Ce matin, en me réveillant, j’ai senti un malaise. Je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce qui me troublait, jusqu’à ce que je regarde mon agenda. Nous sommes le 11 septembre. D’un coup, tout m’est revenu. En une fraction de seconde, j’ai revécu les événements de cette journée fatale qui a marqué tant de vies, dont la mienne. Parce que ce jour-là, j’étais à New York.


À 6 h ce matin-là, nous nous étions rendus au Madison Square Garden où je devais procéder à l’évaluation des joueurs des Rangers avant le début de leur saison dans la LNH. Le travail allait bon train, les joueurs plaisantaient et l’atmosphère était excellente. Peu avant 9 h, les lumières ont vacillé comme si l’édifice allait manquer d’électricité. Tout est revenu à la normale en quelques secondes et nous avons poursuivi nos tests. Puis Theoren Fleury et Sylvain Lefebvre sont entrés. Ils étaient pâles comme des fantômes en nous annonçant qu’un avion venait de percuter l’une des tours jumelles du World Trade Center. La nouvelle nous a coupé les jambes. Nous avons couru vers le poste de télé juste au moment où un autre avion s’empalait dans la deuxième tour.


Nous avons réalisé que New York était attaquée. J’ai paniqué. Il fallait que je sorte. Que je vois de mes yeux! Je suis allé dehors où la foule courait dans tous les sens. Les gens pleuraient et ne comprenaient pas plus que nous ce qui venait de se passer.


Soudain, il n’y a plus aucun plaisir. Comme les autres, j’ai eu peur. Peur pour moi, peur pour mes amis, peur pour ma famille. 

 

Les policiers nous ont invités à rentrer dans l’aréna qui, selon eux, était plus sécuritaire. Regroupés devant l’unique téléviseur, nous avons regardé les images horribles qui passaient en boucle, jusqu’à l’effondrement des tours. 


J’ai vécu un cauchemar. Comment cela pouvait-il arriver? Je sentais les sueurs froides me couler dans le dos. J’étais anéanti!


Je ne peux vous raconter tout ce que j’ai vu. C’est encore trop douloureux. Toutes ces personnes dans les rues à la recherche de parents ou d’amis disparus; tous ces gens qui erraient, tétanisés par le choc; toutes ces personnes dont le visage trahissait l’horreur dont ils avaient été témoins. Tous ces souvenirs restent gravés dans ma mémoire. 


Pendant longtemps, je me suis demandé pourquoi est-ce arrivé? Pourquoi tous ces morts? Pourquoi toute cette détresse? J’ai été parmi les chanceux.Pourquoi ai-je survécu?


Je n’ai toujours pas de réponse à cette question. C’est la 18e fois que je me réveille avec un malaise qui m’angoisse. Les premières années ont été spécialement difficiles. Je pleurais souvent ce jour-là.

 

Je ne sais pas s’il y a des leçons à tirer d’événements aussi tragiques. Peut-être chacun tire-t-il ses propres conclusions. En ce qui me concerne, et avec le temps qui passe, j’ai simplement compris comment la vie est fragile, courte et belle. Je me rappelle ces quelques heures en me disant que personne n’est à l’abri du destin. Je me considère chanceux d’être encore ici, près de ma famille et des personnes que j’aime. Je veux profiter de la vie et du moment présent. Voilà peut-être l’enseignement du 11 septembre. 


Plutôt que de me demander « pourquoi moi? », je devrais peut-être me dire « pourquoi pas? » et déguster chaque moment.