Le 16 décembre 1988, je travaille pour Télé 4 à Québec. La veille, les Nordiques avaient vaincu le Canadien 6-4 au Colisée, la 3e victoire des Québécois en autant de matchs contre les Montréalais sur 8 affrontements en saison régulière. J’arrive dans la salle des nouvelles et mes collègues me regardent avec un sourire en coin.

« Tu as reçu un cadeau, il est sur ton bureau », me dit un journaliste avec un large sourire.

Curieuse, je me dirige rapidement vers mon espace de travail et j’éclate de rire en voyant le « cadeau » : une couronne mortuaire avec le logo du Canadien! Étant native de Montréal, mes collègues aimaient beaucoup me taquiner et embarquaient joyeusement dans cette rivalité qui passionnait toute la province. C’était drôle, sans méchanceté, mais ça indique à quel point cette rivalité s’était propagée autant chez les amateurs de hockey que chez les journalistes. Elle divisait les familles, elle enflammait les tribunes téléphoniques, bref, elle était à la mesure de la passion des amateurs de hockey au Québec.

La rivalité Canadien-Boston a aussi, dans une moindre mesure, donné droit à des élans de passion entre les partisans et les joueurs des deux équipes. C’est sans doute une des plus vieilles du hockey, remontant à 1924. Elle s’est accentuée au fil du temps, et on peut dire qu’elle a atteint son paroxysme dans les années 70 avec les formations de Scotty Bowman et de Don Cherry.

Même si elle est un peu moins intense, cette rivalité demeure bien présente. Patrice Bergeron la ressent depuis ses débuts avec les Bruins en 2003.

« C’est super pour moi cette rivalité! J’ai grandi à Québec, j’étais un fan des Nordiques alors la rivalité contre le Canadien, pour ma famille et moi, elle existe depuis que je suis tout petit. Depuis que je joue pour les Bruins, ça se poursuit. C’est vraiment génial d’avoir des rivalités comme ça durant la saison, ça te permet de regarder le calendrier et de cibler les matchs que tu as hâte de jouer. C’est vraiment spécial aussi de faire partie d’une histoire qui est aussi grande », indique l’excellent joueur des Bruins.

Son plus beau souvenir?

« En 2011, notre série contre le Canadien a été un catalyseur de notre conquête de la coupe Stanley. On avait réussi à les éliminer en 7 matchs. On était revenu de l’arrière 0-2 dans la série », précise-t-il.

Cette pause obligatoire dans la Ligue nationale de hockey déçoit certes Bergeron. Les Bruins représentaient la meilleure formation du circuit avec une récolte de 100 points en 70 matchs. L’équipe semblait en mission. Est-elle meilleure que celle qui s’est rendue en finale de la Coupe Stanley l’an passé?

« Notre force cette année, c’est notre jeu d’ensemble, notre profondeur.  Le noyau de vétérans est le même depuis très longtemps et les jeunes qui se sont greffés dans les dernières années sont demeurés avec l’équipe. On n’a pas besoin de travailler sur l’esprit d’équipe qui était déjà très bien établie alors on a poursuivi dans la même veine que l’an passé. On est satisfait de notre saison. C’est sûr qu’on est déçu de devoir arrêter mais on sait bien que c’est la santé qui est prioritaire et on espère avoir une chance de jouer en séries. »

« Il y a un sentiment du devoir inachevé car nous étions si près du but ultime l’an passé. Dans chaque situation tu essaies d’apprendre le plus possible, on apprend souvent beaucoup plus par nos échecs, malheureusement. En espérant que ça va nous aider à grandir et d’avoir une meilleure fin de saison », ajoute sagement le quadruple récipiendaire du trophée Selke…

Inutile de vous dire qu’il espère une reprise des activités dans la LNH mais pas à n’importe quel prix.

« Je vais t’avouer que j’aimerais beaucoup avoir la chance de revenir, mais c’est compliqué », répond-il. « On a 70 matchs de joués à Boston, cependant pour d’autres équipes, c’est différent. Il y en a qui en ont 68 ou 71, ce n’est donc pas évident d’en venir à un chiffre égal pour tous et d’entamer les séries après ça. Est-ce qu’il y a assez de temps pour faire quatre séries 4 de 7 ou est-ce qu’on doit remanier ça et faire des 3 de 5? Ce sont des questions auxquelles je n’ai pas de réponse. Il faut trouver une façon de le faire. Toutefois, on parle beaucoup de jouer en milieu neutre, de s’exiler, mais moi, je suis papa, j’ai trois enfants alors je trouverais ça très difficile de partir loin de ma famille pour des mois alors c’est certain que pour moi, ça ne serait pas idéal du tout. »

Entre temps, le natif de L’Ancienne-Lorette s’entraîne dans son sous-sol du lundi au vendredi et s’accorde les fins de semaine de congé. Il se dit en bonne forme et il voit un bon côté à cette pause qui permet à tous les joueurs blessés de récupérer.

« La plupart des saisons sont longues et sont dures physiquement pour les joueurs, ça leur permet donc de revenir en forme et en force et ainsi d’améliorer leur équipe. On parle beaucoup de parité dans la Ligue nationale, peu importe que tu termines au 1er ou au 8e rang, il n’y a pas nécessairement de différence, ce sont des séries chaudement disputées. Ce sera d’autant plus vrai cette saison puisqu’on va tous partir sur un pied d’égalité avec cette longue pause, ce sera donc quelle équipe sera en mesure de partir le plus vite sur la ligne de départ. »

Nul doute que Patrice Bergeron, avec ses 31 buts et 56 points en 61 matchs cette saison, saura aider ses coéquipiers à sortir des blocs le plus rapidement possible.