui, en homme d'affaires, veut surtout s'assurer de ne pas avoir à courir après sa clientèle pour le renouvellement des abonnements de saison, a donné le coup de barre que tout le monde souhaitait en mettant fin à la relation de Gauthier avec le Canadien.

Comme un président est rarement un homme de hockey qui connaît bien la ligue, il a eu l'intelligence de faire appel à un ancien Glorieux, à une légende responsable des deux dernières coupes Stanley, Serge Savard, pour y voir clair. À la recherche d'un directeur général compétent, ils ont rencontré plusieurs candidats. Finalement, c'est beaucoup grâce à Savard si Marc Bergevin s'est vu confier la mission de relancer le Canadien. Ce qu'il fait d'ailleurs en y mettant de la persévérance et de la patience, tout en tirant profit des connaissances acquises dans l'entourage des Blackhawks de Chicago.

Quand on a remis à Bergevin une barque qui prenait l'eau, 30 joueurs avaient porté l'uniforme cette saison-là. Pas moins de 21 d'entre eux sont aujourd'hui sortis de l'organisation. Un 22e, Gabriel Dumont, est toujours dans le club-école. Bergevin a notamment rompu des liens avec des joueurs solidement établis dans la ligue : Erik Cole, Rene Bourque, Travis Moen, Josh Gorges, Brian Gionta, Scott Gomez, Tomas Kaberle et Peter Budaj, pour n'en mentionner que quelques-uns.

D'ailleurs, le mouvement de personnel n'a jamais cessé depuis que Bergevin est aux commandes. Parmi ceux qui ont été ajoutés à l'équipe en cours de route, mais qui ne sont pas restés longtemps, il y a Michael Ryder, Brandon Prust, Francis Bouillon, Thomas Vanek, Daniel Brière, P.-A-. Parenteau, George Parros et Dustin Tokarski.

Les figures les plus récentes greffées à l'équipe sont Jeff Petry, Devante Smith-Pelly, Alexander Semin, Torrey Mitchell, Brian Flynn et Tomas Fleischmann.

Tout en allant chercher du renfort ailleurs, il a ouvert la porte aux jeunes Brendan Gallagher, Alex Galchenyuk, Michaël Bournival, Nathan Beaulieu, Greg Pateryn, Jarred Tinordi et Mike Condon.

Tous ces remaniements en l'espace de trois ans et demi, faut-il le préciser.

Une ligne bleue crédible

Si je reviens sur la feuille de route très chargée de Bergevin, c'est parce qu'on réalise qu'en dépit des nombreuses transactions qu'il a effectuées, il n'a pas commis d'erreurs majeures qui auraient pu retarder la progression de l'équipe. Il a fait des bons coups et commis certaines erreurs, comme le font tous les directeurs généraux. Il a parfois pris des risques qu'il jugeait calculés. Comme, par exemple, dans le cas des récentes additions de Semin et Zack Kassian.

Un ex-défenseur, il n'a jamais cessé de rafistoler la défense. Tellement qu'on trouvait qu'il exagérait un brin quand il continuait d'ajouter des défenseurs à son organigramme, même s'il semblait y avoir un engorgement à cette position. Avec la présence dans le décor d'une belle relève en Nathan Beaulieu, Greg Pateryn et Jarred Tinordi, on souhaitait le voir repêcher un attaquant en juin dernier, mais il a plutôt fait du défenseur Noah Juulsen son tout premier choix. Avec Brett Lernout et Morgan Ellis qui attendent leur tour dans la filiale, il a causé une autre surprise en offrant un contrat à deux volets au Montréalais Mark Barberio.

Bergevin est convaincu qu'une équipe se bâtit de l'arrière vers l'avant. C'était aussi la philosophie de Serge Savard. Bergevin ne semble jamais avoir trop de réservistes à cette position.

Pendant ce temps, à Boston, c'est tout le contraire qui s'est produit. La défense a été charcutée. Comme les deux derniers directeurs généraux n'ont pas administré leur masse salariale avec la même parcimonie que Bergevin, ils ont été obligés de laisser partir Johnny Boychuk, qui appartenait du groupe des quatre meilleurs défenseurs. Puis, oh surprise, en juin dernier, Dougie Hamilton, qui aurait pu être le défenseur numéro un des Bruins pour les années à venir, a été échangé aux Flames de Calgary. Avec un Zdeno Chara au bout du rouleau, voilà une défense qui a été bousillée en peu de temps.

Ajoutez à cela le départ de Milan Lucic, un attaquant qui permettait à ses coéquipiers d'être respectés. Tout cela parce que la masse salariale de l'équipe n'a pas été gérée en tenant compte des années futures.

Un dur négociateur

À Montréal, comment expliquer que six joueurs touchent des salaires supérieurs à 5M $ sans que Bergevin, malgré les nombreuses décisions qu'il a prises depuis qu'il est en poste, n'ait eu à toucher au noyau de l'équipe? Facile. Pas moins de 10 joueurs touchent 1,1 million ou moins, dont sept qui sont sous la barre du million. Ça équilibre passablement les choses.

Des observateurs de la ligue s'étonnent parfois des entourloupettes effectuées par Bergevin dans ses négociations de contrats. Pour ne mentionner que deux exemples, Alexander Semin et Tomas Fleischmann ont totalisé 11M $ en salaire l'an dernier. Cette saison, le Canadien les a obtenus tous les deux pour un total de 1,8 M$.

À Boston, Claude Julien est menacé de perdre son emploi. Pourtant, il n'a rien eu à voir avec les décisions qui font aujourd'hui des Bruins, une équipe très ordinaire. Si Bergevin avait commis deux ou trois bévues du même genre, le Canadien tournerait encore en rond et Michel Therrien, qui dirige peut-être la meilleure formation de sa carrière, aurait du mal à sauver son poste.

Ce qui nous ramène au point de départ. Si Geoff Molson n'avait pas mis son pied à terre, il y a un peu plus de trois ans, le Canadien serait beaucoup plus loin de la coupe Stanley qu'il ne l'est actuellement. Le congédiement de Gauthier et la trouvaille d'un patron recrue qui a pris rapidement du galon au niveau de la ligue sont deux décisions majeures qui ont fait toute la différence.

Dernière volonté remplie

Longtemps avant de quitter cette terre, le fondateur du Panthéon des sports du Québec, Edgar Théorêt, avait exprimé une dernière volonté. Il désirait que ses cendres soient dispersées sur un parcours de golf. Et pas n'importe où, car ce golfeur méthodique était doté d'une belle précision. Il avait donc exigé que ses cendres soient répandues au centre de l'allée, là où ses balles atterrissaient toujours.

Sa dernière volonté a été respectée il y a quelque temps. On l'a fait sur les deux parcours qu'il fréquentait le plus souvent. À Valleyfield d'abord, puis au centre municipal de Dorval, où Théorêt jouait presque toujours avec les mêmes partenaires au lever du soleil.

On a réuni ses meilleurs amis pour la circonstance. Aux deux endroits, ses cendres ont trouvé leur niche au centre de l'allée dans un moment chargé d'émotion pour tout le monde.