VANCOUVER – Il y a de ces silences qui en disent plus long que le plus éloquent des discours. Filip Zadina est un excellent joueur de hockey, mais un menteur plutôt moyen.

 

Pas besoin d’être un expert en synergologie pour comprendre que l’espoir des Red Wings de Detroit n’est pas où il voudrait être cette semaine à Vancouver. Pas que son allégeance pour le drapeau tchèque, qu’il défend pour la deuxième fois au Championnat du monde de hockey junior, doive être mise en doute. Ce n’est pas de ça dont il est question.  

 

Zadina est convaincu que sa place est dans la Ligue nationale. Pas l’an prochain, ni dans deux ans, mais maintenant. Il faut entendre son soupir, il faut voir son sourire amer lorsqu’on lui demande s’il souffre de voir Andrei Svechnikov, Jesperi Kotkaniemi et Brady Tkachuk, trois attaquants qui ont été repêchés juste devant lui en juin dernier, connaître du succès dans la LNH.

 

« Ce sont des bons joueurs, je ne dis pas le contraire... », laisse-t-il en suspens après avoir trébuché quelque peu sur ses mots.

 

Et lorsqu’on suggère, en guise de prolongement à sa réponse, qu’il sait, au fond de lui-même, qu’il serait capable d’être à la même place qu’eux : « C’est toi qui le dit, pas moi. Oui, c’est sûr que je pourrais jouer là. Mais c’est la vie, la vie dans le monde du hockey. J’ai été repêché dans une équipe, ils ont été repêchés ailleurs... ce sont deux vies différentes. »

 

La réalité de Zadina, c’est qu’il est la propriété des Red Wings de Detroit, une organisation qui était enchantée de le voir glisser jusqu’au sixième échelon de la première ronde, mais qui a la réputation d’être patiente avec ses prospects et qui juge qu’il a encore des croûtes à manger avant de se trouver un condo à Hockeytown.

 

« Je ne veux pas être le gars qui se plaint tout le temps, mais j’aurais aimé avoir une chance, juste quelques matchs, avant d’être rétrogradé, dit-il après une autre bruyante hésitation. Ce n’est pas la fin du monde, je sais que l’appel finira par venir. Est-ce que ça sera dans trois ans, cette année, l’an prochain? Je serai patient. Je vais travailler fort et essayer de leur forcer la main avec mon jeu sur la glace. C’est décevant, mais ce n’est pas la fin du monde. »

 

Zadina fait donc ses classes chez les Griffins de Grand Rapids, le club-école des Wings dans la Ligue américaine. Il ne s’en tire pas si mal : 17 points, dont huit buts, en 27 matchs. Son rendement lui vaut le sixième rang au classement des pointeurs de l’équipe, mais son différentiel de moins-13 le place loin derrière tous ses coéquipiers.

 

« Ce n’est pas mauvais, estime-t-il. Le début de la saison a été plus dur, l’équipe au complet ne jouait pas bien, mais là ça va mieux. C’est une ligue exigeante, mais j’ai marqué quelques buts et je me sens beaucoup plus à l’aise qu’à mon arrivée là-bas. J’ai beaucoup de temps de jeu et de belles opportunités. »

 

Autant Zadina ne cache pas ses réserves quant à sa présence dans la Ligue américaine, autant il est convaincu que sa carrière y progressera plus rapidement que s’il était retourné à Halifax pour y disputer une deuxième saison avec les Mooseheads. Normalement, un joueur de 19 ans issu de la Ligue canadienne de hockey devrait être retourné à son club junior s’il n’est pas en mesure de s’accrocher à la LNH, mais à la fin de leur camp d’entraînement, les Red Wings ont plaidé avoir trouvé une faille dans la réglementation qui leur permettait de garder le contrôle sur leur joyau tchèque. Personne n’a trouvé les arguments pour les contredire.

 

« Jouer dans le pro est sans aucun doute la meilleure option pour moi parce que je veux jouer dans la LNH le plus vite possible, tranche celui qui a marqué 44 buts en 57 matchs dans la LHJMQ. Je n’ai pas besoin de retourner dans le junior pour dominer, je peux le faire dans la Ligue américaine. Je veux dire, je joue bien jusqu’à maintenant, je ne joue pas mal! On m’utilise sur le deuxième trio, je joue sur l’avantage numérique. Même si la LNH serait mieux, il y a du positif pour moi là-bas. »

 

Séparé de Necas

 

La République tchèque a reçu trois cadeaux d’une valeur inestimable avant le début du Mondial junior quand elle a appris que Zadina, Martin Necas et Martin Kaut allaient être libérés par leur club pro respectif pour joindre leur équipe nationale. L’année dernière, à Buffalo, les trois complices avaient probablement formé le meilleur trio de la quinzaine, accumulant un total de 26 points en sept matchs.

 

On s’attendait, logiquement, à les voir de nouveau réunis pour leur premier match du tournoi contre la Suisse, mais l’entraîneur-chef Vaclav Varada avait plutôt décidé de les séparer. Ainsi, Necas et Kaut formaient la principale unité d’attaque en compagnie de Krystof Hrabik, un colosse de 19 ans qui évolue à Tri-City, dans la Ligue junior de l’Ouest. Zadina était quant à lui jumelé à Jan Hladonik et Ondrej Machala, deux bougres qui baignent dans l’anonymat en première division tchèque.

 

Ça ne fait pas l’affaire de Zadina. Là encore, ça ne pourrait être plus clair.

 

« Ce n’est pas que je suis déçu, mais c’est vrai que j’adorerais jouer avec [Necas]. C’est l’un des meilleurs joueurs de centre du tournoi et il rendrait les choses beaucoup plus faciles pour moi, mais tu sais, la vie n’est pas facile. Je dois jouer avec les coéquipiers qu’on me donne et ça va, je les aime, ils sont pas mal bons. Il faudra juste s’habituer l’un à l’autre et offrir du meilleur hockey. »

 

Zadina a offert une performance inégale contre les Suisses. Il s’est fait voler par un bel arrêt du gardien Luca Hollenstein en première période, a été dominant lors d’une présence à 4-contre-4 quelques minutes plus tard et a frappé le poteau en deuxième. Mais sa nonchalance en a fait la victime de plusieurs revirements à mesure que le match progressait.

 

« C’est évident qu’il faudra être meilleurs contre [le Canada et la Russie], sinon ça risque d’être laid », a-t-il convenu.​