MONTRÉAL – La Biélorussie est dans l’actualité pour les mauvaises raisons depuis quelques semaines. L’ancienne république soviétique est l’un des rares endroits dans le monde où la pandémie de coronavirus qui secoue la planète est encore traitée comme une légende urbaine.

Son président, Alexander Lukashenko, a qualifié l’état d’urgence qui règne un peu partout de « psychose » et n’a instauré aucune mesure officielle afin de prévenir la propagation du virus à l’intérieur de ses frontières. Le championnat de soccer du pays poursuit ses activités comme si rien n’était. Certains discours propagandistes font la promotion de la vodka comme un moyen de protection adéquat contre la maladie.

Francis Paré suit tout ça à distance, à chaque jour un peu plus satisfait d’avoir pris la décision de partir pendant qu’il en était encore temps.

Vétéran de sept saisons dans la KHL, Paré s’est installé en Biélorussie l’été dernier après avoir signé un contrat avec le Dinamo de Minsk. Son expérience là-bas se déroulait à merveille. Sa femme et lui appréciaient la ville, leur jeune fille y fréquentait un établissement scolaire anglophone. Il avait même amorcé des démarches pour obtenir son statut de résident permanent. L’équipe avait connu une saison difficile, mais les joueurs étaient bien traités. Rien à redire, vraiment.

Le Dinamo était déjà en vacances, à la mi-mars, quand Paré a commencé à souffrir du mal du pays.

« J’ai un groupe de discussion avec ma famille à Montréal, raconte-t-il en entrevue à RDS. Un beau jour, ma sœur m’écrit pour me demander comment se passe mon confinement. Sur le coup, je n'ai aucune idée c’est quoi ce mot-là. J’ai dû aller sur Google pour comprendre ce que ça voulait dire et c’est là que je me suis rendu compte que les gens étaient en quarantaine au Québec. Moi, pendant ce temps-là, j’étais sur une terrasse en train de luncher avec des gars de l’équipe. »

« C’est là que j’ai compris qu’il y avait quelque chose de plus gros que le hockey qui se passait. »

Voyant que les déplacements internationaux devenaient de plus en plus compliqués, Paré prend les dispositions pour faire rentrer sa femme et sa fille au Québec le 14 mars. Certains coéquipiers, dont l’ancien joueur de la LNH Ryan Spooner, ont aussi levé les feutres aux premiers signes d’irrégularités. Paré, lui, a d’abord décidé de rester. Son contrat était valide jusqu’au 30 avril et la direction de l’équipe forçait ses joueurs à poursuivre l’entraînement même s’il n’y avait pas de match à préparer.

« Ça, je le comprenais, repense-t-il en rétrospective. En KHL, il n’y a pas d’Association des joueurs. Ça fait un bout que je suis en Russie et j’étais d’accord avec la décision du club. Je n’étais pas enjoué, mais ce n’était pas un problème. C’est quand le coronavirus a embarqué que ça commençait à être plus sérieux. »

Une semaine après le départ des membres de sa famille, et quatre jours avant que la KHL officialise l’annulation de sa saison, Paré a résilié le reste de sa première année de contrat. Il a renoncé à un mois de salaire et est parti se mettre en quarantaine dans sa maison à Lévis.

Trois Canadiens, dont le Montréalais Marc-André Gragnani, sont toujours à l’entraînement à Minsk.

« Je textais mon agent pour lui dire qu’il ne se passait rien où j’étais pendant que c’était la panique au Québec. On a eu un meeting avec notre directeur général. Le ministre de la santé là-bas avait dit que c’était une grippe, rien de plus sérieux, et que le pire ne se rendrait pas à nous. »

« Moi, je suis un joueur de hockey, pas un politicien. Est-ce qu’ils trouvaient que ce qui se passait ailleurs dans le monde était exagéré? Est-ce qu’ils sont trop négligents? En bout de ligne, j’ai juste pris la décision d’aller vivre ça chez moi, avec les miens. Le hockey, c’est une chose, mais la santé et la présence de ma famille, c’est plus important. »

Un retour anticipé, un rêve à réaliser

L'ancien des Cataractes de Shawinigan et des Saguenéens de Chicoutimi ignore si sa désertion jouera en sa défaveur aux yeux de ses patrons.

« J’y ai longtemps pensé, mais j’espère que non. C’est une question personnelle, familiale. J’ai eu une longue conversation avec Spooner avant qu’il quitte. Il avait peur que les gars le voient d’un autre œil, qu’ils soient en maudit contre lui. Mais à la fin de la journée, le plus important, c’est ta santé mentale et physique. Après ça, les autres gars vont comprendre. Finalement, je lui ai parlé encore aujourd’hui et il ne regrette pas sa décision. Je ne regrette pas la mienne non plus. »

Les récents développements n’ont rien changé non plus au désir de Paré de retourner en Biélorussie l’an prochain. S’il a décidé à la base de quitter l’Automobilist de Yekaterinburg et de signer un contrat moins lucratif à Minsk, c’était parce qu’il aurait l’opportunité d’obtenir ses papiers officiels afin de devenir admissible à une place au sein de l’équipe nationale de son pays d’adoption, qui sera l’hôte du Championnat du monde en 2021.

« Avant de quitter, j’étais dans les dernières étapes. J’ai passé par une panoplie de processus, ça a été assez compliqué, mais c’est une méchante expérience. Si ça peut fonctionner pour vrai, un petit gars de Ville LeMoyne qui se ramasserait peut-être au Championnat du monde et aux Jeux olympiques, si on se qualifiait. Ça serait une histoire quand même assez formidable. Je ne pouvais pas cracher là-dessus. Ça serait vraiment une belle façon de boucler ma carrière », rêve l’attaquant de 32 ans.