On s’attendait à un match serré. On s’attendait à une domination allemande. On s’attendait à ce que la rigueur et l’organisation soient dans le camp de l’Allemagne et l’émotion dans celui de l’Argentine, l’une avec la tête, l’autre avec le cœur. On s’attendait à ce que la possession du ballon soit principalement du côté des Allemands et que les Argentins jouent en contre. La première demie de la finale de cette Coupe du monde a répondu à tous ces critères, sans amener de but.

Pas de but, mais de l’action. D’abord double tuile pour l’Allemagne : Khedira, blessé au mollet à l’échauffement, doit être remplacé. Et le substitut, Kramer, sera lui-même éventuellement remplacé à la 31e minute par Schürrle après un choc solide avec Demichelis qui l’a complètement sonné. À la 21e minute, Toni Kross a eu la frousse de sa vie quand une mauvaise remise profite à Higuain qui se retrouve complètement seul devant Neuer, mais l’Argentin a été incapable de cadrer le tir.

L’Allemagne continue de monter, de presser l’adversaire au fond de sa zone. L’Argentine laisse venir, mais aussitôt que l’occasion se présente, profite de la rapidité de ses attaquants. Comme Higuain qui fait bouger le filet à la 30e minute… hors-jeu. Et à la 40e, c’est Boateng sur la ligne qui dégage un ballon de Messi. Un Messi que les Allemands arrivent à bien contenir et qui a bien peu d’occasions de faire parler son pied. Dans les arrêts de jeu, Höwedes, sur un corner, tape le poteau! Un ballon qui aurait dû rentrer, et sur la reprise, Müller est hors-jeu… Avec 70 % de possession allemande, pas de surprise sous le soleil de Rio.

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En revenant de la pause, l’Allemagne semble un peu moins sereine et l’Argentine paraît partir sur des bases plus offensives. Mais on retombera vite dans la possession allemande et les contres argentins. Le bobo de l’Argentine : six tirs, dont aucun cadré. Ça ne fait pas des buts forts… L’Allemagne en a sept, dont trois cadrés, sans véritablement inquiéter Romero cependant. Et plus la demie avance, plus on sent la prolongation arriver. Peut-être en prévision de ces trente minutes supplémentaires, Joachim Löw a été plus économe dans ses changements. Il lui en reste un pour voir venir alors que Sabella a utilisé toutes ses cartouches.

La prolongation apporte sa part d’excitation, mais sa part d’inquiétudes également. Dans les gradins, les partisans se rongent les ongles. Les sourires sont un peu crispés et certains ont maintenant l’alcool anxieux... Et à la première minute, le stade en entier retient son souffle sur un tir de Schürrle qui force Romero à faire son plus bel arrêt du match jusqu’à maintenant. Puis Palacio rate une autre occasion à la Higuain… l’entraîneur Sabella est au supplice, on n’a pas le droit de rater une chance pareille!

La deuxième prolongation commence alors qu’on se dit qu’il n’y a rien qui arrivera à décoincer ce match. On est loin du festival de buts réussi contre le Brésil! Et si les prolongations se profilaient depuis la 75e minute, les tirs au but commencent à devenir une possibilité de plus en plus concrète jusqu’à ce que… Göööööötze!!! À la 113e minute, l’Argentine concède son premier but en prolongation et tire de l’arrière pour la première fois dans cette Coupe du monde. Un superbe but de Mario Götze, entré comme substitut à Klose. Un service parfait de Schürrle, lui aussi remplaçant, et un amorti de poitrine suivi d’un tir croisé parfait, le résultat du match de dessine à grands coups de fusain gras.

Les images qui suivent sont faites de grands contrastes. Le délire dans les gradins occupés par les Allemands, les sanglots qui étranglent les Argentins catastrophés. Il faut un gagnant et un perdant, c’est la conclusion ultime de tout match, aussi grand l’enjeu soit-il. Mais en fin de compte, c’est l’équipe qui aura été la plus constante qui l’emporte. Plusieurs de ces joueurs sont ensemble depuis plusieurs années sur l’équipe nationale. Ils ont joué avec sérieux, ils ont montré que leur banc avait de la profondeur, ils ont fait ce qu’il fallait pour l’emporter. De son côté, l’Argentine n’a pas été en mesure de cadrer un seul tir de tout le match, difficile de marquer des buts dans ces conditions. La défaite argentine fait mal pour Messi qui n’aura pas encore pu faire de ce Mondial le sien. Même le fait de recevoir le trophée du meilleur joueur du tournoi ne lui arrachera pas un sourire. Ce n’est pas celui-là qu’il voulait. Mais contrairement au Brésil, l’Argentine n’a pas été déclassée et peut se retirer la tête haute.

L’Allemagne écrit donc une page d’histoire en devenant le premier pays européen à remporter une Coupe du monde en territoire américain. Vingt-quatre ans après son troisième, elle soulève son quatrième trophée Jules-Rimet. Elle conclut une Coupe du monde en deux temps, une phase de groupe faite de rebondissements et de surprises, puis une phase éliminatoire un peu plus terne parfois, mais qui couronne un champion méritant.