MONTRÉAL - Brendan Gallagher était assommé dans le vestiaire du Canadien après le revers insensé que lui et ses coéquipiers venaient d’encaisser aux mains des Rangers.

 

Livide, parlant la mâchoire serrée en raison du mélange normal de douleur, de gêne, voire de honte associées à l’avance de 4-0 qui s’est transformée en défaite de 6-5 – en temps réglementaire en plus –  Gallagher refusait de tomber dans le cliché habituel voulant qu’il fallait vite tourner la page pour mieux rebondir.

 

Au contraire!

 

«J’espère que nous nous souviendrons tous ce que nous devons d’encaisser comme échec ce soir. C’est impardonnable. C’est inexcusable. Après avoir perdu comme on venait de le faire lors des trois derniers matchs, nous n’avions pas le droit de laisser filer la partie comme on l’a fait bêtement ce soir. Nous sommes tous coupables. Nous n’avons pas été assez bons. On vient d’encaisser un solide coup et j’ai bien hâte de voir sur quels joueurs nous pourrons compter pour nous relever après une défaite pareille», a défilé un Gallagher qui semblait avoir vraiment du mal à encaisser le coup.

 

Ou les coups.

 

Car habituellement si bon, si dévoué, si engagé positivement pour guider son équipe vers la victoire, Gallagher venait de disputer un match difficile. Au lieu de provoquer des choses, Gallagher s’est trop souvent retrouvé dans le rôle de spectateur samedi. Il a été témoin du but d’Artemi Panarin en troisième. Un but qui a non seulement redonné espoir aux Rangers qui tiraient alors de l’arrière 5-3, mais qui a servi de tremplin aux BlueShirts qui ont rajouté deux autres filets dont celui qui a permis de niveler les chances pendant la dernière des cinq attaques massives du Canadien.

 

Cinq attaques massives qui n’ont rien donné.

 

Au lieu de compliquer la vie à Panarin, Gallagher s’est laissé glisser dans son repli défensif laissant à un marqueur naturel qui n’en demandait pas tant, la chance de pousser du revers une passe parfaite de Chris Kreider derrière Carey Price qui n’y pouvait rien.

 

Gallagher, comme ses compagnons de trio Phillip Danault et Tomas Tatar, a terminé sa soirée de travail avec un différentiel de moins-2. Un différentiel qui décrit bien l’allure du match que le trio venait de disputer.

 

Avance confortable ou dangereux mirage?

 

Ce qui fait le plus mal avec la défaite de 6-5 encaissée samedi aux mains des Rangers est que cette partie s’annonçait comme un autre petit match facile pour le Tricolore.

 

Le genre de match que le Canadien a la fâcheuse manie de gaspiller, je le sais bien.

 

Mais quand même : après avoir perdu coup sur coup contre les Devils, les Blue Jackets et les Sénateurs, le Canadien n’allait quand même pas être assez bête pour se faire jouer à nouveau le même tour et échapper un autre match facile.

 

Eh bien oui il l’a été. Il l’a même été davantage.

 

Car bien qu’il ait marqué cinq buts aux dépens des Rangers samedi, cinq buts qui lui ont permis de s’offrir des avances de 3-0 en première, de 4-0 en début de période médiane et de 5-3 en troisième, le Canadien a joué un bien plus mauvais match de hockey qu’il ne l’avait fait en perdant 4-3 en prolongation contre le New Jersey, 5-2 à Columbus et 2-1 contre Ottawa jeudi soir au Centre Bell.

 

Mais ces avances cachaient des réalités dangereuses. Des réalités que Claude Julien s’est assuré de faire réaliser à ses joueurs dès le premier entracte.

 

«J’ai dit au gars après la première période que la seule raison pour laquelle on menait 3-0 c’est parce qu’on avait réussi à capitaliser sur nos chances de marquer et qu’eux ne l’avaient pas fait. On a encore marqué en début de deuxième et à partir de 4-0 on a joué du hockey mou en défensive», a admis Julien après le match.

