Les Alouettes et l'Impact, qui désespèrent de prendre un jour solidement leur place dans l'univers sportif de Montréal, où le Canadien règne en maître beau temps, mauvais temps, ont raté totalement cet objectif au cours de l'été en connaissant une saison désastreuse chacun de leur côté.

Ce qui fait que le Canadien, inactif depuis mai dernier, a continué assez facilement de stimuler l'intérêt de ses fans en posant des gestes concrets qui modifieront le visage de la formation à court terme.

Gionta, Gorges et Brière n'y sont plus. Le départ des deux premiers se fera probablement sentir certains soirs tandis que Brière, qui a agi en vrai professionnel dans des circonstances particulièrement difficiles pour lui, aurait difficilement pu refaire les ponts avec l'entraîneur s'il était resté.

Arrivent dans le décor trois vétérans de la Ligue nationale : Manny Malhotra, Tom Gilbert et Pierre-Alexandre Parenteau, un gardien qu'on a hâte de revoir, Dustin Tokarski, et un jeune attaquant tchèque de 22 ans, Jiri Sekac, déterminé à faire sa place dès cette saison.

Néanmoins, tous ces joueurs, du plus vieux Gionta au plus jeune Sekac, n'ont pu voler la manchette à P.K. Subban, dont le nouveau contrat de huit ans fait de lui l'un des très hauts salariés de la Ligue nationale. Ce n'est pas tant le résultat final de la négociation que la bataille de pouvoir à laquelle nous avons assisté entre le clan Subban et le Canadien qui a capté notre attention. Une bataille que Marc Bergevin et Geoff Molson n'avaient aucune chance de gagner.

On ne saura peut-être jamais le rôle très précis qu'a joué le propriétaire dans cette affaire, mais si Molson a jugé bon de céder devant les demandes de Subban et de son agent, c'est pour éviter que la grogne publique ne vienne miner la belle relation qui existe entre l'organisation et son émotive clientèle. Quant à Bergevin, comment aurait-il pu convaincre les amateurs que le Canadien vise une coupe Stanley dans deux ou trois ans s'il avait couru le très grand risque de perdre son joueur étoile, grand favori de la foule?

Si on s'en était remis à un arbitre pour régler ce différend, Subban aurait eu le loisir de faire sécher le Canadien dans deux ans en allant négocier ses services avec les plus offrants sur le marché des joueurs autonomes. Après qu'un joueur soit passé par l'arbitrage, ses anciens employeurs ne bénéficient plus du droit de premier refus. Le spectaculaire défenseur aurait pu magasiner en toute liberté sans que le Canadien ne puisse faire quoi que ce soit pour l'empêcher d'aller jouer ailleurs, sauf peut-être de lui présenter une offre mirobolante qui aurait battu toutes les autres et qui lui aurait coûté une fortune tout en bousillant totalement son échelle salariale.

Dans un sens, on peut aussi penser que Subban a accepté moins d'argent pour rester à Montréal, une ville dans laquelle il aimerait pouvoir disputer toute sa carrière. Il n'a jamais caché son admiration pour le Canadien. Il se plaît dans ce vestiaire même s'il évolue sous les ordres d'un entraîneur qui lui pardonne très peu de choses. Il apprécie Bergevin et la voie qu'il emprunte pour bâtir une équipe gagnante.

On ne peut jamais être sûr de l'avenir

Subban aurait fort probablement obtenu huit millions pour chacune des deux prochaines années devant un arbitre, ce qui serait devenu sa base de négociations à l'expiration de l'entente. Or, on devine assez facilement que les riches Maple Leafs de Toronto lui auraient offert un pont d'or pour le rapatrier en Ontario, quelque chose comme 11 ou 12 millions $ par saison pour un contrat à long terme. Quand on pousse la stupidité jusqu'à accorder 7 M$ par saison à Dion Phaneuf, on peut certainement se permettre de faire sauter la banque pour un joueur capable d'attirer les foules et de faire gagner l'équipe. Malgré tout, le défenseur le plus flamboyant à avoir porté le chandail tricolore a accepté la proposition finale du Canadien l'assurant d'un salaire annuel moyen de neuf millions. S'il l'a fait, c'est sûrement parce que c'est ici qu'il voulait jouer, sinon il serait allé à la pêche dans deux ans.

