Des souvenirs d’adolescence me reviennent en tête ces jours-ci. Les samedis, mes soirées de filles se passaient à la Récréatèque de Laval ou nous dansions au son de la musique disco chaussées de « patins à roulettes » loués sur place.  On parle ici d’une sortie beaucoup plus sortie sociale que sportive mais c’était un événement populaire et un des rares endroits (à part les arénas et les salles de cinéma) que j’avais le droit de fréquenter puisque je n’avais pas encore l’âge de sortir dans les bars.

Puis, le patin à roulettes est tombé dans l’oubli jusqu’à ce que quelques années plus tard, il revienne en force avec quelques modifications à l’équipement et un nouveau nom plus sophistiqué « patins à roues alignées ». Mode qui fut encore une fois passagère jusqu’au mois de mars, début de la pandémie.

Depuis l’arrêt des activités dans la LNH plusieurs joueurs ont dépoussiéré leurs anciens patins et les ont sortis pour les ajouter à leur entraînement. C’est le cas de Joe Veleno, premier choix des Red Wings de Detroit en 2018, qui publie d’intéressantes capsules d’entraînement sur son compte Instagram.

« Avec la pause, je ne pouvais pas faire grand-chose, mais j’ai pensé à mes patins à roues alignées que j’avais déjà chez moi car j’en faisais beaucoup quand j’étais petit. Je les sors presque tous les jours et je te tente d’être créatif ans mes exercices » précise le talentueux attaquant de 20 ans qui a jouait à Grand Rapids, pour le club-école des Wings au cours de la saison.

Est-il bon pour les joueurs de la LNH de remplacer le patin à lames par le patin à roues alignées? Oui, mais dans une condition particulière nous dit le préparateur physique Stéphane Dubé.

 « Si on utilise le patin à roues alignées pour améliorer la technique de patin sur glace ou pour améliorer l’explosion par exemple, ce n’est pas une bonne idée car il y a des grandes différences entre les deux sortes de patins. Cela étant dit, on est dans une situation extraordinaire que personne n’avait prévu. Des joueurs m’appellent pour me demander comment ils peuvent maintenir leur endurance alors oui, dans ce cas précis, je les conseille de faire du ‘’rollerblades’’ car ça devient une source d’entrainement proche du patin normal mais on doit le faire sous forme d’endurance. Si tu fais des ‘’drills’’ avec des virages brusques avec tes patins à roues alignes, ce n’est pas bon car ce n’est pas spécifique à ce qui se passe sur la glace », a expliqué Dubé.

La bonne nouvelle, c’est que le risque de blessure est minime.

 « Le seul risque que je vois concerne les chutes. Ton point d’équilibre n’est pas le même que sur des lames. Si tu tentes de faire des exercices axés sur l’explosion, la vitesse et des virages brusques, le joueur risque de tomber plus facilement que sur la glace car il n’est pas habitué de le faire. Mais les joueurs qui, au lieu de courir, vont faire du rollerblade, ils n’ont pas plus de chance de se blesser, je n’ai pas de pas de problème avec ça », précise Dubé.

Et pour ceux qui n’ont pas de patins à roues alignés, quelle est la solution?  

Stéphane Dubé avoue qu’il doit travailler fort pour trouver des entraînements spécifiques inhabituels.

« Je monte des plans d’entrainement pour des réalités qui vont dans tous les sens. On est à se réinventer au niveau de ce qu’on peut donner en ce moment. Il y a des gars qui m’appellent et qui sont équipés comme au gym mais il y a aussi des joueurs qui n’ont que deux cannes de conserves et un élastique pour s’entraîner alors il faut être créatif » me confie Stéphane en riant.

« On doit alors faire des exercices de pliométrie, de sprint, d’accélération pour aller chercher la fibre à contraction rapide en explosion. On ajoute des exercices avec des élastiques où on va venir solliciter les hanches, l’aine, les adducteurs pour que ces muscles-là soient prêts quand le retour va se faire sur la glace, on diminue ainsi le risque de blessures. »

Le plus gros risque de blessure est plus dans la charge de travail inséré dans une limite de temps qui cause problème.

 « Je persiste à croire que la transition entre l’inactivité et le retour sur glace c’est ce qui sera problématique. Car durant l’été les joueurs vont patiner de façon progressive pendant 10 à 12 semaines pour se préparer pour le début de saison et on va augmenter l’intensité graduellement pour s’assurer que toute la machine tienne la route tandis que là, on va passer d’un état zéro à un état de 100% en seulement quelques semaines, c’est là que ça va poser problème. »

Pour mieux comprendre, il fait une comparaison toute simple. Il mentionne d’abord que les athlètes de haut niveau doivent y aller par progression. Il précise qu’ils ne peuvent pas passer d’un état 0 à un état 100% rapidement. Quand les joueurs vont revenir, ce sera probablement pour les séries, donc des matches très intenses, rien à voir avec un début de saison.

« C’est comme si tu laissais ta voiture dehors à -30 puis tu entres à l’intérieur, tu allumes le moteur et tu mets la pédale dans le fond. Le moteur va dire ‘’wo un instant’’, l’huile n’a pas eu le temps de se rendre partout tu vas faire sauter ton moteur ou autre exemple, tu ne peux pas être assis dans ton salon et tout d’un coup, te lever et aller courir le 400 mètres à pleine vitesse. C’est le même principe. Les joueurs vont devoir reprendre leur ‘ game shape’. Tu as beau faire du vélo, courir, t’entrainer mais la sensation de ta forme physique optimale, c’est plus que ça, les gars vont avoir besoin de temps, minimum 3 semaines pour la reprendre. »

La meilleure solution pour cet homme qui prend soin des athlètes depuis des nombreuses années?

Annuler la présente saison, les séries et penser à la saison suivante quitte à la commencer un peu plus tard.

« À vouloir sauver la saison actuelle, on va hypothéquer la prochaine. Si on impose aux joueurs le reste de la campagne, les séries et qu’on amorce la saison suivante avec très peu de temps de récupération, les blessures augmenteront. »

 « Je compare les joueurs de la LNH à les voitures de Formule Un. Ils sont tous performants, c’est une question de ‘fine tuning’ tout se situe au niveau des détails. La plupart des joueurs sont à environ 60 ou 70% de leur forme physique en ce moment mais ils vont quand même être capable de remonter ça assez vite. Mais mentalement, c’est autre chose. Ils ont des inquiétudes.  Je n’en ai pas un qui m’a dit ‘je suis prêt à 100% dans ma tête’. Ils ont trop de questionnement, trop d’enjeux financier, familial, de sécurité pour leurs familles, leurs enfants. C’est spécial ce qui se passe en ce moment. » conclu Stéphane Dubé.

Spécial en effet, surtout que c’est l’enjeu financier qui est au sommet de la liste de Gary Bettman en ce moment alors les joueurs n’auront pas le choix et devront trouver une façon d’être prêts mentalement et physiquement…