 

Sans vouloir préciser la nature du message qu’il a envoyé, Claude Julien a tenté de réveiller ses joueurs au deuxième entracte alors que l’avance de quatre buts qui semblaient ô combien suffisante quelques minutes plus tôt n’était plus que d’un petit but.

 

«Ils n’ont pas répondu», a ensuite admis le coach du Canadien.

 

Remarquez que Julien n’avait pas besoin d’y aller de cette admission. Rien qu’à voir son club jouer en troisième, il était clair que ses joueurs n’avaient pas saisi la portée de son message. Ou qu’ils se croyaient vraiment hors de danger.

 

Avec les résultats qu’on a vus.

 

Il sera tout aussi important pour Claude Julien que pour ses joueurs de réagir promptement et de la bonne façon à l’uppercut qui les a tous envoyés au tapis samedi.

 

Car le message d’un coach doit être non seulement entendu pour que son équipe réagisse. Il doit être écouté.

 

Bon! Des avances de quatre buts, ça se comble ou ça se perd selon l’angle avec lequel on veut aborder la question. Les Panthers de la Floride en ont justement comblé deux déjà cette année pour s’offrir des gains de 5-4 en prolongation aux dépens des Ducks d’Anaheim pas plus tard que jeudi et de 5-4 en tirs de barrage aux dépens Bruins de Boston il y a deux semaines.

 

«Ce n’est pas parce que c’est arrivé que ça veut dire que ce soit acceptable. Ce qui est encore moins acceptable, c’est qu’après avoir perdu nos trois derniers matchs nous étions moins affamés qu’une équipe qui avait joué vendredi. Nos gars avaient à cœur de marquer des buts et ils l’ont fait. Mais défensivement, nous avons été beaucoup trop passifs. Nous avons été beaucoup trop généreux. Nous n’avons simplement pas été assez bons», a conclu Claude Julien.

 

Price ouvre toute grande la porte aux critiques

 

Quand un club prend une avance de 3-0 en première et qu’il rajoute un quatrième but dès le début de la période médiane, il devrait normalement scier les jambes d’un adversaire qui avait joué la veille comme l’avaient fait les Rangers à Ottawa vendredi soir.

 

Et quand en plus, ce club compte sur un gardien comme Carey Price qui occupe une place de choix dans l’élite de la LNH en plus d’être le joueur le mieux payé de son camp, ce club ne peut perdre une telle avance.

 

Du moins il ne devrait pas.

 

Et comme Price et le Canadien ont perdu ces avances, le gardien a été lapidé de critiques pendant et après la rencontre. Il le sera encore toute la journée dimanche. Le sera toujours lundi et le sera en fait jusqu’à ce qu’il ne vole encore une fois des points pour faire taire ses détracteurs qui étaient cois depuis quelques semaines.

 

En fait, Price sera toujours critiqué.

 

Samedi, le gardien du Canadien a donné un très mauvais but : le dernier. Il y avait un tas de joueurs devant lui, sa vue était sans doute obstruée, mais la rondelle l’a traversé. Après avoir accordé les cinq autres buts dont il était beaucoup moins responsable, voire pas responsable du tout, Price devait faire la différence sur ce tir.

 

Il ne l’a pas fait.

 

Ses détracteurs diront qu’au salaire qu’il touche et qu’avec la réputation dont il profite, il se devait de stopper certainement un, peut-être même deux des cinq autres buts des Rangers.

 

Je veux bien qu’on soit exigeants à l’endroit du joueur le mieux payé du Canadien. En fait, on doit l’être.

 

Mais ce n’est pas parce qu’on a le droit, voire le devoir, d’être exigeants qu’on peut se permettre de fermer les yeux sur la qualité des occasions offertes aux adversaires en raison de la mollesse du jeu défensif offert devant lui.

 

Et je ne parle pas ici seulement du travail des défenseurs.

 

Brendan Gallagher a fait preuve de mollesse défensive en regardant Artemi Panarin marquer sous ses yeux.

