Section Repêchage 2020

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MONTRÉAL – Un joueur classé dans le top-20 par la Centrale de recrutement de la LNH, mais qui n’apparaît pas sur la liste de certaines équipes en vue du repêchage. Oui, c’est très particulier, mais c’est la réalité au sujet de l’espoir Jérémie Poirier

Le défenseur des Sea Dogs de Saint John est une machine offensive (voici quelques faits saillants de sa part), un athlète doué comme il s’en déniche peu à cette position pour appuyer l’attaque, multiplier les lancers au filet, diriger un jeu de puissance et déjouer des adversaires avec aisance. 

Malgré ses 20 buts et 53 points en 64 parties, Poirier n’a pas dissipé les doutes de plusieurs dépisteurs d’expérience par rapport à son rendement défensif. Le patineur de Valleyfield a dû composer avec une équipe peu puissante lors de ses deux premières saisons dans la LHJMQ si bien qu’il a été exposé à outrance dans sa zone, mais il n’a pas démontré suffisamment de progression à leurs yeux. 

Ces dépisteurs se retrouvent donc dans une situation délicate. Évidemment, Poirier n’est âgé que de 18 ans (depuis le 2 juin) si bien que son développement est loin d’être complété. Ils doivent ainsi tenter de prédire s’il finira par assimiler les notions défensives requises pour survivre dans le circuit Bettman. 

« Ce n’est pas impossible qu’il devienne un choix pour lequel on dira plus tard ‘Ayoye, les gars dormaient! », avoue d’emblée un recruteur d’une organisation de l’Est dans la LNH. 

Il ne faut pas remonter bien loin pour trouver un cas pertinent avec lequel on peut dresser des parallèles. Sans dire que Poirier représente une « copie » de Thomas Chabot, les deux défenseurs partagent des similitudes dans leurs attributs et leur raffinement au moment de procéder au repêchage. 

« Ils n'ont pas exactement les mêmes habiletés, mais c’est ce qui est arrivé avec Chabot. Il avait des lacunes à son année de repêchage, même plusieurs lacunes, et ça explique son rang », a comparé cette source alors que Chabot a constitué la 18e sélection et qu’il sortirait sans doute dans le top-10 si on recommençait ce repêchage aujourd’hui. 

« Jérémie a peut-être des lacunes qui sont plus prononcées, mais je pense qu’il sortira assez tôt quand même, ses aptitudes sont assez rares. Il est très créatif, mais en défense, ouf ... », a-t-il enchaîné. 

Les leçons du passé pourraient laisser croire que les équipes de la LNH ne voudraient pas répéter une telle erreur. Impossible de ne pas songer aux Bruins de Boston qui avaient levé le nez sur Chabot au 13e rang pour sélectionner un autre défenseur, son coéquipier de surcroît, Jakub Zboril.

Cela dit, nos recherches ont permis d’obtenir la confirmation que Poirier avait été écarté de certaines listes. Le raisonnement s’explique ainsi : quelques clubs n’adhèrent pas à l’idée de repêcher des défenseurs avec des relâchements d’intensité dans son territoire tandis que d’autres formations croient qu’il peinera à s’ajuster défensivement. 

Ce n’est pas nouveau que les entraîneurs de Poirier insistent sur la dimension défensive de son arsenal. Sans surprise, le gaucher a été questionné sur son talon d’Achille durant les dernières semaines dans le cadre d’entrevues virtuelles en prévision du repêchage.

« C’est sûr, mon jeu est toujours plus reconnu par mon offensive. C’est la défense que je dois développer, c’est l’avis des recruteurs et c’est tout à fait normal. Comme je leur dis, je travaille fort là-dessus, je pense que j’évolue de ce côté et je vais mettre les bouchées doubles là-dessus », a reconnu Poirier qui veut être plus concentré quand il défend dans son territoire. 

Durant ses démarches, un recruteur d’un autre club de la LNH a récolté des confidences d’adversaires de Poirier – un ancien attaquant - qui démontrent que le chemin à parcourir est considérable. 

« Des joueurs m’ont dit que c’est l’un des défenseurs qu’ils aiment le plus affronter. Ça reste qu’il a du talent et si tu es une organisation qui pense être capable de travailler avec lui, je n’ai aucun problème que tu le prennes disons en deuxième ronde. Mais nous, c’est moins notre style », a raconté cet intervenant. 

L’autre recruteur arrive à une conclusion semblable. Après tout, Poirier est trop talentueux pour poireauter longtemps et sa personnalité ne pose pas problème alors qu’il est décrit comme un jeune homme détendu et gentil. 

« Je crois qu’une équipe le prendra en deuxième ronde et je ne serais pas étonné que ce soit une équipe qui a beaucoup de choix cette année. Tu peux en utiliser un sur un athlète comme lui qui détient un potentiel très élevé. Si ça marche tant mieux, mais c’est moins grave si ça ne fonctionne pas », a décrit son confrère en sachant que le Canadien n’est pas la seule troupe à disposer de ce privilège cette année. 

« Le club qui le repêche doit comprendre qu’il aura bien du travail à faire avec lui.  Le dépisteur qui le vendra à son équipe devra être clair avec ses collègues sur ce que le club achète en le prenant. Ça va prendre de la patience », a-t-il ajouté. 

Les recruteurs savent que c’est délicat comme portait à dresser et l’un d’eux tient d’ailleurs à ajouter une précision. 

« Je ne suis pas le seul, les autres dépisteurs vont tous te dire la même affaire. Tout le monde se pose la question à son sujet. »

En terminant, le nom de Poirier a aussi été associé à celui de P.K. Subban qui aimait encore plus s’aventurer un peu partout sur la patinoire au niveau junior. Cette comparaison ne tient pas la route d’après cet observateur. 

« P.K. était flashy avec la rondelle et il en faisait trop sur la glace. Mais, défensivement, c’était un cheval, il jouait de manière robuste dans sa zone. Disons que le comparable s’arrête au talent offensif », a-t-il conclu. 

Il n’en demeure pas moins que ce sera intéressant de voir le résultat d’ici cinq à sept ans alors que Poirier devrait avoir atteint son potentiel. On pourra également comparer sa contribution à celle de Justin Barron, un défenseur nettement moins flamboyant qui est classé deux petits échelons devant Poirier par la Centrale de recrutement de la LNH.