Et qu’est-ce que vous avez prévu de faire après le 15 juillet? Tyrolienne? Parachute? Descente de rapides? Va falloir que ce soit fort et régulier pour notre dose quotidienne d’émotions extrêmes. Méchante dépendance née, sauvagement entretenue et très mal apprivoisée au cours de ce mois hallucinant.

 

Encore merci, Russie 2018.

 

Les quarts de finale ne nous auront offert aucun répit. Même le spectateur neutre et très moyennement intéressé au coup d’envoi de ce Russie-Croatie en aura pris plein la tête. Avec Russie 2018, toutes les doses sont gratuites, tous les jours.

 

On ne s’attend sans doute pas à ça au coup d’envoi. Les deux sortent chacune d’une prolongation et on pourrait comprendre que la prudence et l’économie soient d’entrée de rigueur. Pourtant, le match est aussitôt enlevé. Les Russes se créent les premières occasions, par Cheryshev et Dzyuba. Ils ont démarré du bon pied, résolument vers l’avant. Mais les Croates, peut-être plus prudents après l’entame bizarre de leur match face au Danemark, prennent vite leurs marques et vont eux aussi inquiéter Akinfeev. À la demi-heure arrive la première explosion : Cheryshev prend appui sur Dzyuba, toujours juste dans sa tenue du ballon et ses relais, récupère la remise de son attaquant en sortant d’un tacle croate et enchaîne d’une frappe automatique. Parfaite. Subasic ne bouge pas, le ballon se loge proprement dans les filets.

 

La Croatie avait vite réagi lors du match face au Danemark, égalisant à peine deux minutes après avoir cédé. Ici, elle en met sept. Mandzukic bénéficie d’un boulevard sur la gauche, entre sans inquiétude dans la surface et sert face au but Kramaric, dont le coup de tête bat imparablement Akinfeev. La deuxième demie va à son train, les deux équipes alternant les temps forts. Perisic s’offre cependant l’occasion parfaite, une frappe à une dizaine de mètres qui prend le poteau d’Akinfeev, rebondit et roule devant la ligne de but. C’est le moment où Modric va prendre les choses vraiment en main.

 

Plutôt reculé jusqu’alors, il s’est tenu à un rôle d’organisateur, de distributeur, éloigné du centre des débats. Son influence va s’accroître avec l’entrée de Brozovic qui le libère de certaines tâches défensives et le pousse plus près des attaquants. Il va même être proche du but décisif à un quart d’heure de la fin après une brillante combinaison avec Kramaric et Mandzukic.

 

La prolongation arrive, après un incident que l’on prévoit lourd de conséquences : sur un ballon anodin, Subasic, le gardien croate, semble se blesser derrière une cuisse. Les soins durent, son remplaçant s’échauffe. Les Croates ont déjà utilisé leurs trois remplaçants et ne peuvent rien faire avant la prolongation, si changement de gardien il doit y avoir. Pourtant, Subasic est bien là pour la prolongation. Chacune de ses interventions soulève une question, chaque plongeon (et il va être amené à faire trois gros sauvetages) semble être son dernier du match. Pourtant, c’est de l’autre côté que les choses basculent : un corner croate trouve la tête de Vida. Pas sa meilleure, certainement pas sa plus puissante. En fait elle semble rebondir au ralenti, passer devant Corluka et deux défenseurs russes et trouver le coin du but d’Akinfeev, incapable de réagir. Il reste 15 minutes et l’on pense la Russie finalement sonnée pour de bon. Pourtant, elle va réagir sur une autre balle arrêtée : un coup franc de Dzagoev (revenu après avoir quitté le jeu très tôt lors du match d’ouverture) ajusté sur une autre tête, celle de Fernandes, le défenseur brésilien naturalisé russe excellent depuis le début.

 

Suède 0 - Angleterre 2

À 2-2, on n’échappe pas aux tirs au but. Les yeux sont tournés vers Subasic, héros du tour précédent. Il est bien là. Et arrête la première tentative de Smolov, une sorte de balle piquée horriblement mal frappée. De son côté, Akinfeev contre le tir de Kovacic. Mais le sort tourne ensuite : il détourne la tentative de Modric, le ballon prend le poteau, traverse le but dans une trajectoire improbable pour finir à l’intérieur. Et comme Fernandes a mis son tir à côté, Rakitic se retrouve avec la qualification au bout de son tir. Il a transformé le tir vainqueur contre le Danemark. Il ne flanche pas ici non plus, Akinfeev partant une nouvelle fois sur sa gauche, à l’autre bout du coin choisi par le Croate. La Russie quitte cruellement ce Mondial qu’elle aura accueilli généreusement, avec envie et toute sa fierté. La Croatie continue, en demi-finale comme il y a vingt ans (1998) en France. Elle ne pense pas encore au poids de deux prolongations consécutives lorsqu’elle affrontera l’Angleterre jeudi.

 

Des Anglais qui se sont assez bien sortis du possible piège suédois. Une Suède alignée très défensivement, comme attendu, mais qui n’aura que bien trop tard le courage de jouer ses quelques cartes offensives. En fait, elle aura fait illusion une demi-heure. Le temps pour des Anglais patients et appliqués (mais parfois lents et indécis) d’aller chercher un corner. Repris magistralement par Maguire, s’élevant nettement au-dessus du lot et mettant dans sa reprise ce que l’Angleterre a encore du mal à générer : la hargne.

 

On prendra plus de temps pour revenir sur cette Angleterre au moment de présenter les demi-finales (lundi). Elle mérite une meilleure analyse que sur ce seul match, mais elle continue encore de nous cacher certaines parties de son anatomie. On en a entrevu un bout, sur le deuxième but (enfin une décision de jeu instantané avec la remise automatique de Lingard sur la tête de Dele Alli) et sur l’assurance prise par Pickford dans le but. Maguire et Stones ont gagné en assurance, Henderson en autorité. Reste sans doute le cas Sterling, encore mal inspiré lors des moments décisifs.

 

Pour l’Angleterre, chaque minute supplémentaire passée en Russie semble lui donner plus de confiance, de conviction et d’envie. Elle ne chuchote plus sa présence. Les Trois Lions se sont dressés. On croit entendre rugir.

 

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