 

Tomas Tatar – et ajoutez ici les noms des autres attaquants utilisés en attaque massive sur le but égalisateur de Brendan Lemieux en milieu de troisième période – a fait preuve de mollesse défensive lorsqu’il a encore attendu une seconde ou deux de trop pour amorcer son repli défensif après la perte de rondelle du Canadien. Ce faux départ a ouvert la porte à la descente à deux contre un au terme de laquelle Lemieux a marqué.

 

Jesperi Kotkaniemi, qui est en plein apprentissage et à qui on doit pardonner des erreurs de jeunesse, a contribué à la remontée des Rangers en se rendant coupable d’un affreux dégagement refusé à la suite d’une plus affreuse encore passe à l’aveuglette tentée alors qu’il était en zone défensive. Pis encore pour le pauvre KK, il a ensuite perdu la mise en jeu en zone défensive qu’il venait d’offrir aux Rangers et ces derniers ont marqué sur la séquence suivante.

 

Ce n’est pas parce que les attaquants du Canadien ont marqué quatre buts – deux pour Max Domi qui a remercié son coach de l’avoir ramené au centre et deux pour Artturi Lehkonen qui a remercié le ciel d’être enfin sorti de sa torpeur – qu’ils ont  vraiment aidé la cause de leur gardien.

 

Ça n’excuse pas tout. C’est vrai. Eh oui on peut exiger de Carey Price qu’il trouve une façon de priver les Rangers d’au moins un but sur les cinq premiers accordés en plus du dernier qui était vraiment un mauvais but.

 

Mais au-delà du pointage final, et des six buts accordés sur les 34 tirs qu’il a affrontés, il est important de bien analyser les jeux avant de l’affubler de tous les maux.

 

Comme il était tout aussi important de bien analyser les victoires qui sont parfois plus faciles qu’on le croit avant de l’auréoler pour un tout ou un rien.

 

Tout est une question d’équilibre ou d’objectivité dans les analyses. Mais Price est tellement polarisant, que ses détracteurs sont prêts à le pilonner à la moindre occasion et que ses admirateurs l’encensent parfois avec beaucoup trop d’empressement et d’insistance.

 

La vérité se situe quelque part entre les deux…

 

En bref

 

  • Bien qu’ils aient lamentablement échoué samedi soir, les joueurs du Canadien ont malgré tout rempli un mandat très important après la rencontre en allant rencontrer des dizaines de jeunes garçons et filles luttant courageusement contre les cancers qui les minent. Ces jeunes patients n’avaient rien à cirer du résultat du match qui venait de prendre fin. Ils voulaient croiser de près leurs idoles, leur parler, obtenir une photo, un autographe, un petit geste qui pourrait avoir de grandes conséquences dans leur croisade vers la guérison. Et ça, ça mérite autant d’être souligné que le résultat du match. Bien plus même…

 

  • C’était la première fois de la saison samedi que le Canadien encaissait un revers en temps réglementaire (81-1) dans le cadre d’un match au cours duquel il s’offrait une avance de deux buts…

 

  • C’était aussi la première fois que le Tricolore perdait dans le cadre de match au cours desquels il s’est offert une avance de trois buts (71-0) et de quatre buts (3-1-0)…

 

  • Le Canadien a été victime de deux séquences de trois buts marqués en cascade par les Rangers. Filip Chytil, Pavel Buchnevich et Brendan Lemieux ont réduit l’avance de 40 du Canadien en marquant trois fois en 3 min 20 secondes en période médiane, alors que Artemi Panarin, encore Lemieux et Jacob Trouba ont transformé un déficit de 5-3 en victoire de 6-5 avec trois buts marqués en 6 min 19 secondes au milieu de la troisième période…

 

  • Le Canadien est en congé dimanche…

 

  • Bonne nouvelle pour le Tricolore et ses partisans, ce sont les Bruins de Boston qui seront les prochains visiteurs au Centre Bell mardi. Dans le cadre d’un match qui ne devrait rien avoir de facile, les chances de victoire du Canadien seront peu-têtre meilleures…