J'imagine aussi que l'agent Don Meehan a analysé le facteur de risque. Si son client avait connu une mauvaise saison sur deux, ou s'il avait subi une blessure majeure qui l'aurait empêché d'offrir le rendement qu'on attendait de lui, la prochaine entente aurait été plus difficile à négocier.

Personne n'est en possession d'une boule de cristal. Tous les scénarios sont possibles quand on est en présence d'un athlète d'une classe supérieure. Le directeur général du Canadien n'avait sûrement pas prévu que Subban mériterait le trophée Norris durant la saison écourtée par un lock-out. Cet exploit a explosé en plein visage de Bergevin.

Il croyait pourtant avoir habilement jugé la situation quand il avait tenu tête à son joueur lors de la négociation précédente. Subban, disait-on, recherchait un pacte de six ans. Or, ce qu'on ignorait à l'époque, c'est que Bergevin s'appuyait sur une technicalité d'une grande importance dans son rapport de force avec un défenseur qui n'avait pas encore fait ses preuves et qui causait de la turbulence dans le vestiaire. S'il lui avait accordé le contrat qu'il recherchait, Subban serait devenu joueur autonome sans compensation six ans plus tard. À 29 ans, il se serait retrouvé totalement libre dans un marché qui paiera probablement ses vedettes entre 10 et 12 millions $.

Il devra démontrer du leadership

Le leadership perdu à la suite du départ de Gionta et de Gorges devra être assumé par de nouvelles têtes. Le meilleur contrat dans la riche histoire de la concession oblige maintenant Subban à accepter de nouvelles responsabilités, dont celle-là.

Subban a mûri depuis deux ans. Il n'est plus le cheval fou qui courait dans toutes les directions à ses débuts au Centre Bell. Il aura encore ses moments dérangeants, mais on n'attache pas un pur-sang comme lui. Il faut lui donner de la corde si on veut qu'il nous en donne.

Il n'a pas le choix. Il devra encore gagner davantage en maturité. Devenir l'un des plus hauts salariés de la ligue, c'est flatteur et ça confère un statut particulier. Subban doit s'en servir pour devenir un leader. Quand un athlète touche autant d'argent, il ne peut pas être un suiveux,  ce qui n'est pas dans sa nature de toute façon. Ce contrat le place dans une situation pour être un chef de file dans une formation qui a déjà du mal à identifier un capitaine.

Il faut oublier son nom lors de la prochaine sélection pour un capitaine. Dans trois ou quatre ans peut-être, s'il devient le joueur qu'on voit en lui, il pourrait devenir un candidat de choix. Ce contrat lui vaudra déjà une bonne dose de pression. Ce serait irresponsable de lui en imposer davantage en déposant le « C » sur son dossard.

Heureusement, s'il y a quelqu'un qui peut jouer dans la pression de Montréal, c'est bien lui. Subban n'a pas de nerf. Rien ne l'affecte ou le dérange. Il s'amuse comme un gamin tout en modifiant parfois l'allure d'un match. Il carbure à la pression.

Après avoir obtenu ce qu'il voulait, il a maintenant le plein contrôle de sa destinée. À l'expiration de ce contrat, il n'aura que 33 ans. D'ici-là, s'il s'impose parmi les défenseurs les plus réputés du circuit, s'il mérite le respect de ses coéquipiers par une attitude irréprochable et s'il gagne deux ou trois trophées Norris en cours de route, des dizaines de millions de dollars vont continuer de pleuvoir dans son compte en banque. Il est sûrement conscient de tout cela.

Don Meehan a fait son boulot. À Subban de faire le sien.

Top-10 : P.K. est partout!